Don Lo a écrit :Je reviens sur tes exemples (bien choisis) de cinéastes dont la qualité de filmage s'expliquerait par l'histoire (comme Ridley Scott, chez qui tu dis qu'il faut que le scénario soit bon) ou leur démarche (ce serait la hauteur du propos qui permettrait une justification des choix esthétiques).
Pour moi, l'emblème et contre exemple, c'est Il était une fois dans l'Ouest (accessoirement mon film fétiche, tous genres confondus).
Le propos est simple (en gros, et selon le scénariste, l'Ouest sauvage se meurt dans la violence et laisse la place à une civilisation tout aussi violente). Pas particulièrement philosophique. Presque une thèse journalistique. Pourtant, Leone développe une cohérence et un style qui servent le propos, le magnifient, et sont pratiquement justifiables à chaque plan (creuser l'âme de l'homme, faire sentir le temps qui lui est compté, laisser entrevoir un espoir féminin nimbé de tristesse...), exploit qu'il n'a jamais réédité, quelle que soit la qualité de ses autres films.
Ce n'est pas un contre-exemple, à mes yeux. Le scénario est peut-êtrre simple, mais il est d'une force incroyable. Idée simple, mais forte, donc grand scénario.
Exploit jamais réédité? Il y a tout de même "Il était une fois en amérique". Cinématographiquement, c'est irréprochable.
Don Lo a écrit :Il ne s'agit donc pas pour moi d'une simple question de talent (Mann en a, comme le grand frère Scott, ou Kubrick ou d'autres...), mais d'une chimie particulière, une sorte de miracle qui peut se cristalliser sur un film ou plusieurs (Kubrick est particulièrement chanceux en la matière), et qui, selon mon expérience perso, ne s'est pas produit sur Public Enemies.
Je comprends ce que tu veux dire. Mais la seule chimie miraculeuse, je n'y crois pas trop. Non, je pense, moi, que le vrai talent, c'est savoir peser le fond et la forme; pas forcément l'équilibre entre les deux, mais leur partage le plus efficace de l'espace qu'ils génèrent. "Collateral" est puissant, "Public enemies" est brillant. Dans les deux cas, la forme est parfaitement adaptée au fond. Enfin, c'est mon avis. A la frange, il y aura toujours des discussions sur certaines options prises par le cinéaste. Par exemple, moi, le choix de Kubrick, dans "Orange mécanique", des scènes accélérées ou du ralenti de la bagarre des trois compères au bord du plan d'eau m'a toujours embarrassé. Mais ce choix définit le film autant que le reste, et en fait, au bout du compte, quelque chose de cohérent.