Terra Ignota (cycle), Ada Palmer (2019-2022)

ZRK
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Re: Terra Ignota (cycle), Ada Palmer (2019)

Messagepar ZRK » 15 mai 2020 à 16:11

Ah oui, bien sûr, si un auteur critique Trop semblable à l'éclair, c'est qu'il est jaloux, forcément, c'est vrai qu'il n'y a rien à redire à ce livre, au moins pour des auteurs et lecteurs à la sensibilité ou aux attentes différentes. De même, la fluidité et la simplicité / facilité, c'est la même chose, tout le monde le sait, hein (pour info, plus un auteur est fluide, et plus il y a en fait un énorme boulot derrière ; donc au contraire, faire fluide, c'est plus difficile, à part pour 2-3 écrivains-nés). Enfin, je ne vois pas en quoi un style direct ou fluide ou appelle-le comme tu veux empêche des idées complexes d'émerger (ce serait même le contraire : plus le style -ou plutôt la masturbation intellectuelle que certains confondent avec du style- s'efface, plus les idées ressortent).


Pour la jalousie, il suffit d'écouter le podcast : le ton utilisé est bien trop rageur à mon sens d'où la jalousie que moi j'y vois (c'est mon interprétation, point).

Pour ce qui est du style : je suis d'accord mais ce n'est pas vraiment de ça que je parlais. Disons que les styles "simples" disons ceux qui se vendent le mieux (car plus accessibles) et que, à mon sens (encore une fois, c'est subjectif) ça nivelle vers le bas. La recherche artistique manque en littérature alors que dans d'autres arts, elle s'exprime bien plus facilement et s'assume parfaitement. Et on le constate rien qu'aux conseils d'écriture que donnent la majorité des écrivains. Conseils qu'on ne voit jamais donné dans d'autres arts...Tout est une question de goût, et ça , il va peut-être falloir un jour le comprendre et l'accepter. La littérature n'est pas mathématique. On devrait pouvoir écrire et raconter comme on le souhaite plutôt que de suivre des règles et des styles qui enferment tout le monde.

Je disais ça en rapport à ceux qui se plaignent des artistes qui font des films, jeux, romans etc...peu accessibles. Moi je dis tant mieux. Ça doit exciter. Si Kubrick avait écouté certains conseils bidons, que ce serait devenu 2001 ? Un truc compréhensible, prémâché, sans ambiance , avec des personnages plus attachants, une narration plus classique ? Pareil pour Terrence Malick. Sil devait écouter les gens qui se plaignent que son cinéma est trop lent, trop abscons, on perdrait une véritable identité cinématographique. Et je regrette qu'en littérature, on donne des conseils d'écriture qui nivelle, à mon sens , plus vers le bas que le vers le haut -concernant la forme j’entends. J'ai souvent l'impression de lire le même putain de style et je tombe rarement sur un auteur qui me surprend pas sa plume. Ça existe bien sur, mais c'est rare. Être fluide c'est difficile c'est clair, mais plutôt que d'écrire en visant forcément TOUT le monde et les ventes, j'aime les écrivains qui s'en tapent : tu les aimes tant mieux, t'aimes pas tant pis. Genre Cormac Mccarthy dont le syle (traduit en vf) est parfois difficile à suivre, notamment à cause des répétitions et des dialogues. Pourtant, je trouve son écriture fascinante.




Sinon, il va falloir m'expliquer de quelle manière la SF tend "souvent" vers le Fantastique, ou alors c'est que nous n'avons pas la même définition de ce dernier genre ou du mot "souvent" (ou que tu parles de bouquins qui ont un siècle). Au passage, je pense que tu devrais reconsidérer les cases dans lesquelles tu mets les gens : je lis aussi bien Egan, Watts ou autres auteurs exigeants que la plus populaire et "simple" des Fantasy et SF. Alors soit je suis une exception, avec des personnes comme PPD par exemple, soit le lectorat est bien moins binaire que tu le prétends. Alors oui, il y a un public cible, c'est une évidence sur le plan marketing, mais ça ne veut pas dire qu'un lecteur donné ne peut pas faire partie de plusieurs de ces pools.


Je ne met absolument personne dans des cases, je dis juste qu'il y a bel et bien des publics cibles dans l'industrie. On ne vend pas un jeu vidéo difficile à la Dark souls comme on vend un Tetris ou un Mario. On ne vend pas un Egan comment on vend un Marc Lévy. Bien sur que tu peux lire les deux, mais il y a clairement des publics séparés pour pas mal de genres (et d’œuvres). Je connais très peu de gens intéressés par les lectures difficiles, les styles ardus etc...et clairement, ça se vend beaucoup moins que du Stephen King ou du Bernard Werber (j'aime le premier, mais il faut reconnaitre que ce n'est pas inabordable au contraire, et à aucun moment je ne juge la qualité d'un livre par son style, je dis juste qu'une œuvre abordable l'est d'abord par la forme. Lovecraft est peu abordable pour pas mal de lecteurs...Style lourd, textes peu aérés, dialogues rares voir absents).

Concernant la sf et le fantastique effectivement j'ai dit nawak. Mille pardons.





Et pour ce qui est de Kip Thorne, il se trouve que je l'ai lu, comme un semi-remorque de bouquins de vulgarisation en astrophysique, astronomie, cosmologie, etc, et que de l'avis de la plupart des gens (moi y compris), c'est le meilleur vulgarisateur non-francophone, avec Brian Greene et Carlo Rovelli.


Je suis au courant, mais je n'ai pas le niveau pour autant ,je le reconnais. Et je n'en fais pas un drame tout comme je ne ferais pas un drame d'abandonner un roman que je trouve trop hard pour moi. Mais j'insiste : tout n'est pas fait pour tout le monde et ça m'emmerderait sévère si les artistes, genre TOUS, voulaient parler au plus grand nombre....Car du coup, je ne trouverais pas mon compte chez beaucoup d'entre-eux.
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Re: Terra Ignota (cycle), Ada Palmer (2019)

Messagepar FeydRautha » 15 mai 2020 à 16:50

Du coup, j'ai écouté le podcast.

Je trouve qu'Estelle Faye exagère lorsqu'elle parle de "trop grande mise en avant médiatique" de la SF "exigeante". Vu le nombre de papiers qui parlent de SF dans la presse généraliste, il ne me semble pas qu'on puisse sérieusement utiliser des termes tels que "trop", "grande", voire même "mise en avant". Je n'ai certainement pas lu tous les articles parus, mais je n'ai pas souvenir d'un papier qui fasse de la SF "exigeante" l'acmé du genre. Pour moi, on est là dans le sophisme de l'épouvantail.

Estelle Faye et Lionel Davoust défendent l'idée d'une littérature de divertissement. Moi aussi. Je lis de la SF parce que c'est amusant. Après, chaque lecteur a sa définition du fun. Personnellement, je trouve Trop semblable à l'éclair, Anatèm, Diaspora, ou encore Latium, très divertissants. Vers la fin du podcast Lionel Davoust parle de la narration dans le jeu vidéo, qui est tournée non pas vers ce qu'on nous apprend, mais vers ce qu'on nous fait faire. Il ne fait pourtant pas le lien avec cette littérature dite "exigeante". Ce que j'aime dans les livres cités ci-dessus, c'est qu'ils me poussent à creuser le propos, à faire des recherches, à lire d'autres livres. Ils font de moi un lecteur actif. C'est divertissant. De la même manière, lorsque je lis des classiques de la SF, j'aime aller faire des recherches pour comprendre l'histoire du texte et son importance historique dans le genre. D'une certaine manière, je m'impose une lecture "exigeante" même des textes les plus simples. C'est ma définition du fun.

Estelle Faye dit de Trop Semblable à l'éclair que ce n'est pas un roman mais un cours de philo. Là encore, je ne suis pas d'accord avec elle. Ce n'est pas un cours, ni même une vulgarisation, tout comme Latium n'est pas un cours, ni Anatèm, ni The Thing itself. Allez donc demander à Lucazeau s'il pense avoir écrit un cours de philo. Je pense qu'il va se pisser dessus de rire. Ce sont des jeux autour de la philo, rien de plus. Des jeux érudits, certes, mais des jeux. Pourquoi ? Parce que c'est amusant, divertissant. Spoiler : Diaspora n'est pas un cours de physique. Bien sûr, ce sont des jeux qui ne vont pas amuser tout le monde. Il faut connaître les règles. Personnellement, je ne connais pas les règles du jeu de Go. Ca ne m'amuse pas. (Notez qu'il y a mille et une raisons pour lesquelles on peut aimer ou pas un jeu ou un livre.)

Estelle Faye dit aussi qu'il est plus difficile de mettre en scène les idées philosophiques qu'on veut faire passer, plutôt que les exposer frontalement. C'est vrai. D'ailleurs on pourrait se demander si le plus intéressant dans Trop semblable à l'éclair n'est pas justement ce qu'Ada Palmer ne dit pas, mais implique en sous couche (le point de vue de l'historienne sur le développement des sociétés).
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Re: Terra Ignota (cycle), Ada Palmer (2019)

Messagepar Razheem L'insensé » 15 mai 2020 à 17:12

Moi, ce qui me sidère toujours, c'est d'opposer les uns et les autres.
Après, désolé d'avoir des Anathem, des Trop Semblable à l'éclair ou des Vita Nostra ou des Vorrh.
C'est plus difficile à vendre au public souvent habitué aux choses plus simples et accessibles, mais c'est aussi ce genre de littérature qui apporte quelque chose sur le long terme.

Cela ne veut pas dire que je n'aime pas La Route de la Conquête et Evanègyre chez Davoust, mais c'est pas le même but, les mêmes moyens derrière, les mêmes aboutissants.
Et ça se vend plus facilement.

Après je suis sacrément d'accord avec ZRK sur Kubrick, Malick etc... C'est TELLEMENT ça.
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Re: Terra Ignota (cycle), Ada Palmer (2019)

Messagepar Erwann » 15 mai 2020 à 17:21

Vite fait : côté Bélial', nous publions à la fois Trop semblable à l'éclair et Capitaine Futur, il n'y a pas d'opposition qui tienne. Et en termes de ventes, c'est bien simple : ce sont des titres comme Trop semblable à l'éclair ou les Egan qui marchent chez nous.
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Re: Terra Ignota (cycle), Ada Palmer (2019)

Messagepar Apophis » 15 mai 2020 à 17:30

FeydRautha a écrit :Je trouve qu'Estelle Faye exagère lorsqu'elle parle de "trop grande mise en avant médiatique" de la SF "exigeante". Vu le nombre de papiers qui parlent de SF dans la presse généraliste, il ne me semble pas qu'on puisse sérieusement utiliser des termes tels que "trop", "grande", voire même "mise en avant". Je n'ai certainement pas lu tous les articles parus, mais je n'ai pas souvenir d'un papier qui fasse de la SF "exigeante" l'acmé du genre. Pour moi, on est là dans le sophisme de l'épouvantail.


C'est que tu te focalises trop sur la presse traditionnelle. Elbakin est aussi un média, et en matière de SFFF, un média majeur. Un exemple parmi d'autres possibles, de mise en avant de la SF exigeante / "littéraire" par certains éditeurs :

Cette année, j’observe deux tendances intéressantes. D’une part, un appétit croissant des lecteurs de l’imaginaire pour des textes plus littéraires, plus érudits et plus exigeants, et, d’autre part, la capacité de certains romans de nos littératures à toucher un public plus large. Je pense dans le désordre à Trop semblable à l’éclair d’Ada Palmer, à la série des « Voyageurs » de Becky Chambers, à Vita nostra de Marina et Sergueï Diatchenko, ou encore aux romans de Guy Gavriel Kay…


source

Sans compter qu'il est possible qu'Estelle Faye mette Damasio dans le même sac. Là oui, difficile de ne pas parler de "grande mise en avant médiatique".
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Re: Terra Ignota (cycle), Ada Palmer (2019)

Messagepar Apophis » 15 mai 2020 à 17:39

Erwann a écrit :Vite fait : côté Bélial', nous publions à la fois Trop semblable à l'éclair et Capitaine Futur, il n'y a pas d'opposition qui tienne.


C'est bien pour ça que je citais PPD dans un de mes précédents posts, parce qu'à mon sens, vous êtes un des seuls éditeurs qui laisse autant de place à la SFFF populaire qu'à l'"exigeante".

Erwann a écrit :Et en termes de ventes, c'est bien simple : ce sont des titres comme Trop semblable à l'éclair ou les Egan qui marchent chez nous.


En même temps, le premier à bénéficié d'une énorme couverture, notamment dans la blogosphère, et Diaspora était extrêmement attendu depuis des années (et pour les autres bouquins d'Egan, son aura est telle que ça ne peut que se vendre). Qu'il y ait autant de papiers sur les Capitaine Futur de PPD et il s'en vendra peut-être autant, et en tout cas beaucoup plus.

Maintenant, pour moi, il y a un très gros danger dans cette attitude consistant à dire "celui là, qui est exigeant, à marché, donc il faut que nous en fassions beaucoup plus dans ce genre". Surtout que dans certains cas, j'ai l'impression qu'on confond ventes et retour critique du lecteur lambda, notamment pour Vorrh, où, d'après ce que j'ai pu voir, on a 60% de "pas réussi à le finir", 25 % de "fini mais pas à la hauteur de la hype", 10% de "bien mais pas un chef-d'oeuvre" et 5% de "oh mon dieu quel livre essentiel qui marquera l'histoire de la SFFF !".
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Re: Terra Ignota (cycle), Ada Palmer (2019)

Messagepar FeydRautha » 15 mai 2020 à 17:46

Apophis a écrit :C'est que tu te focalises trop sur la presse traditionnelle.


C'est parce qu'Estelle Faye parle de "journaux généralistes" dans le podcast (à 4'40). Mais si on inclut les médias spécialisés, la tendance qu'elle dénonce est sans doute plus marquée (comme l'exemple que tu cites).
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Re: Terra Ignota (cycle), Ada Palmer (2019)

Messagepar KeithGersen » 15 mai 2020 à 19:14

Pourquoi toujours se palucher ainsi ? La Sf est-elle si populaire que ça pour opposer auteurs "faciles" et auteurs "difficiles" ? Ne peut-on aimer à la fois Troyat (Je disais toujours qu'Asimov, dont nombre trouvait le style un peu "primaire", était le Troyat le la SF) et Julien Gracq, à mes yeux le plus grand styliste de la littérature française.
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Re: Terra Ignota (cycle), Ada Palmer (2019)

Messagepar FeydRautha » 15 mai 2020 à 19:45

KeithGersen a écrit :Pourquoi toujours se palucher ainsi ?


Parce que le paluchage, on aime ça, c'est le sel de la vie. Les avis consensuels et équilibrés génèrent l'ennui ou la Suisse. On veut du sport. Si ça saigne, c'est qu'on est vivant.
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Re: Terra Ignota (cycle), Ada Palmer (2019)

Messagepar Apophis » 15 mai 2020 à 19:54

FeydRautha a écrit :
KeithGersen a écrit :Pourquoi toujours se palucher ainsi ?


Parce que le paluchage, on aime ça, c'est le sel de la vie. Les avis consensuels et équilibrés génèrent l'ennui ou la Suisse. On veut du sport. Si ça saigne, c'est qu'on est vivant.



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