Serge Lehman - Sept mages/Asylum (Delcourt)

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Artemus Dada
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Serge Lehman - Sept mages/Asylum (Delcourt)

Messagepar Artemus Dada » 01 mai 2016 à 09:56

Avant d’avoir 20 ans Bifrost a eu « l’âge de quarante-quatre centimètres et environs 12 kilos, le tout divisé en quarante-deux numéros et 2 hors-séries soit 7240 pages ».
Il y a 10 ans le un numéro spécial anniversaire (n°42) : 10 auteurs soufflent nos 10 bougies disait la (très belle) couverture (de Philippe Gady), proposait outre ces dix auteurs et les rubriques habituelles, un dossier "Serge Lehman" (et pesait 567 grammes).
Ça tombait plutôt bien, fidèle lecteur (ou presque) depuis le premier numéro (même si je ne les ai pas tous), S. Lehman était l’un de mes auteurs favoris, il faisait partie de ces auteurs qui non seulement vous font rêver mais vous disent non pas quoi penser, mais quoi savoir.
10 ans plus tard il est encore parmi ceux que je lis quoi qu’il arrive, mais pour le coup c’est du côté de la bande dessinée que ça se passe maintenant.

Il faut croire que le talent dont il faisait montre dans le domaine de la littérature ne connaît pas les frontières.
Dès ses débuts il a marqué le milieu du "7ème art" avec sa merveilleuse série La Brigade chimérique.
D’autres histoires ont suivi, dont deux albums dans ce qu’on appelle des « séries concepts » ; c’est-à-dire que sur un même thème, scénaristes et dessinateurs planchent et livrent une histoire complète en 1 seul album.
Serge Lehman a participé à deux de ces « série concepts » pour les éditions Delcourt : les séries Sept et La Grande évasion, voici leur histoire …..

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Dix-septième tome de la série concept "Sept ...", Sept mages fait partie de la troisième saison de la série :
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Dans un Moyen Âge de légende, le royaume de Cocaigne est dirigé par le bienveillant Féric, que son frère Jean le Nécromant veut renverser. Conseillé par l’esprit du dieu Herne, Féric fait appel à sept mages issus de traditions diverses. Mais les puissances païennes, la sagesse romaine, la philosophie grecque et la charité chrétienne sauront-elles surmonter leurs divisions pour repousser l’armée des goules qui se masse aux frontières ?


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Si la série à suivre... peut s'apparenter au roman en littérature, l'album ponctuel à l'histoire auto-contenue (one-shot dit-on parfois dans cet "anglais européen" omniprésent (pour rester poli)) est à rapprocher de la nouvelle littéraire et de ce côté-là, Serge Lehman n'a jamais été un manche (ni du côté des romans soit dit en passant).
Sept Mages est je le dis tout de suite, une chouette histoire, à la fois dépaysante, exotique en quelque sorte, mais aussi familière.

Les sept mages en tant que personnages, sont (de mon point de vue) des "artefacts fictionnels" ; c'est-à-dire la re-présentation d'archétypes originels, dont l'unité persiste malgré les changements d'identités, au travers d'avatars qui en reprennent les principales caractéristiques voire, les caractéristiques dites "fétichisés" (Cf. Matthieu Letourneux), et dont l'énonciation présuppose un monde de référence(s).
Dès lors le scénariste économise une méticuleuse exposition souvent longue ; ces "personnages/artefacts" parlent immédiatement aux lecteurs sans qu'il faille en faire le détail, et induisent un environnement imaginaire avec eux.
D'autant plus en bande dessinée, où l'image elle-même constitue une représentation polychargée (terme dont le sens n'échappera à personne).

Tout comme pour la nouvelle littéraire, l’album en bande dessinée est un exercice de la chute, c'est elle qui donne une valeur ajoutée à l'histoire.
Et là, pas de problème, Serge Lehman maîtrise cet exercice depuis déjà longtemps ; il a ici en plus, la belle idée d'introduire la logique du whodunit (autrement dit du kilafé) qui met naturellement si je puis dire, l'intrigue en tension.
Sept Mages est aussi un récit initiatique qui passe (comme souvent lorsqu'on aborde ce genre de récit) par la voie du combat, selon une logique dite polémique ; où l'on devient soi-même en intégrant l'altérité médiatisé par l’adversaire après un « voyage » (celui dit du héros Cf. Joseph Campbell ou Christopher Vogler).
Pour filer la métaphore un album (dit one-shot) réussi (comme une nouvelle en littérature) c’est celui qui offre à la fois un beau voyage (le récit) et dont la destination n’est pas en reste (la chute).

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Sept mages conjugue à la fois un divertissement captivant de qualité et une belle leçon d'écriture.
Un sans-faute finement dessiné avec tout ce qu'il faut de dynamisme et de mystère, renforcé par une très belle colorisation au fort pourvoir immersif.

Les auteurs se permettent même de briser le Quatrième mur, pour notre plus grand plaisir.

Bref, une belle réussite !

Après le domaine de la fantasy, c’est dans celui de la science-fiction que l’on retrouve notre auteur.

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Dans la cité d'Asylum, peuplée de criminels en puissance, vit une microsociété carcérale. Confinés dans d'immenses cavernes artificielles, sans issue connue, les habitants sont soumis au règlement strict et violent instauré par Pastor.

On peut se figurer l'histoire qu'on est en train de lire comme étant une aiguille qui tourne sur une montre.
Le suspense est l'ensemble des engrenages cachés qui entraîne l'aiguille.
Le travail du scénariste et du dessinateur dans le cas d'espèce, est de maîtriser la grammaire du storytelling (mise en récit) afin de produire un décalage infime (mais qui fera toute la différence) entre le moment où le lecteur comprend voire anticipe ce qu'il est en train de lire, et ce que les auteurs ont décidé.

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Le suspense qui est je le rappelle l'histoire d'une "victime" qui doit échapper à un danger est, en quelque sorte une horlogerie du décalage (Cf. Franck Thilliez).

En définitive, La Grande évasion est une solide histoire de S-F avec un arrière-plan politique (comme Serge Lehman le faisait déjà avec F.A.U.S.T ou Wonderland par exemple), et qui suggère sous les auspices de la lecture au « deuxième degré » nombre de thèmes chers à la S-F ou à l’anticipation qui je pense, augmente le plaisir du lecteur qui les voient mais ne privent à aucun moment celui qui le les perçoit pas

Or donc, Serge Lehman & Dylan Teague assistés de Cyril Saint-Blancat aux couleurs (magnifique travail d'atmosphère et sur la "profondeur de champ") scrutent le lointain et proposent un mécanisme d'horlogerie savamment décalé et captivant de bout en bout.

Un bon moment d'évasion en somme. [-_ô]

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