Harcèlement sexuel dans l'édition

Avatar de l’utilisateur
Weirdaholic
Xeelee
Messages : 1059
Enregistré le : 12 février 2021 à 15:38
Contact :

Re: Harcèlement sexuel dans l'édition

Messagepar Weirdaholic » 19 mai 2021 à 15:55

Shibia a écrit :En revanche en 22 ans de presse, je n'ai jamais vu un cas de clause de conscience invoqué et reconnu valide, or c'est ce qui s'approche le plus de la situation de Sabrina Calvo.


On est plutôt dans le cadre du droit de retrait d'une oeuvre de l'esprit selon moi, comme je le dis plus haut.

Je cite un gus qui fait le point sur la jurisprudence en la matière :

Comme le dit Desbois[244], le droit de repentir ou de retrait ne peut être invoqué que pour arbitrer un "débat intérieur" sur l'opportunité de diffuser l'œuvre. Si quelques décisions[245] s'étaient prononcées en faveur d'un droit discrétionnaire, la Cour de cassation[246] ne l'a pas entendu ainsi dans l'affaire Chiavarino. En effet, il ne saurait être utilisé pour résilier un contrat d'exploitation dont les redevances seraient trop faibles aux dire de l'auteur. Les hauts magistrats retenaient: "qu'ayant constaté que M. Chiavarino se bornait à alléguer, pour justifier sa demande, l'insuffisance du taux de 1% appliqué par la SPE pour le calcul de ses redevances, la cour d'appel a retenu à bon droit qu'étranger à la finalité de l'article 32 de la loi du 11 mars 1957 [article L 121-4 du CPI] un tel motif, quel que puisse être par ailleurs son mérite, caractérisait un détournement des dispositions de ce texte et un exercice abusif du droit qu'il institue;". En outre, la cour d'appel de Paris[247] a, dans un arrêt, ajouté que l'auteur devait indiquer les motifs d'ordre intellectuel ou moral qui l'amènent à exercer le droit de retrait.


D'après les passages que j'ai mis en gras, Sabrina Calvo n'a qu'à avancer des motifs moraux pour exercer (contre dédommagement éventuel) son droit de retrait... (Elle serait juste obligée de reproposer le roman à Bragelonne si elle voulait le republier plus tard.)
Avatar de l’utilisateur
Gilles Dumay - Albin Michel Imaginaire
Grand Ancien
Messages : 2622
Enregistré le : 18 mars 2018 à 12:27

Re: Harcèlement sexuel dans l'édition

Messagepar Gilles Dumay - Albin Michel Imaginaire » 19 mai 2021 à 17:10

@weirdaholic

Tout ce que tu soulèves est intéressant, mais ne me semble pas adapté à la situation. Si j'ai bien compris la position de Sabrina, elle veut cesser sa collaboration avec Bragelonne. Donc pouvoir exploiter ce titre ailleurs.
Le but n'est pas de retirer Wonderful du commerce, mais qu'il ne soit plus commercialisé par Bragelonne.
Si j'écris une connerie, Sabrina me corrigera (ou me fera corriger).

En matière d'édition, comme dans tous les litiges, ce qui compte c'est le but à atteindre. L'outil juridique que tu propose ne permet pas d'atteindre ce but.

GD
Avatar de l’utilisateur
Shibia
L'équipe du Bélial'
Messages : 1665
Enregistré le : 29 septembre 2019 à 14:20
Contact :

Re: Harcèlement sexuel dans l'édition

Messagepar Shibia » 19 mai 2021 à 18:00

Weirdaholic a écrit :
Shibia a écrit :En revanche en 22 ans de presse, je n'ai jamais vu un cas de clause de conscience invoqué et reconnu valide, or c'est ce qui s'approche le plus de la situation de Sabrina Calvo.


On est plutôt dans le cadre du droit de retrait d'une oeuvre de l'esprit selon moi, comme je le dis plus haut.




D'après les passages que j'ai mis en gras, Sabrina Calvo n'a qu'à avancer des motifs moraux pour exercer (contre dédommagement éventuel) son droit de retrait... (Elle serait juste obligée de reproposer le roman à Bragelonne si elle voulait le republier plus tard.)

Sauf que ça c'est valable si le texte même du livre pose problème. En l'occurrence c'est l'éditeur qui pose problème à l'autrice. L'analogie avec la clause de conscience journalistique est plus intéressant. En théorie, si la ligne éditoriale du journal auxquels collaborent les journalistes s'inclinent et va à l'encontre de leurs points de vue "au point de cesser toute collaboration avec le titre", les journalistes peuvent démissionner et la démission traitée comme un licenciement de plein droit. Est-ce qu'un auteur peut demander à son éditeur de cesser d'exploiter son titre car la ligne éditoriale de la maison a changé ? Là est la question.
De l'autre côté des livres
if wishes were fishes we'd all cast nets
Avatar de l’utilisateur
Gilles Dumay - Albin Michel Imaginaire
Grand Ancien
Messages : 2622
Enregistré le : 18 mars 2018 à 12:27

Re: Harcèlement sexuel dans l'édition

Messagepar Gilles Dumay - Albin Michel Imaginaire » 19 mai 2021 à 18:19

Shibia a écrit :Sauf que ça c'est valable si le texte même du livre pose problème. En l'occurrence c'est l'éditeur qui pose problème à l'autrice. L'analogie avec la clause de conscience journalistique est plus intéressant. En théorie, si la ligne éditoriale du journal auxquels collaborent les journalistes s'inclinent et va à l'encontre de leurs points de vue "au point de cesser toute collaboration avec le titre", les journalistes peuvent démissionner et la démission traitée comme un licenciement de plein droit. Est-ce qu'un auteur peut demander à son éditeur de cesser d'exploiter son titre car la ligne éditoriale de la maison a changé ? Là est la question.


Bravo !
C'est exactement ce que je voulais dire !
Avatar de l’utilisateur
Lucie Chenu
Axiomatique
Messages : 178
Enregistré le : 21 janvier 2020 à 14:44

Re: Harcèlement sexuel dans l'édition

Messagepar Lucie Chenu » 19 mai 2021 à 18:25

Gilles Dumay - Albin Michel Imaginaire a écrit :
Shibia a écrit :Sauf que ça c'est valable si le texte même du livre pose problème. En l'occurrence c'est l'éditeur qui pose problème à l'autrice. L'analogie avec la clause de conscience journalistique est plus intéressant. En théorie, si la ligne éditoriale du journal auxquels collaborent les journalistes s'inclinent et va à l'encontre de leurs points de vue "au point de cesser toute collaboration avec le titre", les journalistes peuvent démissionner et la démission traitée comme un licenciement de plein droit. Est-ce qu'un auteur peut demander à son éditeur de cesser d'exploiter son titre car la ligne éditoriale de la maison a changé ? Là est la question.


Bravo !
C'est exactement ce que je voulais dire !


Le problème, c'est que la ligne éditoriale n'a, à notre connaissance, pas changé. C'est une affaire de personne.

Cela dit, si Sabrina les informe que, si ils publient quand même son livre et ne lui rendent pas ses droits, elle va en parler à la presse, il est possible que son désengagement puisse se régler "à l'amiable".

Enfin, bon, de toute façon, là, on est dans les suppositions, rien d'autre...
Avatar de l’utilisateur
Caliban
L'équipe du Bélial'
Messages : 558
Enregistré le : 25 avril 2009 à 20:24

Re: Harcèlement sexuel dans l'édition

Messagepar Caliban » 19 mai 2021 à 19:04

Shibia a écrit : Après à voir juridiquement comment c'est possible... Et d'un point de vue d'ancienne étudiante en droit des contrats, la réponse d'un des éditeurs ou auteurs présents ici qui a déjà eu ce cas de figure (volonté d'un auteur de ne pas faire reparaitre son texte pour une raison X, Y ou Z) m'intéresse.

Sans être juriste, tous les contrats d'édition français que j'ai eus en main m'ont semblé assez foireux du point de vue juridique, et visaient surtout à ne créer aucune obligation à l'éditeur, au-delà de l'aspect purement financier. Le contraste est assez frappant avec les contrats américains — tous ceux que j'ai vus reprenaient le contrat-type développé par les juristes de la puissante SFWA. J'imagine que les "gros" vendeurs français ont aussi des contrats en béton, mais n'est pas J.K. Rowlings qui veut.

Je n'ai évidemment pas vu le contrat de Sabrina, mais je parierais très gros qu'il ne prévoit rien d'explicitement applicable en la circonstance présente. A partir de là, il me semble que, sauf accord amiable, ce serait au tribunal de commerce (pour le coup en général explicitement désigné) de régler un éventuel litige. Qui n'existera le cas échéant qu'après qu'elle aura formellement notifié à Bragelonne son refus dûment motivé de voir son livre publié chez cet éditeur, et que celui-ci ait décidé de passer outre, explicitement ou de fait.

Et comme les tribunaux de commerce sont notoirement réticents à innover, en dernière analyse, ce serait à la cour de cass' de créer ou non un nouveau droit moral pour les auteurs...
Avatar de l’utilisateur
Shibia
L'équipe du Bélial'
Messages : 1665
Enregistré le : 29 septembre 2019 à 14:20
Contact :

Re: Harcèlement sexuel dans l'édition

Messagepar Shibia » 19 mai 2021 à 19:11

Nothing to see here
Modifié en dernier par Shibia le 19 mai 2021 à 21:18, modifié 1 fois.
De l'autre côté des livres
if wishes were fishes we'd all cast nets
Avatar de l’utilisateur
Caliban
L'équipe du Bélial'
Messages : 558
Enregistré le : 25 avril 2009 à 20:24

Re: Harcèlement sexuel dans l'édition

Messagepar Caliban » 19 mai 2021 à 19:58

Shibia a écrit :
Caliban a écrit :Sans être juriste.

Voilà, au revoir...


Shibia a écrit : Et d'un point de vue d'ancienne étudiante en droit des contrats, la réponse d'un des éditeurs ou auteurs présents ici qui a déjà eu ce cas de figure (volonté d'un auteur de ne pas faire reparaitre son texte pour une raison X, Y ou Z) m'intéresse.

Sans même attendre la courtoisie la plus élémentaire, un minimum de cohérence ne fait pas de mal, de temps en temps.
Avatar de l’utilisateur
Shibia
L'équipe du Bélial'
Messages : 1665
Enregistré le : 29 septembre 2019 à 14:20
Contact :

Re: Harcèlement sexuel dans l'édition

Messagepar Shibia » 19 mai 2021 à 20:16

Vous êtes éditeur ou auteur et avez été confronté à ce cas précis ? Dans ce cas votre réponse ne le précisait pas.
Et vu vos détournements réguliers de ce fil, la courtoisie n’est pas non plus votre fort…
De l'autre côté des livres
if wishes were fishes we'd all cast nets
Avatar de l’utilisateur
Erwann
Modérateur
Messages : 15769
Enregistré le : 25 mai 2010 à 17:37
Localisation : Sol-3

Re: Harcèlement sexuel dans l'édition

Messagepar Erwann » 19 mai 2021 à 20:22

[mode Modo ON]
Caliban, Shibia, si vous souhaitez débattre de vos connaissances et compétences en matière de droit, faites-le plutôt en MP. Et tâchons tous de rester courtois.

Et pour ce qui est de la réédition de Wonderful, comme Lucie l'indique, on est pour l'instant au stade des suppositions pour ce que pourra faire ou non Sabrina. À suivre.

Retourner vers « Toute l'actu »