Bifrost n°58 : Spécial Laurent Genefort (avril 2010)

[Jean-Claude Dunyach]

Lo G (chitineux et fier de l'être)

Sont cocardiers ces grolandais.

Il ne faut pas s'étonner de toutes ces vannes sur la chitine...

Normal, les chiens aboient, la carapace vanne...

Bon, je >---->[] (et j'ai honte, vraiment)

[O_o]

- Une grosse incohérence de fond pour moi, sur la connaissance des êtres humains, est de les cantonner au rempart, alors qu'il est dans la nature humaine de se jeter dans l'inconnu pour explorer tous ces nouveaux territoires ouverts (voir Spin récemment, et bien d'autres exemples)

Bah, et les humanos... Et ceux qui sont partis par les Bouches mais dont on sait qu'ils ne sont jamais revenus...

Je trouve, au contraire, que la force de ce récit tient dans le détachement forcé du narrateur, membre de R.E.M.P.A.R.T, qui, si j'en crois les témoignages glanés ici ou là, correspond au vécu des "soldats" ayant participé aux opérations d'interposition de l'ONU. "Ne pas prendre parti..."

[marypop]

- Une grosse incohérence de fond pour moi, sur la connaissance des êtres humains, est de les cantonner au rempart, alors qu'il est dans la nature humaine de se jeter dans l'inconnu pour explorer tous ces nouveaux territoires ouverts (voir Spin récemment, et bien d'autres exemples)

Bah, et les humanos... Et ceux qui sont partis par les Bouches mais dont on sait qu'ils ne sont jamais revenus...

Les envoyés spéciaux militaires ?

Sérieusement il devrait y avoir un exode volontaire, que le gouvernement pourrait aussi essayer de confiner.
Voire une certaine symétrie : si on voit arriver les "rebuts" des autres civilisations, nos propres rebuts devraient tenter de partir (ou même on pourrait avoir l'exil en peine judiciaire).

Je suis d'accord sur ton point sur le recul du narrateur, simplement moi, à mon goût personnel, j'accroche moins.

[Lo G]

Mon avis sur le texte de Laurent (puisqu'en plus il est dans le coin).
J'avoue que je suis un peu déçue.

Je trouve l'idée super, mais plusieurs choses me gênent.
- A la lecture j'ai l'impression parfois d'un manifeste politique plus que d'un texte de fiction (les analogies avec l'identité nationale, question du moment, et son traitement sont un peu trop nombreuses, cela alourdit le propos, amha tout ça)
- Une grosse incohérence de fond pour moi, sur la connaissance des êtres humains, est de les cantonner au rempart, alors qu'il est dans la nature humaine de se jeter dans l'inconnu pour explorer tous ces nouveaux territoires ouverts (voir Spin récemment, et bien d'autres exemples)
- Mais surtout, ma plus grosse déception, augmentée par la lecture de l'interview, c'est d'être privée du plaisir réel de la rencontre et de l'altérité.

En cela, j'ai très probablement préféré le texte de Jean-Claude qui est justement totalement centré sur ces deux thèmes.

- Pour le manifeste politique : oui, tu as sans doute raison. Même si je n'ai pas eu l'impression d'évoquer du tout l'Identité nationale, mais bon... Petite précision sur la genèse : j'ai écrit cette nouvelle à la suite de plusieurs discussions avec des fans de Stargate et de Battlestar Galactica (je pense que c'est surtout là que ça se sent); après également avoir vu le film District 9 ; et enfin, après avoir été contacté par quelqu'un de la Défense (je n'ai pas été le seul auteur de SF d'ailleurs) pour participer à un atelier de réflexion. Bref, c'est une nouvelle écrite en réaction, ce qui explique sans doute son ton. (En outre, je signale qu'à peu près tous les épisodes prennent leur source dans des témoignages de guerre réels, en Irak, en Afghanistan et quelques autres zones de conflit.)
- Ma réponse couvre tes 2 dernières remarques et je pense qu'il y a malentendu sur le fond. Il s'agit d'une chronique militaire, un journal personnel écrit par un officier de Rempart. Je ne traite donc pas de l'humanité en général, mais d'une unité militaire, une sorte de Forpronu qui, peu à peu, se coupe du monde extérieur et ne perçoit plus que des ennemis potentiels, aliens comme civils.
Je crois au contraire que la nouvelle de Jean-Claude et la mienne sont parfaitement complémentaires, JCD traitant de l'altérité, moi de son refus. Dans Rempart, cela transparaît par le refus de tout contact alien par les soldats, bien que l'encadrement des convois d'aliens soit leur fonction : ils sont incapables de voir en eux de la beauté - seulement des problèmes. Et le narrateur devra quitter Rempart pour la percevoir enfin, cette beauté. En outre, j'évoque en filigrane l'existence de rapports entre humains et aliens (le gamin de la favela par exemple).
Désolé d'avoir été aussi long, mais la mise au point me semblait nécessaire. Ce malentendu démontre peut-être une certaine maladresse dans la mise en oeuvre de ma fiction.

En tout cas merci de ton post, marypop, tout commentaire est bon à prendre. Et pour rebondir sur ton message ci-dessus: oui en effet, c'est évident que les Bouches attireraient des tas d'êtres humains : explorateurs, déshérités allant tenter leur chance, aventuriers, etc. Mais je devais écrire une nouvelle, de sorte que j'ai délibérément choisi d'ignorer des tas de possibilités pour me concentrer sur mon sujet qui était le refus de l'altérité. Du coup, il est fort possible que je revienne sur le sujet un de ces jours...


Lo G

[Isa]

Juste pour signaler qu'en attendant de pouvoir donner mon avis sur le numéro 58, j'avais fait un article sur les deux numéros précédents sur mon blog (rien de bien nouveau pour ceux qui l'ont déjà lu en ces pages virtuelles mais espérons que ça intéressera quelques nouveaux lecteurs)

[marypop]

Merci beaucoup de ta réponse LoG :) C'est beaucoup plus clair comme ça.

Je ne critiquais d'ailleurs pas la nouvelle en tant que telle ma réaction étant une déception personnelle.
Il s'agit en effet d'un traitement de refus de l'altérité, qui est en soit très réussi.

Il se trouve, simplement, par hasard que j'ai d'abord lu ton interview où tu parlais justement de ton intérêt pour l'altérité.
Probablement que si j'avais lu le texte seul, sans l'interview, je n'aurais pas ressenti ce manque de la même façon en fait.

[JFS]

Trois hourras pour Lady Evangéline, de Jean-Claude Dunyach (...) Un texte où tout est dans l'ambiance, moite à souhait. Je regrette juste un petit manque d'arrière plan: ces insectes débarquent de nulle part, semblent totalement inconnus. Curieux.

J'ai lu aussi cette nouvelle, et je suis à peu près d'accord. Le manque d'explications, de contexte, m'a un peu gêné. Je comprends bien que ce n'est pas l'objectif premier du texte, mais du coup, on est parfois dubitatif devant certains développements de l'intrigue : pourquoi l'héroïne arrive-t-elle à tromper les insectes ? Par quel miracle ceux-ci devinent-ils ses besoins (fabrication des boulettes,...) ? Pourquoi Evangéline échape-t-elle au massacre et pas les autres (oui, il y a l'histoire du conteneur, mais enfin...).
En dehors de ça, la nouvelle fonctionne parfaitement, et on ressent de plus en plus l'immersion de l'héroïne dans son nouveau monde, son acceptation croissante.

[O_o]

J'ai lu aussi cette nouvelle, et je suis à peu près d'accord. Le manque d'explications, de contexte, m'a un peu gêné. Je comprends bien que ce n'est pas l'objectif premier du texte, mais du coup, on est parfois dubitatif devant certains développements de l'intrigue : pourquoi l'héroïne arrive-t-elle à tromper les insectes ? Par quel miracle ceux-ci devinent-ils ses besoins (fabrication des boulettes,...) ? Pourquoi Evangéline échape-t-elle au massacre et pas les autres (oui, il y a l'histoire du conteneur, mais enfin...).

Il m'a semblé que Poutouman avait disséminé des indices aux bons endroits : capacité d'Evangéline à capter les sécrétions corporelles de ses partenaires ; absence de phéromones propres augmenté par le parfum neutralisant ; conteneur-cocon ; aptitude aux langages ; phasage des inter-relations avec les classes d'insectes (ouvriers, contremaitres, soldats...) ; etc.
Peut-être même trop, car le dénouement se devine assez tôt.

Ce qui n'empêche pas que j'ai trouvé que cette nouvelle, en plus d'être très agréable à lire, était un superbe exemple de ce que l'on peut faire sans utiliser de descripteurs visuels (je n'ai pas le souvenir d'un adjectif de couleur, mais je me trompe sans doute).

[Jean-Claude Dunyach]

J'ai lu aussi cette nouvelle, et je suis à peu près d'accord. Le manque d'explications, de contexte, m'a un peu gêné. Je comprends bien que ce n'est pas l'objectif premier du texte, mais du coup, on est parfois dubitatif devant certains développements de l'intrigue : pourquoi l'héroïne arrive-t-elle à tromper les insectes ? Par quel miracle ceux-ci devinent-ils ses besoins (fabrication des boulettes,...) ? Pourquoi Evangéline échape-t-elle au massacre et pas les autres (oui, il y a l'histoire du conteneur, mais enfin...).

Il m'a semblé que Poutouman avait disséminé des indices aux bons endroits : capacité d'Evangéline à capter les sécrétions corporelles de ses partenaires ; absence de phéromones propres augmenté par le parfum neutralisant ; conteneur-cocon ; aptitude aux langages ; phasage des inter-relations avec les classes d'insectes (ouvriers, contremaitres, soldats...) ; etc.
Peut-être même trop, car le dénouement se devine assez tôt.

Cette novella a été très difficile à écrire car elle repose sur un pari à peu près impossible, celui de faire sentir au lecteur, via le personnage, l'acceptation de sa propre altérité, jusqu'au renoncement de soi - en 85 000 signes, il y a forcément des raccourcis :-) Je me suis sérieusement posé le problème de la gestion des informations et j'ai préféré en dire moins que trop, induire plutôt que décrire. C'est un équilibre presque impossible à atteindre (et j'en profite pour remercier encore une fois tous ceux et celles qui m'ont aidé à la retravailler, et ils sont nombreux).
Plus ça va, plus les idées qui m'intéressent à écrire sont tordues et compliquées, avec des tas de recherches à faire et des problèmes d'écriture auxquels je ne suis pas toujours préparé. Je dois être maso...
En tout cas, j'ai lu les deux autres textes de ce recueil et le niveau est particulièrement élevé ! Ca motive !

[M]

En tout cas, j'ai lu les deux autres textes de ce recueil et le niveau est particulièrement élevé ! Ca motive !

Je suis dans la lecture des nouvelles et tu n'as pas à rougir du niveau des autres auteurs. Au contraire.