La science-fiction arrive-t-elle encore à nous émouvoir ?

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Shibia
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Re: La science-fiction arrive-t-elle encore à nous émouvoir ?

Messagepar Shibia » 20 mai 2024 à 19:06

J'suis la seule à tiquer quand il classe le hopepunk (???) hors de la SF ?
En 2022, dans un contexte où le marché littéraire de l’imaginaire a augmenté de 5,8 % par rapport à l’année précédente, la science-fiction a reculé de 22,2 %, tandis que la fantasy (au sens large) a augmenté de 46,4 %. Comment interpréter ces chiffres ? N’est-ce pas là le signe d’une lassitude face à des œuvres de SF trop souvent dénuées d’émotions ? Et les courants littéraires émergents que sont la romantasy ou le hopepunk ne traduisent-ils pas aussi, à leur façon, cette tendance ?

Pour moi le hopepunk et le solarpunk sont des variantes émergentes oui, mais aussi de la SF.
Après, y a deux questions qui me semble intéressantes :
1 - Tous les lecteurs et toutes les lectrices lisent-eils de la SF pour être émus ?
réponse au doigt mouillé : non, ou en tout cas pas tout le temps.
2 - S'émeut-on tous et toutes de la même chose.
réponse au doigt mouillé : non.
Donc comme savoir si une œuvre est ou n'est pas dénuée d'émotion en se basant sur des critères subjectifs ?
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Re: La science-fiction arrive-t-elle encore à nous émouvoir ?

Messagepar Th. D. R. » 20 mai 2024 à 19:38

Le prétexte de l'émotion n'est là que pour servir le propos, non? Argutie superfétatoire, à mon humble avis, parce que les deux chiffres indiscutables (-22% et +46%), eux, font mal. La S.-F. a toujours été un marché de niche, en nos si belles contrées. Historiquement (malgré Bergerac, Verne et quelques autres), culturellement, le lectorat français n'a jamais été attiré par le genre. Je parle bien de littérature; au cinéma, c'est une autre histoire.
Enfin, ce n'est que mon avis.
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Gilles Dumay - Albin Michel Imaginaire
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Re: La science-fiction arrive-t-elle encore à nous émouvoir ?

Messagepar Gilles Dumay - Albin Michel Imaginaire » 21 mai 2024 à 06:39

Shibia a écrit :J'suis la seule à tiquer quand il classe le hopepunk (???) hors de la SF ?
En 2022, dans un contexte où le marché littéraire de l’imaginaire a augmenté de 5,8 % par rapport à l’année précédente, la science-fiction a reculé de 22,2 %, tandis que la fantasy (au sens large) a augmenté de 46,4 %. Comment interpréter ces chiffres ? N’est-ce pas là le signe d’une lassitude face à des œuvres de SF trop souvent dénuées d’émotions ? Et les courants littéraires émergents que sont la romantasy ou le hopepunk ne traduisent-ils pas aussi, à leur façon, cette tendance ?


Déjà il faudrait connaître la méthodologie de ce qui est classé en SF et de ce qui est classé en fantasy (romantasy ?).
Le dernier Maxime Chattam c'est de la SF, il n'est pas sorti dans une collection de genre, est-ce qu'il rentrerait dans le statistiques ?
Même question pour le dernier Douglas Kennedy ?
Si Stephen King met en scène un personnage avec des pouvoirs paranormaux est-ce de la SF ou du fantastique ?
Etc.
Très honnêtement ces champs sont devenus impossibles à circonscrire. Il faudrait vraiment un groupe d'études qui aient le temps et accès aux chiffres pour faire un travail très fin qui serait passionnant, mais monstrueux en termes de moyens nécessaires, car de nos jours de l'imaginaire il en sort partout.
Faute de pouvoir mesurer la température réelle on peut rendre compte de la température ressentie.
Moi, ce qui me frappe, c'est qu'en tant que lecteur je suis plutôt un lecteur de SF et la fantasy a plutôt le don de m'ennuyer très vite. Ce qui veut dire que dans ce que m'envoient les agents la SF est prioritaire naturellement. J'ai eu beaucoup de mal à trouver des choses enthousiasmantes ces derniers mois, voire ces dix-huit derniers mois, il y a un recueil qui est sans doute plus Bélial' que AMI dont à mon avis on finira par reparler à un moment ou un autre. Et il y a un roman que j'essaye d'acheter, je ne suis pas seul sur le coup, qui fait à juste titre un buzz d'enfer depuis quelques temps. Mais c'est tout, je suis allé de déception en déception. On me propose souvent de la SF très littéraire à la Emily St John Mandel pour caricaturer, mais souvent l'idée SF au centre est tellement vue et revue que je me dis que c'est pour une collection de littérature étrangère. Ou alors c'est du post-apo et là j'avoue que je ne vois rien de "nouveau", même s'il y a des romans très solides comme Tommorow's children de Daniel Polansky.
Je passe maintenant beaucoup plus de temps à me demander pourquoi je vais publier tel livre ? Qu'est-ce que ça apporte ? Quelle est la place de ce livre dans ma liste, etc.
Quasiment tout ce que j'ai acheté depuis un an relève de la fantasy, alors c'est sans doute une drôle de fantasy : clivante, pas pour tout le monde, mais je ne peux que le constater. Par contre, ce sont des romans qui m'ont vraiment "retournés" ou beaucoup amusé. Robert Jackson Bennett, par exemple, c'est très drôle en plus d'être malin. C'est vraiment du "Philosopher en s'amusant, s'amuser en philosophant". Il y a une dimension populaire chez lui, à laquelle je tiens énormément.

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Re: La science-fiction arrive-t-elle encore à nous émouvoir ?

Messagepar JDB » 21 mai 2024 à 09:00

Tous les intervenants disent des choses pertinentes, mais je suis en accord presque total avec Mireille Rivaland.
Et, dans la production récente, il me semble qu'il existe au moins une œuvre où l'on trouve à la fois de la spéculation, du sense of wonder, un univers foisonnant construit avec rigueur et des émotions, de l'empathie, bref une humanité incontestable: c'est le cycle "Andrea Cort" d'Adam-Troy Castro.
JDB
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Re: La science-fiction arrive-t-elle encore à nous émouvoir ?

Messagepar Soleilvert » 21 mai 2024 à 10:41

Le titre de l'article me fait sursauter.
C'est le genre de réflexion que j'ai entendu jadis de lecteurs d'Arthur Clarke, ou d'Isaac Asimov, à l'époque (les années 60, 70) où un Théodore Sturgeon faisait figure de poisson volant au sein d'une littérature taxée de froideur.
Quant à la romantasy c'est une littérature parfaitement adaptée à un lectorat dont le QI voisine les 90.
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Re: La science-fiction arrive-t-elle encore à nous émouvoir ?

Messagepar FeydRautha » 21 mai 2024 à 10:50

Shibia a écrit :2 - S'émeut-on tous et toutes de la même chose.
réponse au doigt mouillé : non.
Donc comme savoir si une œuvre est ou n'est pas dénuée d'émotion en se basant sur des critères subjectifs ?


Exactement le réflexion que je me suis faite à la lecture du papier. Et tout comme JDB, je ne peux que rejoindre la team Rivalland.
"Scientifiquement, c'est un immense bordel la réalité."
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Re: La science-fiction arrive-t-elle encore à nous émouvoir ?

Messagepar Gromovar » 21 mai 2024 à 12:53

FeydRautha a écrit :
Shibia a écrit :2 - S'émeut-on tous et toutes de la même chose.
réponse au doigt mouillé : non.
Donc comme savoir si une œuvre est ou n'est pas dénuée d'émotion en se basant sur des critères subjectifs ?


Exactement le réflexion que je me suis faite à la lecture du papier. Et tout comme JDB, je ne peux que rejoindre la team Rivalland.


Pas mieux.
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Re: La science-fiction arrive-t-elle encore à nous émouvoir ?

Messagepar Gilles Dumay - Albin Michel Imaginaire » 21 mai 2024 à 17:43

Ah ah ah.
Par rapport à avril 2023, la SF est en progression de 31% en avril 2024, tirée par la parution de Vallée du silicium d'Alain Damasio (Le Seuil) et Le Problème à trois corps de Cixin Liu (édition Babel Actes Sud).
La fantasy est en progression de 4% sur la même période, maintenue par Fourth Wing de Rebecca Yarros.

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Re: La science-fiction arrive-t-elle encore à nous émouvoir ?

Messagepar Weirdaholic » 24 mai 2024 à 22:34

Gilles Dumay - Albin Michel Imaginaire a écrit :
Shibia a écrit :J'suis la seule à tiquer quand il classe le hopepunk (???) hors de la SF ?
En 2022, dans un contexte où le marché littéraire de l’imaginaire a augmenté de 5,8 % par rapport à l’année précédente, la science-fiction a reculé de 22,2 %, tandis que la fantasy (au sens large) a augmenté de 46,4 %. Comment interpréter ces chiffres ? N’est-ce pas là le signe d’une lassitude face à des œuvres de SF trop souvent dénuées d’émotions ? Et les courants littéraires émergents que sont la romantasy ou le hopepunk ne traduisent-ils pas aussi, à leur façon, cette tendance ?


Déjà il faudrait connaître la méthodologie de ce qui est classé en SF et de ce qui est classé en fantasy (romantasy ?).
Le dernier Maxime Chattam c'est de la SF, il n'est pas sorti dans une collection de genre, est-ce qu'il rentrerait dans le statistiques ?
Même question pour le dernier Douglas Kennedy ?
Si Stephen King met en scène un personnage avec des pouvoirs paranormaux est-ce de la SF ou du fantastique ?
Etc.
Très honnêtement ces champs sont devenus impossibles à circonscrire. Il faudrait vraiment un groupe d'études qui aient le temps et accès aux chiffres pour faire un travail très fin qui serait passionnant, mais monstrueux en termes de moyens nécessaires, car de nos jours de l'imaginaire il en sort partout.


C'est le problème de notre monde moderne : on adore les indicateurs, mais on ne préoccupe pas vraiment de savoir ce qu'ils indiquent, autrement dit comment ils sont construits, donc comment ils peuvent être biaisés... (Il suffit par exemple d'un seul best-seller dans un marché de niche pour faire exploser les chiffres en un mois, et les faire redescendre le mois d'après.)

Par ailleurs, si l'on examine les genres du point de vue de l'effet esthétique (donc de l'émotion) qu'ils sont censés produire, on se rend compte que, par exemple, le grotesque (compris au sens non de risible, mais de difforme, donc d'éventuellement répugnant) est consubstantiel non seulement à la science-fiction (avec le sublime, j'en parle à longueur de chroniques ^_^), mais aussi au fantastique, voire à la fantasy (La Sonde et la Taille ou au polar horrifique (au passage, on peut l'objectiver, mais ça réclame une analyse thématique poussée).

Ce que je veux dire (sans doute de façon confuse), c'est que reprocher à un genre de manquer d'un certain type d'émotions que par nature il n'est pas censé produire n'a aucun sens - tout comme de lui reprocher de véhiculer des émotions négatives. (En prime, comparer, comme le fait Cédric Fabre, la science-fiction, qui est au départ une littérature d'ingénieur, donc d'homme "moyen" comme tout roman qui se respecte, à la tragédie, qui décrivait elle les affres des grands de ce monde, ça n'a pas grand sens de mon point de vue, même si on peut retrouver un rapport à l'hubris dans les deux cas.)

Par nature (selon moi), les littératures de l'imaginaire manient des émotions qui ont une part de "négativité" (comme dirait Byung-Chul Han) - pensez à ce que ça peut avoir d'effrayant ou d'écrasant de constater, tout au long de La Maison des Soleils, que nous ne sommes guère que des petits points perdus dans l'infini de l'espace (c'est le sublime que j'évoquais plus haut). Evidemment, lesdites émotions peuvent être édulcorées à l'extrême (c'est sans doute le cas dans la romantasy).

Or (et l'ascension actuelle de la romance, y compris en littérature générale, en est sûrement un bon indice) notre société a tendance à rejeter le négatif au profit du positif (d'après Byung-Chul Han), donc si la science-fiction pure et dure (celle qui ne fait pas de concession à l'air du temps) était vraiment en perte de vitesse (ce qui reste à prouver), ça voudrait tout simplement dire que la résistance au positif perd du terrain.

Ceci dit, tout ça, ce n'est que de la spéculation (et sans doute aussi de la régression), qui n'a sans doute pas plus d'intérêt que l'article de Cédric Fabre - on ne s'improvise pas sociologue des idées comme ça...

Gilles Dumay - Albin Michel Imaginaire a écrit :Ah ah ah.
Par rapport à avril 2023, la SF est en progression de 31% en avril 2024, tirée par la parution de Vallée du silicium d'Alain Damasio (Le Seuil) et Le Problème à trois corps de Cixin Liu (édition Babel Actes Sud).
La fantasy est en progression de 4% sur la même période, maintenue par Fourth Wing de Rebecca Yarros.

GD


Bah voilà, c'est ce que je disais, un best-seller, et les chiffres s'inversent.

Gromovar a écrit :
FeydRautha a écrit :
Shibia a écrit :2 - S'émeut-on tous et toutes de la même chose.
réponse au doigt mouillé : non.
Donc comme savoir si une œuvre est ou n'est pas dénuée d'émotion en se basant sur des critères subjectifs ?


Exactement le réflexion que je me suis faite à la lecture du papier. Et tout comme JDB, je ne peux que rejoindre la team Rivalland.


Pas mieux.


C'est ce que je dis plus haut : plutôt que de parler d'émotions, il faudrait plutôt identifier dans des oeuvres des thématiques qu'on associe à tel ou tel effet esthétique (de la stylistique de la réception, quoi) ; mais bien sûr, ça ne garantit pas que l'émotion attendue soit forcément au rendez-vous (ça objectiverait juste le truc).

L'analyse de Cédric Fabre aurait eu du sens s'il avait montré, par exemple, que la (supposée) montée en puissance du thème de l'interaction avec les IA dans les romans de SF s'accompagne d'un renoncement aux thèmes d'ordinaire associés au sens of wonder (disparition du champ lexical du vertige). En l'état, son papier est trop flou pour être réellement utile... (à part à papoter, bien sûr. ^_ ^)

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