DEADLY CLASS tome 1
1987, San Francisco. Marcus Lopez, fils d'immigrés nicaraguayens et SDF depuis plusieurs années, peine à trouver un sens à sa vie. Alors qu'il pense sérieusement à mettre fin de ses jours, il fait la rencontre de Saya, une mystérieuse jeune fille qui va lui ouvrir les portes de l'Académie Kings Dominion des Arts Létaux.
Contient : Deadly Class #1-6
Scénario : Rick Remender
Dessin : Wes Craig
Couleurs : Lee Loughridge
Traduction : Benjamin Rivière
Lettrage : Moscow*Eye
.... Parcours du héros à la Vogler-Campbell, Deadly Class utilise jusqu’à la nausée la vertu darwiniste de cet algorithme où le héros, made in Remender c’est-à-dire toujours aussi introspectif et ici carrément suicidaire, affronte, à l’échelle du microcosme scolaire, le célèbre « choc des civilisations », sous l’angle bien connu du communautarisme.
Le melting pot laisse place aux melting plots. [-_ô]
Sous la houlette d’un directeur d’établissement, qu’on croirait échappé du village de Sinanju, le héros entame une formation d’implacable assassin dans le but avoué, de tuer Ronald Reagan.
Située à la fin des années 1980, dont certains observateurs avertis disent qu’elles ont été l’âge d’or du teen movie, et qui en reprend les codes, Deadly Class est d’abord de l’aveu même de son scénariste dans la postface de l'ouvrage publié par l'éditeur Urban Comics, la transposition de ce qu’il a lui-même connu adolescent.
....Accompagné d’une réputation, dont on sait qu’elle est souvent la somme des malentendus colportée sur le compte d’un individu, Marcus Lopez intègre une école d’assassins juvéniles.
La réputation des uns et des autres - et celle de Marcus nous sera dévoilé en filigrane, petit à petit - qui est un enjeu important des teen movies, est ici – sans surprise – l’un des moteurs de l’histoire. La rébellion qui est dans l’ADN de tout lycéen depuis au moins La Fureur de Vivre, l’est tout autant, même pour les assassins en herbe de « l'Académie Kings Dominion des Arts Létaux ».
Remender, et ses deux comparses : Wes Craig (dessins) & Lee Loughridge (couleurs) dont la mise en récit séquentielle est un incessant affrontement entre efficacité et prise de risque (match nul : 20 sur 20), emmène Marcus et sa bande dans une virée buissonnière dont l’apothéose – tant graphique que scénaristique - sera Las Vegas (où inévitablement on croisera au détour d’un couloir Hunter S. Thompson).
Et comme chacun sait, ce qui se passe à Vegas reste à Vegas.
Reste que ce qui couvait jusque-là apparaît dans toute puissance : pour s’en sortir la compétition est une impasse mortelle, seule semble être viable la collaboration. Un plaidoyer anti-Reagan plus efficace qu'une balle.
.... Assez rapidement, mon intérêt pour le scénario et les personnages de Deadly Class est passé au second plan (pour ne pas dire qu'il est devenu inexistant) pour ne laisser place qu’au plaisir de me laisser emporter par les effets de textes de Rick Remender (très travaillés) et les (nombreuses) trouvailles artistique de Craig & Loughridge.
Et de ce point de vue Deadly Class est une magnifique série.
Rick Remender, à l’égal de son duo d’artistes ne ménage pas sa peine pour raconter son histoire avec beaucoup de talent et d'ingéniosité.
Frissons rétiniens garantis ! Sidération cognitive itou.
D’une certaine façon, mais pas celle qu’il suggérait, Francis Fukuyama avait raison : les années Reagan sont bien celles de la fin de l’histoire.
En effet, rarement l’aspect formel d’une bande dessinée aura prit autant le pas sur son scénario qu’en lisant Deadly Class, et mon envie de lire la suite tient avant tout (pour ne pas dire essentiellement) à ce que Remender, Craig & Loughridge nous réservent en terme de storytelling, plutôt qu’au destin de Marcus et sa bande de bras cassés (aux mains pas si sales qu’ils veulent bien le laisser croire).
(À suivre ....)