Beau Is Afraid, Ari Aster (2023)

[Erwann]

Drôle de machin que ce film.
Vieux garçon un rien névrosé, Beau Wasserman a une relation pas très saine avec sa mère. Lorsqu'il perd les clefs de son appartement (situé dans un quartier particulièrement craignos) au moment où il doit se rendre à l'aéroport afin de rendre visite à ladite mère, son existence commence à partir sérieusement en cacahouète.
Bon. Formellement, c'est beau, tout en teintes désaturées (ça change de Midsommar). Mais on sent passer les trois heures du film, surtout qu'Ari Aster ne fait pas de cadeaux aux spectateurs, avec un Joaquim Phoenix figé dans une partition assez ingrate. La première moitié est pourtant assez réussie, entre film catastrophe à échelle personnelle puis parano. Suite une demi-heure théâtrale qui m'a beaucoup plu, même si un rien hors-sujet. Entre symbolique lourdingue et ridicule, la dernière heure du film m'a perdu. Et fait rire de consternation (et je ne crois pas que c'était le but recherché).
À la manière du Congrès d'Ari Folman, on peut considérer le film comme le délire d'un protagoniste sous médocs. Cela justifierait toutes les bizarreries qui suivent. Mais bon… Tel que c'est parti, Ari Aster semble parti pour se la jouer Nolan, réalisateur qui s'enferme dans sa prétention.

La fiche Imdb.

[Weirdaholic]

Tel que c'est parti, Ari Aster semble parti pour se la jouer Nolan, réalisateur qui s'enferme dans sa prétention.

Dommage, il avait plutôt bien commencé avec Hérédité et Midsommar...

Après j'avoue avoir une théorie selon laquelle tout bon réalisateur, après des premiers films magistraux, finit par sombrer dans l'affadissement (Nagisa Oshima) ou la caricature (Dario Argento) de lui-même (voir aussi ce que Léo Henry dit de David Lynch dans Twin Peaks 90210, docu-fiction* publié en 2018 puis recueilli dans le récent Cent vingt).

* il y a même une apparition onirique d'un certain Erwann Perchoc ^_^

[Erwann]

Dommage, il avait plutôt bien commencé avec Hérédité et Midsommar...

Pour ma part, j'avais déjà des réserves pour les deux premiers (une fin ratée pour Hérédité et l'aspect trop random des morts dans Midsommar). Mais ils restent à mes yeux mieux que Beau Is Afraid (même si Ari Aster est forcément d'un autre avis).
Sur la question des réalisateurs qui se plantent, c'est peut-être le parcours "trop tôt encensés —> melon —> n'en fait qu'à leur tête —> échecs critiques et publics".

[Gilles Dumay - Albin Michel Imaginaire]

Après j'avoue avoir une théorie selon laquelle tout bon réalisateur, après des premiers films magistraux, finit par sombrer dans l'affadissement (Nagisa Oshima) ou la caricature (Dario Argento) de lui-même (voir aussi ce que Léo Henry dit de David Lynch dans Twin Peaks 90210, docu-fiction* publié en 2018 puis recueilli dans le récent Cent vingt).

Tu peux ajouter Brian de Palma à ta liste qui est allé jusqu'au remaker en moins bien certains de ses propres films.
Pour Lynch, je trouve le déclin "tardif". J'ai pas aimé son dernier film, mais les autres se défendent bien je trouve.
D'ailleurs j'ai tellement pas aimé son dernier film que j'ai même pas essayé la résurrection de Twin Peaks.

[Weirdaholic]

Tu peux ajouter Brian de Palma à ta liste qui est allé jusqu'au remaker en moins bien certains de ses propres films.

Effectivement. après, je me demande dans quelle mesure ce n'est pas le lot de tous les réalisateurs "formalistes" : au début, leur patte visuelle avait un vrai fond ; après elle devient un cliché. (Il y a aussi Alain Resnais, grand expérimentateur au début, moins par la suite, ou David Cronenberg, etc.)

Pour Lynch, je trouve le déclin "tardif". J'ai pas aimé son dernier film, mais les autres se défendent bien je trouve.
D'ailleurs j'ai tellement pas aimé son dernier film que j'ai même pas essayé la résurrection de Twin Peaks.

En effet. En fait, l'idée de Léo Henry, c'est que Lynch était en état de grâce pendant les 10 années suivant Twin Peaks, jusqu'à Mullholland Drive donc(qui dans mon souvenir est presque plus efficace que Lost Highway).

Il l'explique par le fait que Lynch serait un cinéaste plus intuitif que cérébral (idée intéressante, mais qui se discute, j'ai toujours pensé que Lynch avait un côté architecte).

Selon lui, le reboot de Twin Peaks est archi-dispensable... La façon dont il le décrit ne fait pas envie en tout cas. ^_^

[Pierre-Paul Durastanti]

J'ai tellement détesté Midsommar (dont j'apprécie pourtant beaucoup l'acteur principal) qu'il y a vraiment peu de chance que je m'inflige de nouveau un film du monsieur. Beau, c'était donc non d'entrée, malgré, là encore, un acteur apprécié.

[Erwann]

Effectivement. après, je me demande dans quelle mesure ce n'est pas le lot de tous les réalisateurs "formalistes" : au début, leur patte visuelle avait un vrai fond ; après elle devient un cliché. (Il y a aussi Alain Resnais, grand expérimentateur au début, moins par la suite, ou David Cronenberg, etc.)

De manière générale, ça me semble le cas, mais c'est peut-être aussi lié à la réception : si on crie aux chefs d'œuvre pour tes premières réalisations, ça peut vite faire gonfler le melon.
Après, pour Cronenberg, je ne sais pas : si c'est par rapport à l'horreur organique, il a délaissé cet aspect pendant pas mal de temps (et son retour à cette ambiance avec Crimes of the Future m'a paru passablement raté). (Resnais, pas assez vu pour commenter.)

Selon lui, le reboot de Twin Peaks est archi-dispensable... La façon dont il le décrit ne fait pas envie en tout cas. ^_^

La saison 3 n'est pas dénuée de beaux moments, çà et là. Mais dans l'ensemble, c'est un foutage de gueule qui n'a pas fini de me hérisser.
Tiens, j'ai presque envie de la revoir pour me rappeler à quel point Lynch s'y contrefout de tout.

[Aldaran]

Lost Highway, c'est le seul que j'ai aimé (et compris) de Lynch.
Mais Rammstein m'a aidé grandement... :p