Je ne sais pas si je dois mettre ce texte dans ce fil ou dans celui consacré à la dernière trouvaille d'Apple.
Le lien sur Courrier international n'étant pas toujours accessible, j'ai copié tout l'article ci-dessous. Donc ce sera un peu long, désolé.
"Il était une fois une bataille de géants
L’édition est un des secteurs qui intéresse aujourd’hui Apple. Mais, pour s’imposer, la société va devoir affronter Amazon, déjà bien implanté dans le paysage.
Pour obtenir les faveurs des éditeurs, des auteurs et des lecteurs, Apple et Amazon ont décidé d’ouvrir les hostilités. Pour l’heure, la librairie électronique et son Kindle règnent sur un marché naissant, mais en plein boom. Ils représentent 70 % des ventes de lecteurs de livres électroniques et 80 % des achats d’ouvrages. S’inspirant d’Apple, Amazon a annoncé, le 21 janvier, qu’il ouvrirait son Kindle aux développeurs d’applications. Apple, avec sa tablette, plus polyvalente (et plus onéreuse) que le Kindle, entend bien favoriser la lecture de livres, de journaux et d’autres supports. “Le système de prix du Kindle l’emportera-t-il sur le sex-appeal d’Apple ? Là est la question, non ?” s’interroge Richard Charkin, directeur exécutif de Bloomsbury Publishing, à Londres, qui suit l’évolution des ventes de livres électroniques avec le plus vif intérêt. “Je n’en ai pas la moindre idée. Tout ce que je peux dire, c’est que c’est génial. Plus il y a de gens qui vendent des livres, en format électronique ou autre, mieux c’est.”
Pour répondre à l’offensive d’Apple, le libraire en ligne a décidé de publier un kit de développement que les entreprises, y compris les éditeurs de livres et de magazines, pourront utiliser pour créer et vendre des applications destinées au Kindle. Mais, tant qu’il n’aura pas lancé de modèles plus sophistiqués de son Kindle, les développeurs resteront limités par son écran noir et blanc et par la lenteur du rafraîchissement de la page. Selon Ian Freed, l’un des responsables de Kindle, chez Amazon, les développeurs pourront concevoir un vaste éventail de programmes, par exemple des calculatrices, des systèmes d’information boursière et des jeux vidéo. Qui plus est, les maisons d’édition vendront un nouveau type de livre électronique, comme des guides touristiques ou gastronomiques personnalisés en fonction du lieu où l’on se trouve, des livres avec des quiz interactifs, ou encore des romans qui combinent écrit et audio. “Dès le lancement du Kindle, nous savions que les innovations ne se feraient pas toutes entre les murs d’Amazon, confie-t-il. Nous voulions ouvrir le Kindle à une large palette de créateurs – depuis les développeurs jusqu’aux éditeurs, en passant par les auteurs – pour que chacun y trouve son intérêt.”
Le libraire en ligne est prêt à en découdre
Mais cette manœuvre marque aussi une évolution de la relation qu’entretient Amazon avec les journaux et les magazines qui lui fournissent des éditions numériques. En effet, nombre de ces sociétés ont exprimé leur mécontentement à propos de la part qui leur revient, limitée à 30 % du prix d’abonnement, et de l’absence de relation directe avec leurs abonnés. Avec la création d’applications spécifiques au Kindle, ces sociétés pourront vendre davantage de contenus mis à jour en continu, qui leur rapporteront de l’argent.
Reste que, pour les maisons d’édition, la nouvelle tablette d’Apple constitue une chance en or. Elle leur offre la possibilité de contrer la mainmise d’Amazon sur le marché du livre électronique et de regagner un certain pouvoir de négociation dans des domaines sensibles comme celui des prix. Plusieurs éditeurs racontent qu’Apple a proposé un arrangement selon lequel ils pourraient fixer le prix de leurs livres, Apple percevant seulement une commission de 30 %. Comme Amazon paie aux maisons d’édition un prix de gros qui équivaut d’ordinaire à la moitié du prix de vente d’un livre imprimé, les éditeurs craignent que le géant du livre en ligne ait habitué les consommateurs à des niveaux de prix déraisonnablement bas. L’arrivée d’Apple et de sa tablette sur le marché du livre électronique donne aux éditeurs l’espoir de regagner un certain pouvoir de négociation face à Amazon. Par exemple, pendant qu’ils vendraient des versions plus chères destinées à la tablette Apple, ils pourraient différer la sortie de leurs livres dans la boutique Kindle. “La bataille portant sur la valeur d’un livre électronique est en train de se dérouler sous nos yeux”, confie un directeur éditorial qui préfère garder l’anonymat. “Dans cette bataille, Apple propose une offre favorable aux éditeurs et, par conséquent, aux auteurs.”
Amazon veut donc contrecarrer les projets d’Apple. Le 20 janvier, le libraire en ligne a annoncé qu’il améliorerait les conditions de rémunération des auteurs et des éditeurs qui publieraient des livres électroniques directement sur le Kindle. Son but est d’amener les auteurs et leurs agents à céder les droits de leurs livres électroniques et à les vendre directement à Amazon. Aux termes de ces nouvelles conditions, Amazon accorderait aux auteurs et aux éditeurs qui acceptent de fixer le prix de vente de leur livre en dessous de la barre des 9,99 dollars un pourcentage de 70 % du prix. Cette proposition fait sans nul doute écho à l’offre d’Apple. Mais les éditeurs ne sont pas en mesure d’anticiper l’arrivée sur le marché d’un autre poids lourd : Google. Celui-ci cherche également à se lancer dans la vente de livres électroniques. “Plus le nombre de sociétés qui contrôlent les transactions des consommateurs est élevé, plus le rôle des éditeurs sera important”, estime Mike Shatzkin, directeur d’Idealog, une société qui aide les éditeurs à développer des stratégies numériques. “Avec l’entrée d’Apple sur ce marché, et si Google lui emboîte le pas dans trois mois, l’univers du livre numérique aura peut-être un visage complètement différent d’ici la fin de l’année.”
28.01.2010, Brad Stone, Motoko Rich, The New York Times (traduit pour Courrier international)
L'ère du numérique... et les forces en présence
Re: L'ère du numérique... et les forces en présence
C'est intéressant, mais inquiétant aussi.
Le fait qu'il y ait de la concurrence à Amazon, c'est très bien. Que les éditeurs gagnent au passage plus de pouvoir de négociation c'est vital (sinon le jour où le numérique sera incontournable, Amazon pourra proposer de payer 10c pour les droits, personne ne pourra rien y redire). Mais c'est cette phrase qui m'inquiète :
On part de suite sur l'idée que, ouf, on va pouvoir refaire des prix "normaux." Et si les éditeurs se montrent aussi gourmands que les Majors en leur temps, et demandent des 15/20 euros pour des éditions numériques, là, c'est sûr que le téléchargement illégal va grimper en flèche.
Allez hop ! Un petit article qui fait du bien. C'est un peu vieux (octobre) et je ne sais pas si c'est totalement impartial, mais ça fait toujours du bien au moral. Quelqu'un d'autre a entendu parler de cette étude de Brian O'Leary ? C'est sérieux ou complètement biaisé ?
Le fait qu'il y ait de la concurrence à Amazon, c'est très bien. Que les éditeurs gagnent au passage plus de pouvoir de négociation c'est vital (sinon le jour où le numérique sera incontournable, Amazon pourra proposer de payer 10c pour les droits, personne ne pourra rien y redire). Mais c'est cette phrase qui m'inquiète :
Comme Amazon paie aux maisons d’édition un prix de gros qui équivaut d’ordinaire à la moitié du prix de vente d’un livre imprimé, les éditeurs craignent que le géant du livre en ligne ait habitué les consommateurs à des niveaux de prix déraisonnablement bas.
On part de suite sur l'idée que, ouf, on va pouvoir refaire des prix "normaux." Et si les éditeurs se montrent aussi gourmands que les Majors en leur temps, et demandent des 15/20 euros pour des éditions numériques, là, c'est sûr que le téléchargement illégal va grimper en flèche.
Allez hop ! Un petit article qui fait du bien. C'est un peu vieux (octobre) et je ne sais pas si c'est totalement impartial, mais ça fait toujours du bien au moral. Quelqu'un d'autre a entendu parler de cette étude de Brian O'Leary ? C'est sérieux ou complètement biaisé ?
Re: L'ère du numérique... et les forces en présence
Encore une pensée par rapport au piratage.
Si on suit l'idée, je dirais qu'on peut en tirer plusieurs choses.
1) Le contenu, le livre, a une valeur (potentielle). Fonction de l'intérêt que les gens lui portent.
2) Le prix de ce contenu est nul. C'est ce qui découle des règles qu'on s'est imposé (qu'on s'est vu imposé d'ailleurs). L'offre est devenue malgré-nous infinie (on peut copier le contenu pour un coût nul).
La question est de savoir si on peut obtenir de l'argent de manière indirecte avec la valeur que représente le contenu d'un livre. Si possible, en utilisant un moyen non réplicable à l'infini pour un coût nul.
Le fait de trouver un livre qui nous convient serait le coût principal (en temps), dans l'acquisition d'un livre. Il se trouve que c'est un service qu'on peut rendre aux lecteurs.
Rien n'empêche de faire payer un service.
Les éditeurs dénichent du contenu qui mérite d'être publié (qui ont une valeur potentielle plus haute). C'est, disons, le contrôle qualité.
Peut-on faire payer le service qui réduit votre perte de temps ?
Il est intéressant de noter qu'un tel service crée la valeur réelle du livre. Il donne envie à des lecteurs de le lire. Un perle enfermée dans un tiroir, même avec sa valeur potentielle haute, n'a effectivement aucune valeur réelle tant qu'il n'a pas été présenté...
Ok, créer du contenu est aussi une forme de service (qui était rémunéré). Apparemment, il c'est transformé en dû. Pourquoi ?
Si on suit l'idée, je dirais qu'on peut en tirer plusieurs choses.
1) Le contenu, le livre, a une valeur (potentielle). Fonction de l'intérêt que les gens lui portent.
2) Le prix de ce contenu est nul. C'est ce qui découle des règles qu'on s'est imposé (qu'on s'est vu imposé d'ailleurs). L'offre est devenue malgré-nous infinie (on peut copier le contenu pour un coût nul).
La question est de savoir si on peut obtenir de l'argent de manière indirecte avec la valeur que représente le contenu d'un livre. Si possible, en utilisant un moyen non réplicable à l'infini pour un coût nul.
Le fait de trouver un livre qui nous convient serait le coût principal (en temps), dans l'acquisition d'un livre. Il se trouve que c'est un service qu'on peut rendre aux lecteurs.
Rien n'empêche de faire payer un service.
Les éditeurs dénichent du contenu qui mérite d'être publié (qui ont une valeur potentielle plus haute). C'est, disons, le contrôle qualité.
Peut-on faire payer le service qui réduit votre perte de temps ?
Il est intéressant de noter qu'un tel service crée la valeur réelle du livre. Il donne envie à des lecteurs de le lire. Un perle enfermée dans un tiroir, même avec sa valeur potentielle haute, n'a effectivement aucune valeur réelle tant qu'il n'a pas été présenté...
Ok, créer du contenu est aussi une forme de service (qui était rémunéré). Apparemment, il c'est transformé en dû. Pourquoi ?
C'est bon pour l'ego - Moi
Re: L'ère du numérique... et les forces en présence
Il me semble que le gros problème est que ces distributeurs (Apple et Amazon) forcent les consommateurs et les auteurs à passer par leur plateforme.
Contrairement au vendeurs de hardware, ici on offre une extension physique des plateformes de vente (iPad, kindle), et on enferme les deux partis (producteurs, consommateurs) dedans. C'est assez incroyable, les consommateurs paient pour faire venir un espace de vente dans leur salon.
Apple ou Amazon deviennent incontournables, et font finalement ce qu'ils veulent.
Ramassant par la même occasion un bénéfice incroyable sur le dos des auteurs, et des consommateurs.
Le monde de la musique échangerait les fléau des majors contre un autre ?
Les communautés internet ont le mérite de réduire/supprimer cette dépendance vis-à-vis des distributeurs.
Contrairement au vendeurs de hardware, ici on offre une extension physique des plateformes de vente (iPad, kindle), et on enferme les deux partis (producteurs, consommateurs) dedans. C'est assez incroyable, les consommateurs paient pour faire venir un espace de vente dans leur salon.
Apple ou Amazon deviennent incontournables, et font finalement ce qu'ils veulent.
Ramassant par la même occasion un bénéfice incroyable sur le dos des auteurs, et des consommateurs.
Le monde de la musique échangerait les fléau des majors contre un autre ?
Les communautés internet ont le mérite de réduire/supprimer cette dépendance vis-à-vis des distributeurs.
C'est bon pour l'ego - Moi
- A.C. de Haenne
- Prince-Marchand
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Re: L'ère du numérique... et les forces en présence
Fuck You a écrit :Quand j'avais fait la manche sur Internet pour financer l'écriture de mon uchronie, ça avait carrément choqué certaines personnes, comme si ça ne se faisait pas, comme si c'était quelque chose de sale de demander des sous. J'avoue que ça m'avait surpris.
Certaines personnes bien pensantes, dont je ne suis pas, doivent assimiler ce genre de pratique à de la prostitution ; ils sont persuadés qu'un auteur "installé" n'a pas besoin de passer par là.
Je rejoins Isa pour dire que cela ne me choque pas du tout.
A.C.
Re: L'ère du numérique... et les forces en présence
Et le concept de licence unique comme il avait été envisagé (et repoussé par les Majors) pour la musique et les films ?
Une taxe prise sur les abonnements internet (genre 50c par mois et par utilisateurs, ce qui n'a rien de tuant), une autre sur les liseuses et autres iPad (comme la taxe "copie" qu'on paie sur les CD, même si on met ses photos de vacances dessus), le tout formant un budget qu'on répartit ensuite équitablement entre les maisons d'édition (pour leur travail de sélection, de correction, de mise en page et de marketing) et les auteurs (pour leur oeuvre).
On pourrait créer des plateformes de téléchargement illimité qui comptabiliserait le nombre de téléchargements de tel ou tel auteur pour rétribuer ensuite plus ou moins telle ou telle oeuvre en fonction de son succès.
Bon, là, je me projette vraiment dans l'utopie à très long terme qui permettrait enfin de donner accès aux livres "gratuitement". Mais pourquoi pas ?
Une taxe prise sur les abonnements internet (genre 50c par mois et par utilisateurs, ce qui n'a rien de tuant), une autre sur les liseuses et autres iPad (comme la taxe "copie" qu'on paie sur les CD, même si on met ses photos de vacances dessus), le tout formant un budget qu'on répartit ensuite équitablement entre les maisons d'édition (pour leur travail de sélection, de correction, de mise en page et de marketing) et les auteurs (pour leur oeuvre).
On pourrait créer des plateformes de téléchargement illimité qui comptabiliserait le nombre de téléchargements de tel ou tel auteur pour rétribuer ensuite plus ou moins telle ou telle oeuvre en fonction de son succès.
Bon, là, je me projette vraiment dans l'utopie à très long terme qui permettrait enfin de donner accès aux livres "gratuitement". Mais pourquoi pas ?
Re: L'ère du numérique... et les forces en présence
[Troll]Communisme tout ça moi je dit ![/Troll]
- Gregory Drake
- L'équipe du Bélial'
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- Enregistré le : 19 avril 2009 à 23:06
Re: L'ère du numérique... et les forces en présence
filip a écrit :[Troll]Communisme tout ça moi je dit ![/Troll]
Pas plus communiste qu'un abonnement à Canalsat !
Re: L'ère du numérique... et les forces en présence
Sérieusement, je me suis demandé s'il n'y aurait pas là-dedans les risques inhérents au communisme, c'est-à-dire l'absence de liberté de choix et d'entreprise par une centralisation excessive. Mais ce serait juste un autre mode de rémunération. Ça n'empêcherait pas la libre-concurrence entre les fournisseurs de liseuses (qui devraient se concentrer sur leur prix et le confort de lecture au lieu de jouer sur leur négociation avec les éditeurs), entre les éditeurs (qui essaieraient d'attirer le plus de lecteurs pour être les plus téléchargés et les plus rétribués), etc...
En tant que lectrice, je trouverais ça génial (en partant du principe que j'arrive à me faire à l'absence de pages en papier) et en tant qu'auteur encore plus. Je pense que ça faciliterait l'accès à la lecture pour tous et aussi que ça dégagerait un peu les auteurs et les éditeurs de l'obligation de faire du commercial à tout prix. Un lecteur qui paie son livre va se diriger avant tout vers une valeur sûre où il saura qu'il en a pour son argent. Alors que s'il sait qu'il a accès gratuitement à un livre, il prendra peut-être plus de risques, souvent payants.
Et ça n'empêche pas de coupler ça à un système de don ou de mécénat.
Ceci dit surtout pour la génération à venir parce que je pense vraiment que c'est pour elle que se posera la question du numérique.
En tant que lectrice, je trouverais ça génial (en partant du principe que j'arrive à me faire à l'absence de pages en papier) et en tant qu'auteur encore plus. Je pense que ça faciliterait l'accès à la lecture pour tous et aussi que ça dégagerait un peu les auteurs et les éditeurs de l'obligation de faire du commercial à tout prix. Un lecteur qui paie son livre va se diriger avant tout vers une valeur sûre où il saura qu'il en a pour son argent. Alors que s'il sait qu'il a accès gratuitement à un livre, il prendra peut-être plus de risques, souvent payants.
Et ça n'empêche pas de coupler ça à un système de don ou de mécénat.
Ceci dit surtout pour la génération à venir parce que je pense vraiment que c'est pour elle que se posera la question du numérique.
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