Expo Science & Fiction (Cité des Sciences, Paris)

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Re: Expo Science & Fiction (Cité des Sciences, Paris)

Messagepar Caliban » 22 décembre 2010 à 21:40

Salut, Roland.

Content que tu passes pour clarifier les choses.

Roland Lehoucq a écrit : Il s'agit d'une simulation d'un voyage aller-retour vers Jupiter en 3 minutes, temps du vaisseau et
de la simulation donc). L'écran de la simulation montre trois groupes d'informations :
1. l'aspect du ciel durant le voyage, tenant compte de l'effet Doppler-Fizeau et de l'aberration stellaire
(et de son corollaire, l'effet de focalisation relativiste) ;
2. deux compteurs indiquant la vitesse du vaisseau par rapport à la Terre (en km/s et en % de la vitesse
de la lumière) et la distance parcourue (en kilomètres et en unités astronomiques) depuis la position
de départ
OK.

Roland Lehoucq a écrit : Tu as effectivement mal compris. (...)
3. deux horloges indiquant la durée écoulée depuis le départ comptée en temps vaisseau et en temps terrestre
(dans ce ce cas, il s'agit d'une durée calculée à partir de celle comptée dans le référentiel du vaisseau).

C'était ma compréhension initiale, avant d'avoir lu le document d'accompagnement.

Je réitère donc mes premières questions : ce "temps terrestre" est-il calculé dans le référentiel du vaisseau
(i.e. vaisseau immobile, Terre en mouvement, "durée calculée" d'abord inférieure, puis supérieure à la durée
mesurée), ou dans le référentiel de la Terre (Terre immobile, vaisseau en mouvement, "durée calculée" toujours
supérieure à la durée mesurée) ?

Et dans ce dernier cas (qui semble ressortir du souvenir des uns et des autres — mais tu es le mieux placé pour
confirmer ou démentir), pourquoi ce choix, qui escamote(rait) l'essentiel de la difficulté conceptuelle ?


Roland Lehoucq a écrit : Tu as effectivement mal compris. (...)
Caliban a écrit : deux horloges situées dans deux référentiels différents, l'une dans le vaisseau et l'autre restée sur Terre
Dont acte. On a donc bien non pas deux, mais TROIS horloges : les deux précitées dans "l'écran de simulation",
et une troisième "restée sur Terre", celle du document d'accompagnement (lien plus haut dans le fil).

Il y a probablement au moins quelque chose à améliorer ici : tous les visiteurs auxquels j'en ai parlé se
souvenaient de deux horloges, aucun ne m'a parlé d'une troisième — pourtant absolument essentielle
pour comprendre ton argument (et répondre au questionnaire !)

Roland Lehoucq a écrit :Comme le texte du document d'accompagnement le dit clairement
Non. La preuve.

Roland Lehoucq a écrit : Comme le texte du document d'accompagnement le dit clairement, la comparaison des horloges
(et donc des durées écoulées) se fait au retour sur Terre, au même lieu donc, et non depuis la cabine du
vaisseau en mouvement.

Dont acte.
Mais alors, pourquoi mettre dans le vaisseau deux horloges, tout en expliquant bien qu'il vaut mieux s'abstenir
de les comparer ? Un peu Shadock, non ?

D'autre part, si la simulation porte sur un aller simple vers Jupiter, que compare-t-on au "retour" sur Terre ?
On suppose que le retour se fait à basse vitesse, pour ne pas ajouter de nouvelle correction relativiste ?
Ou on laisse le visiteur déterminer tout seul celle associée au vol retour ?

Roland Lehoucq a écrit : je t'engage à aller le vérifier de tes propres yeux.

Assurément.
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Re: Expo Science & Fiction (Cité des Sciences, Paris)

Messagepar M » 22 décembre 2010 à 21:48

La discussion est passionnante et me fait regretter de ne pas encore avoir vu cette expo.

En attendent je me console avec le livre. Un bel ouvrage.
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Re: Expo Science & Fiction (Cité des Sciences, Paris)

Messagepar Roland Lehoucq » 22 décembre 2010 à 22:34

Caliban a écrit :Je réitère donc mes premières questions : ce "temps terrestre" est-il calculé dans le référentiel du vaisseau
(i.e. vaisseau immobile, Terre en mouvement, "durée calculée" d'abord inférieure, puis supérieure à la durée
mesurée), ou dans le référentiel de la Terre (Terre immobile, vaisseau en mouvement, "durée calculée" toujours
supérieure à la durée mesurée) ?


Je ne suis pas sûr de comprendre ce que tu veux dire. Il y a deux référentiels spatio-temporels : celui de la Terre et celui du vaisseau. Le référentiel de la Terre est (approximativement) un référentiel inertiel tandis que celui du vaisseau ne l'est pas : comme il est uniformément accéléré ou décéléré le référentiel inertiel qui coïncide avec lui change à chaque instant. Les situations ne sont pas symétriques et on ne peut pas faire comme si le vaisseau était fixe et la Terre mobile. La symétrie de point de vue ne se produit que si le vaisseau se déplace à vitesse constante. Quant aux temps, l'observateur terrestre a une horloge au repos devant lui, le pilote du vaisseau a une horloge au repos devant lui. Chacun peut calculer ce que lit l'autre en connaissant l'accélération propre du vaisseau (pour le pilote c'est facile il a un accéléromètre à bord, pour l'observateur terrestre c'est plus subtil mais il peut s'en sortir en mesurant à la fois la vitesse et l'accélération du vaisseau dans son référentiel).

Caliban a écrit :pourquoi ce choix, qui escamote(rait) l'essentiel de la difficulté conceptuelle ?


Une quantité appréciable de subtilités sont passées sous sllence dans cette simulation de 3 minutes s'adressant au grand public. Et le but de cette simulation n'est pas de les expliquer : en 3 minutes c'est mission impossible. Il s'agit plutôt que le visiteur lambda retienne que quand on va vite il se passe des choses curieuses : ainsi "la mesure d'une durée dépend de l'état de mouvement de celui qui fait la mesure" ou bien "à grande vitesse, l'aspect du ciel étoilé n'a rien à voir avec ce que nous voyons sur Terre ni avec ce que nous montre les films de SF".

Caliban a écrit :On a donc bien non pas deux, mais TROIS horloges : les deux précitées dans "l'écran de simulation",
et une troisième "restée sur Terre", celle du document d'accompagnement (lien plus haut dans le fil).

Il y a probablement au moins quelque chose à améliorer ici : tous les visiteurs auxquels j'en ai parlé se
souvenaient de deux horloges, aucun ne m'a parlé d'une troisième — pourtant absolument essentielle
pour comprendre ton argument (et répondre au questionnaire !)


Dans le simulateur il n'y a que deux horloges affichées, celle du vaisseau et celle qui mime par le calcul le comportement de l'horloge terrestre : normal que tes visiteurs n'en aient pas vu trois. Dans le document auquel tu fais référence (et qui ne concerne pas le grand public, mais les visites de classes) l'expérience est présentée de façon plus classique : une horloge dans le vaisseau et une autre sur Terre, synchronisées au départ et comparées au retour.

Caliban a écrit :Mais alors, pourquoi mettre dans le vaisseau deux horloges, tout en expliquant bien qu'il vaut mieux s'abstenir
de les comparer ? Un peu Shadock, non ?


Par exemple pour que le visiteur retienne que la mesure d'une durée dépend de l'état de mouvement de celui qui fait la mesure. Une ou deux idées nouvelles et contre-intuitives en 3 minutes c'est un maximum pour une exposition grand public. On peut regretter cette faible densité d'informations, mais d'expérience je te confirme qu'il est très difficile d'aller plus loin.

Caliban a écrit :D'autre part, si la simulation porte sur un aller simple vers Jupiter, que compare-t-on au "retour" sur Terre ?
On suppose que le retour se fait à basse vitesse, pour ne pas ajouter de nouvelle correction relativiste ?
Ou on laisse le visiteur déterminer tout seul celle associée au vol retour ?


L'aller (accélération + décélération) dure 90 secondes, le retour (accélération + décélération) 90 secondes pour un total de 3 minutes (en temps vaisseau) d'aller-retour de la Terre à Jupiter (qui est aussi le temps total de la simulation). Au départ les horloges sont synchronisées, au retour on compare leurs indications.
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Re: Expo Science & Fiction (Cité des Sciences, Paris)

Messagepar Herbefol » 22 décembre 2010 à 22:51

Roland Lehoucq a écrit :Et la formule liant le temps terrestre et le temps vaisseau est explicitement donnée par la voix off (qui est celle de la doublure française de Schwarzie dans Terminator) présentant les effets physiques remarquables durant le déroulement de la simulation.

Quand j'ai visité l'expo j'étais en plein visionnage de Ghost in the Shell : Stand Alone Complex où ce doubleur officie aussi, du coup j'avais l'impression que Batou. :-)
Perso j'ai trouvé cette animation assez bien faite et Roland a tout à fait raison de souligner qu'en 3 minutes on ne peut présenter que simplement un ou deux concepts. En tout cas les effets Doppler-Fizeau et l'aberration stellaire sont impressionnants à voir.
L'affaire Herbefol
Au sommaire : La pointe d'argent de Cook, Black Man de Morgan, Navigator de Baxter, Cheval de Troie de Wells & The Labyrinth Index de Stross.
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Re: Expo Science & Fiction (Cité des Sciences, Paris)

Messagepar Caliban » 22 décembre 2010 à 23:32

Roland Lehoucq a écrit : Il y a deux référentiels spatio-temporels : celui de la Terre et celui du vaisseau. Le référentiel de
la Terre est (approximativement) un référentiel inertiel tandis que celui du vaisseau ne l'est pas :
comme il est uniformément accéléré ou décéléré le référentiel inertiel qui coïncide avec lui change
à chaque instant. Les situations ne sont pas symétriques
La symétrie de point de vue ne se produit que si le vaisseau se déplace à vitesse constante.

Certes. Le problème n'est pas symétrique, et le référentiel du vaisseau n'est pas inertiel.
Il n'en est pas moins légitime pour autant : tout n'est malheureusement pas symétrique,
dans la vie !

Roland Lehoucq a écrit : on ne peut pas faire comme si le vaisseau était fixe et la Terre mobile.

Il ne s'agit pas de "faire comme si". Dans le référentiel du vaisseau, par construction,
le vaisseau est fixe et la Terre mobile. Point.

Roland Lehoucq a écrit : Quant aux temps, l'observateur terrestre a une horloge au repos devant lui, le pilote du vaisseau
a une horloge au repos devant lui. Chacun peut calculer ce que lit l'autre en connaissant l'accélération
propre du vaisseau

Bref : comme il me le semblait bien, tu raisonnes exclusivement dans le référentiel de la Terre
(la notion d'accélération du vaisseau n'ayant pas de sens dans son référentiel propre).

Et je reviens à ma remarque initiale : le procédé qui consiste à mettre en scène le — uh, point de vue
d'un observateur ostensiblement situé à l'intérieur du vaisseau, pour s'en tenir à une analyse qui n'est
valide que dans un référentiel qui n'est pas celui de cet observateur me semble pour le moins ambigu.

Roland Lehoucq a écrit :Une quantité appréciable de subtilités sont passées sous sllence dans cette simulation
de 3 minutes s'adressant au grand public. Et le but de cette simulation n'est pas de les expliquer :
en 3 minutes c'est mission impossible. Il s'agit plutôt que le visiteur lambda retienne que quand
on va vite il se passe des choses curieuses

En d'autres termes : pas question d'évoquer la problématique de la relativité, trop subtile. Dont acte.

Je suis parfaitement conscient de la difficulté de l'exercice. Mais ça me pose quand même un sacré problème :
si l'on s'adresse à la partie du "grand public", comme tu dis, qui n'a pas vraiment effectué sa révolution
galiléenne (c'est-à-dire, précisément, cette question de la relativité), sans même essayer de le faire réfléchir
sur la notion de référentiel, quel sens cela peut-il avoir de présenter à ces aristotéliciens qui s'ignorent
des subtilités de la physique einsteinienne ?



Herbefol a écrit : Perso j'ai trouvé cette animation assez bien faite
En tout cas les effets Doppler-Fizeau et l'aberration stellaire sont impressionnants à voir.

J'en suis sûr. J'ai d'ailleurs eu d'autres échos dans le même sens.
(cela dit, ça, c'est dans le référentiel du vaisseau...)

Herbefol a écrit : Roland a tout à fait raison de souligner qu'en 3 minutes on ne peut présenter que simplement
un ou deux concepts.

Assurément. Mais je crois aussi qu'il y a une hiérarchie des concepts, et qu'une progression s'impose
d'autant plus qu'on dispose de moins de temps. Balancer ex cathedra des concepts compliqués à un
public incapable de les saisir dans le temps qu'on lui consacre, c'est le contraire de la science.
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Re: Expo Science & Fiction (Cité des Sciences, Paris)

Messagepar Roland Lehoucq » 23 décembre 2010 à 00:41

Caliban a écrit :Certes. Le problème n'est pas symétrique, et le référentiel du vaisseau n'est pas inertiel.
Il n'en est pas moins légitime pour autant : tout n'est malheureusement pas symétrique, dans la vie !


C'est précisément le point de cette simulation : montrer ce que voit le pilote du vaisseau et raccrocher cela à ce voit l'observateur terrestre (horloges et aspect du ciel). Il n'est pas possible d'avoir les deux points de vue en même temps mais les comparer permet de ne pas perdre le visiteur en le raccrochant à ses repères habituels.

Caliban a écrit :
Roland Lehoucq a écrit : on ne peut pas faire comme si le vaisseau était fixe et la Terre mobile.

Il ne s'agit pas de "faire comme si". Dans le référentiel du vaisseau, par construction,
le vaisseau est fixe et la Terre mobile. Point.


Oui, mais les points de vue ne sont pas symétriques : la Terre est un référentiel inertiel et pas le vaisseau. Dans la relativité restreinte habituelle, le vaisseau est un référentiel inertiel car il se déplace à vitesse constante et son point de vue et celui de la Terre sont parfaitement symétriques. Des choses dites dans ce contexte là ne sont plus vraies dans le cas d'un vaisseau accéléré/décéléré.

Caliban a écrit :Bref : comme il me le semblait bien, tu raisonnes exclusivement dans le référentiel de la Terre
(la notion d'accélération du vaisseau n'ayant pas de sens dans son référentiel propre).


L'accélération propre a un sens parfaitement défini dans le référentiel du vaisseau : c'est ce qu'indique un accéléromètre embarqué. L'ordinateur de bord intègre l'accélération propre par rapport au temps propre pour obtenir une quantité homogène à une vitesse, qui tend vers l'infini quand le temps propre tend vers l'infini (à accélération propre constante par exemple). Cette quantité tendant vers l'infini ne peut être la vitesse du vaisseau par rapport à la Terre, puisque la limite est la vitesse de la lumière. Divisée par la vitesse de la lumière, cette quantité donne un nombre sans dimension nommé rapidité dont la tangente hyperbolique est égale à la vitesse du vaisseau par rapport à la Terre en unité de la vitesse de la lumière (le facteur béta des formules relativistes). Ainsi, le pilote peut avoir une idée de sa vitesse par rapport à la Terre sans faire aucunement référence à des mesures externes au vaisseau.

Caliban a écrit :Et je reviens à ma remarque initiale : le procédé qui consiste à mettre en scène le — uh, point de vue
d'un observateur ostensiblement situé à l'intérieur du vaisseau, pour s'en tenir à une analyse qui n'est
valide que dans un référentiel qui n'est pas celui de cet observateur me semble pour le moins ambigu.


Nous présentons le point de vue du vaisseau de façon complète (temps, aspect du ciel, accélération propre) en le mettant en regard du point de vue terrestre calculé (horloge, vitesse par rapport à la Terre que le pilote peut calculer en passant par la rapidité, nous supposons que le visiteur connait grossièrement l'aspect du ciel étoilé terrestre) pour en souligner les différences. C'est clairement le point de vue du pilote qui est privilégié.


Caliban a écrit :Je suis parfaitement conscient de la difficulté de l'exercice. Mais ça me pose quand même un sacré problème :
si l'on s'adresse à la partie du "grand public", comme tu dis, qui n'a pas vraiment effectué sa révolution
galiléenne (c'est-à-dire, précisément, cette question de la relativité), sans même essayer de le faire réfléchir
sur la notion de référentiel, quel sens cela peut-il avoir de présenter à ces aristotéliciens qui s'ignorent
des subtilités de la physique einsteinienne ?


Mon expérience d'enseignant et de conférencier m'a montré à maintes reprises que la physique du lambda moyen est aristotélicienne. S'il se rappelle de sa physique de lycée, il comprend la relativité galiléenne. Seuls ceux qui ont suivi un enseignement universitaire de relativité restreinte peuvent en suivre les arcanes. Quant à la relativité générale, je n'ose même pas penser au nombre minuscule de personnes qui en comprennent ne serait-ce que les prémisses... Du coup, il s'agit plus de montrer une choses étonnante, espérant que cela éveillera un intérêt ou une question qui poussera le visiteur à aller plus loin. Et aussi de lui montrer que tout cela se calcule. Note enfin que l'exposition parle aussi de SF, genre où la relativité galiléenne inspire assez peu d'histoires. Il est donc plus logique de passer à Einstein par dessus la tête de Galilée.

Caliban a écrit : Mais je crois aussi qu'il y a une hiérarchie des concepts, et qu'une progression s'impose
d'autant plus qu'on dispose de moins de temps. Balancer ex cathedra des concepts compliqués à un
public incapable de les saisir dans le temps qu'on lui consacre, c'est le contraire de la science.


Dans une exposition comme celle-là, on ne peut pas faire de science en détail car il y a tout simplement trop de choses à expliquer, en science bien sûr mais aussi en SF que les visiteurs ignorent presque totalement (du genre "Non la SF n'est pas née chez les américains dans les années 60", "Oui la SF a des racines anciennes, européennes et même françaises"). Même si l'on ne reste que sur la science, les pré-requis pour comprendre une idée nouvelle ou non intuitive sont souvent innombrables : par exemple pour bien comprendre la relativité restreinte il faut avoir compris la relativité galiléenne, ce qui n'est pas le cas de la plupart des gens. Le simple temps passé à expliquer les pré-requis annihile toute possibilité de continuer plus loin, vu le temps imparti. Dire beaucoup est impossible, dire trop peu ou rien est inutile, alors quoi ?

Il faut donc faire des choix qui pour un scientifique reviennent à décider s'il préfère se couper plutôt un bras ou plutôt une jambe. Dans le cas de cette animation le choix fait fut de présenter de façon réaliste le point de vue du pilote du vaisseau (notamment l'aspect du ciel) pour le comparer à celui d'un observateur terrestre (situation courante et peu exaltante) et à celui d'un pilote d'un vaisseau de film de SF (spectaculaire, mais qui est toujours faux). Ce que j'espère que le visiteur retiendra :
- Quand on va vite il se passe des choses visuellement curieuses que la science peut calculer et montrer avec de jolis films.
- Vite, ça veut quand même dire moins vite que la vitesse de la lumière dans le vide qui est une limite absolue.
- La mesure d'une durée dépend de l'état de mouvement de celui qui la mesure.
Si l'on faisait un sondage dans la rue pour estimer la fraction de gens capables de répondre correctement à ces trois points, je pense que l'on aurait un taux de réussite très faible. En matière de diffusion des connaissances il faut parfois savoir se contenter de peu car "le secret d'ennuyer est celui de tout dire" (Voltaire).
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Re: Expo Science & Fiction (Cité des Sciences, Paris)

Messagepar Caliban » 23 décembre 2010 à 02:53

Roland Lehoucq a écrit :
Caliban a écrit : Il ne s'agit pas de "faire comme si". Dans le référentiel du vaisseau, par construction,
le vaisseau est fixe et la Terre mobile. Point.
Oui, mais les points de vue ne sont pas symétriques
Pas symétriques, mais tout aussi légitimes l'un que l'autre.

Roland Lehoucq a écrit :la Terre est un référentiel inertiel et pas le vaisseau. Dans la relativité restreinte habituelle,
le vaisseau est un référentiel inertiel car il se déplace à vitesse constante et son point de vue et celui
de la Terre sont parfaitement symétriques. Des choses dites dans ce contexte là ne sont plus vraies
dans le cas d'un vaisseau accéléré/décéléré.
Certes. Dans le référentiel du vaisseau de l'expo, on ne peut pas faire l'économie du traitement
en relativité générale, si l'on veut prévoir le battement d'une horloge restée sur Terre.
Et alors ?

Roland Lehoucq a écrit :
Caliban a écrit :Bref : comme il me le semblait bien, tu raisonnes exclusivement dans le référentiel de la Terre
(la notion d'accélération du vaisseau n'ayant pas de sens dans son référentiel propre).

L'accélération propre a un sens parfaitement défini dans le référentiel du vaisseau : c'est ce qu'indique
un accéléromètre embarqué.

Seulement au prix d'hypothèses supplémentaires sur la structure du champ gravitationnel
— qu'il n'y a a priori aucun moyen physique de distinguer d'une accélération.

Roland Lehoucq a écrit : Ainsi, le pilote peut avoir une idée de sa vitesse par rapport à la Terre sans faire aucunement
référence à des mesures externes au vaisseau.

Non, donc.


Roland Lehoucq a écrit :Mon expérience d'enseignant et de conférencier m'a montré à maintes reprises que la physique
du lambda moyen est aristotélicienne.

Nous sommes malheureusement d'accord là-dessus (au vocabulaire près, peut-être...)

Roland Lehoucq a écrit :Du coup, il s'agit plus de montrer une choses étonnante, espérant que cela éveillera
un intérêt ou une question qui poussera le visiteur à aller plus loin.
C'est un pari. Il est clair que tu passes très bien auprès de vastes publics.

Roland Lehoucq a écrit :Et aussi de lui montrer que tout cela se calcule.
Mouais. Si tu admets qu'il n'est pas en mesure de comprendre quoi que ce soit aux dits calculs,
c'est un pur argument d'autorité — une incantation "indiscernable de la magie", comme disait l'autre.

Roland Lehoucq a écrit :Note enfin que l'exposition parle aussi de SF, genre où la relativité galiléenne inspire assez peu d'histoires.
Il est donc plus logique de passer à Einstein par dessus la tête de Galilée.

La relativité einsteinienne sans le principe de relativité, c'est pauvre !

Roland Lehoucq a écrit :Même si l'on ne reste que sur la science, les pré-requis pour comprendre une idée nouvelle
ou non intuitive sont souvent innombrables : par exemple pour bien comprendre la relativité restreinte
il faut avoir compris la relativité galiléenne, ce qui n'est pas le cas de la plupart des gens.

Pas vraiment. Pour comprendre la relativité restreinte, il suffit presque d'avoir bien compris le principe
de relativité, y compris dans un cadre galiléen, et une paire d'autres idées — pas "innombrables" en tout cas.

Roland Lehoucq a écrit :Le simple temps passé à expliquer les pré-requis annihile toute possibilité de continuer plus loin,
vu le temps imparti. Dire beaucoup est impossible, dire trop peu ou rien est inutile, alors quoi ?
Il faut donc faire des choix qui pour un scientifique reviennent à décider s'il préfère se couper plutôt
un bras ou plutôt une jambe.

Pas d'accord avec ça. C'est le même dilemme auquel est confronté tout enseignant : si dire beaucoup
est impossible, faire comprendre un peu est rarement inutile ; et si c'est souvent frustrant, la plupart
y survivent avec tous leurs membres !
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Re: Expo Science & Fiction (Cité des Sciences, Paris)

Messagepar Ceir » 23 décembre 2010 à 10:56

Caliban a écrit :Pas d'accord avec ça. C'est le même dilemme auquel est confronté tout enseignant : si dire beaucoup
est impossible, faire comprendre un peu est rarement inutile ; et si c'est souvent frustrant, la plupart
y survivent avec tous leurs membres !


D'accord aussi.

Je ne suis pas scientifique de formation mais historien, mais le problème est le même : si on devait rien dire sous prétexte qu'on ne peut pas tout dire, on ne ferait pas d'histoire.
Il faut choisir une manière d'aborder les choses/un angle d'attaque/une problématique et faire avec. Et tant pis si on ne peut pas tout dire.
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Re: Expo Science & Fiction (Cité des Sciences, Paris)

Messagepar Roland Lehoucq » 23 décembre 2010 à 11:50

Caliban a écrit :
Roland Lehoucq a écrit :L'accélération propre a un sens parfaitement défini dans le référentiel du vaisseau : c'est ce qu'indique
un accéléromètre embarqué.

Seulement au prix d'hypothèses supplémentaires sur la structure du champ gravitationnel
— qu'il n'y a a priori aucun moyen physique de distinguer d'une accélération.


Dans l'espace profond, ce champ est faible, voire négligeable devant l'accélération propre du vaisseau. De plus on peut distinguer une accélération uniforme d'un champ de pesanteur car celui-ci est en général non uniforme et produit des effets de marées que l'on peut mesurer avec plusieurs accéléromètres.

Caliban a écrit :
Roland Lehoucq a écrit :Le simple temps passé à expliquer les pré-requis annihile toute possibilité de continuer plus loin,
vu le temps imparti. Dire beaucoup est impossible, dire trop peu ou rien est inutile, alors quoi ?
Il faut donc faire des choix qui pour un scientifique reviennent à décider s'il préfère se couper plutôt
un bras ou plutôt une jambe.

Pas d'accord avec ça. C'est le même dilemme auquel est confronté tout enseignant : si dire beaucoup
est impossible, faire comprendre un peu est rarement inutile ; et si c'est souvent frustrant, la plupart
y survivent avec tous leurs membres !


Un détail qui compte : une exposition n'est pas une salle de cours. Cela impose quelques différences de poids :
- tu as 3 minutes chrono pour faire passer une idée et non des dizaines d'heure de cours
- le public te zappe quand il veut tandis que les étudiants, en général, reste pendant que le prof parle
- le public d'une exposition est aussi là pour se détendre et donc pas forcément réceptif à tous les messages qui lui sont envoyés
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Re: Expo Science & Fiction (Cité des Sciences, Paris)

Messagepar Caliban » 23 décembre 2010 à 12:35

Roland Lehoucq a écrit :
Caliban a écrit :Seulement au prix d'hypothèses supplémentaires sur la structure du champ gravitationnel
— qu'il n'y a a priori aucun moyen physique de distinguer d'une accélération.
Dans l'espace profond, ce champ est faible, voire négligeable devant l'accélération propre du vaisseau.

Mouais. Sans remonter jusqu'à l'argument de Mach, si tu sais où tu es au regard des masses stellaires
et planétaires, tu peux en effet raisonner dans le référentiel de l'une ou l'autre — celui de tes cartes, disons.
mais c'est un raisonnement circulaire : si tu privilégies un référentiel, il y a un référentiel privilégié...

De plus on peut distinguer une accélération uniforme d'un champ de pesanteur car celui-ci est en
général non uniforme et produit des effets de marées que l'on peut mesurer avec plusieurs accéléromètres.

Mouais. On peut toujours raisonner sur un modèle idéalisé, où ce qu'on souhaite considérer est pris en
compte et tout le reste négligeable. Pour reprendre ton propre exemple, celui du vaisseau de l'expo qui
encaisse — disais-tu 3 millions de g ? — je peux te garantir des contraintes structurelles mastoc avec
des temps de relaxation bien supérieurs à trois minutes, donc des déformations et des gradients
d'accélération que tu n'auras, de nouveau, aucun moyen physique de distinguer d'effets de marée.
Sauf, évidemment, à supposer un vaisseau idéal absolument indéformable...


Cela dit, on tourne en rond. Je comprends et je reconnais, au moins en partie, la pertinence de ton argument
de communicabilité. Je reste sceptique devant le choix de parler de corrections einsteiniennes en prenant
soin de ne pas heurter de front les préjugés aristotéliciens d'une bonne partie du public, mais il t'appartient.

Dans ce cadre, il n'est pas illogique de considérer implicitement comme "naturel" le référentiel de la Terre
et d'adapter ses modèles en conséquence. Le public adulte qui ne comprendra jamais rien à la relativité
y trouvera son compte, et celui qui la maîtrise bien aussi. Les seuls à faire les frais de cette approche seront
les gamins en cours de formation dont les conceptions initales bancales seront renforcées, mais c'est sans
doute une minorité du public de l'expo, même si elle me paraît cruciale.

Roland Lehoucq a écrit : Un détail qui compte : une exposition n'est pas une salle de cours.

De fait. Et je ne doute pas que ce soit un exercice incroyablement délicat.

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