Outre Fleuve bouge encore

[Olivier Girard]

2019, c'est l'année des 70 ans du Fleuve Noir. On pouvait aussi penser qu'il s'agissait de l'année ou l'éditeur d' "Anticipation" allait définitivement enterrer nos genres six pieds sous terre.
Or, pas tout à fait : je viens de mettre la main sur le programme de la collection "Outre fleuve" pour 2019. Un programme qui continue le nettoyage de portefeuille de contrats, mais qui donne néanmoins ceci :
- Mars : L'Héritière du Chaos de Rodolphe Vanhoorde (manifestement, une fanfiction autour de l'Agent des Ombres, de Michel Robert)
- Mai : Dark Run T.1, de Mike Brooks
- Septembre : Le Vorrh, de Brian Catling
- Octobre : Le Mur des tempêtes, de Ken Liu (La Grâce des rois T.2)
- Novembre : Star Wars - Solo, de Mur Lafferty.

Je me suis par ailleurs entretenu au téléphone il y a 5 minutes avec Florian Lafani, le directeur éditorial du Fleuve Noir, qui m'a confirmé que s'il n'y avait plus de directeur/trice de collection pour "Outre fleuve" (et qu'aucun recrutement n'était prévu), la collec' publiera malgré tout 4 ou 5 titres en 2020.
À suivre…

[Gilles Dumay - Albin Michel Imaginaire]

Une collection non incarnée dans le contexte actuel, je leur souhaite bien du courage, surtout avec Le Vorrh, qui est le genre de titre compliqué qu'il faut défendre bec et ongles, dans les recoins les plus obscurs de la blogosphère comme en presse généraliste.

GD

[Bruno78]

D'ailleurs, sait-on pourquoi le Fleuve a réduit aussi fortement son rayon imaginaire ? C'est suite au transfert des poches chez Pocket, qui a nuit à la visibilité du GF imaginaire ? Une baisse des ventes en-dessous du seuil de rentabilité ?

Sinon, Olivier, les 70 ans du Fleuve Noir, ça ne me choque pas, par contre Florian Lafani doit plutôt être le directeur éditorial de Fleuve Éditions, non ? ;-)

[Olivier Girard]

Tu as raison, Bruno ;-)
Nostalgie, nostalgie…
Le Fleuve n'a pas réduit que son rayon imaginaire. C'est l'ensemble des titres publiés par la maison qui baisse fortement (- 40 % en trois ans). L'imaginaire est plus fortement concerné, certes. Les ventes chutent depuis plusieurs années, manifestement. Ils tirent l'échelle…

[Rémi]

Du point de vue du libraire indépendant que je suis, il s'agit typiquement d'une maison (Le Fleuve en général) sans intérêt aujourd'hui. Rachat de droit, mise en place de bourrin, couvertures passe-partout, papier et typo ordinaire, diffusion à la hussarde, communication de communicant (belles plaquettes explicatives), aucun suivi de titre sur la durée, coups éditoriaux.

Bref.

Si des fusibles doivent sauter, j'espère que ce sont ces maisons qui font de l'édition à papa qui vont trinquer, et pas la cohortes de passionnés et d'éditeurs qui font un travail autrement plus intéressant...

Après, il y a des bons auteurs dans le tas... je suppose !

[Herbefol]

Pour moi, les seules choses intéressantes publiées sur la période Outre-Fleuve ce sont Aliette de Bodard et Ken Liu... que j'ai lu en anglais avant qu'ils ne soient annoncés dans cette collection. Et dans l'ensemble, je trouve l'identité graphique de la collection assez moche et sans aucune homogénéité. Le petit plus qui m'amuse, c'est la VF de La grâce des rois : le bouquin fait deux cents pages de plus que la VO, pour un livre au format à peut-être équivalent et une VO dont la police n'était pas particulièrement petite. Ça sent l'ouvrage bien aéré. Je peux le comprendre quand on édite du Nothomb, mais pour un ouvrage qui faisait ses six à sept cents pages tranquillement, pourquoi s'amuser à le faire gonfler ?

[Erwann]

Avec quelques couvertures, le programme Outre Fleuve chez Just A Word.

[Florian Lafani]

Bonjour à tous,

Je profite de cette discussion ouverte par Olivier pour me présenter car je lis depuis le départ de Stéphane Desa de nombreuses choses sur OutreFleuve. Je suis donc le directeur éditorial de Fleuve Editions et j’ai pris effectivement plusieurs décisions concernant notre collection dédiée aux littératures de l’imaginaire.

Le premier élément concerne le nombre de parutions. Comme Olivier l’a mentionné, nous avons décidé de réduire l’ensemble de la production de la maison, dans un marché tendu et qui nécessite de défendre chaque ouvrage au mieux. Nous passons donc de 8 à 5 titres chez OutreFleuve mais avec 3 nouveaux auteurs (Rodolphe Vanhoorde pour L’Héritière du Chaos, Brian Catling pour The Vorrh et Mike Brooks pour Dark Run). Et il n’a jamais été question de faire mourir cette collection ! La réflexion s’est cependant posée de savoir comment mieux défendre chacun des ouvrages de notre programme. Notre responsabilité d’éditeur vis-à-vis des auteurs, qu’ils soient français ou étrangers, est forte et il était hors de question que je me satisfasse des ventes actuelles. Alors, nous allons publier moins mais l’ambition sera au rendez-vous.

Un autre point : ce n’est pas parce qu’il n’y a pas de directeur de collection qu’on peut en déduire une absence totale d’incarnation, sauf à considérer qu’un éditeur ou directeur éditorial ne puisse pas prendre la parole. Le catalogue du Fleuve qu’Olivier a eu entre les mains est par définition même l’outil que nous avons décidé d’emmener avec nous (je parle des éditrices du domaine français et étranger et de moi-même) dans nos différents rendez-vous libraires tout au long de l’année. A la fois pour pouvoir mettre l’accent sur tel ou tel auteur, mais également pour pouvoir rappeler qui nous sommes et qui nous ne sommes pas. Contrairement à l’image qui peut être véhiculée, nous sommes une maison avec des auteurs historiques que nous soutenons depuis de nombreuses années (et je connais plusieurs maisons d’édition qui n’hésitent pas à sacrifier de manière mécanique les auteurs dès leur premier roman, quand les ventes ne sont pas au rendez-vous). Et le côté « mises en place de bourrin/coups éditoriaux/diffusion à la hussarde » ne me paraît pas vraiment correspondre au Fleuve que je connais actuellement, mais je laisse à l’appréciation de chacun la qualité des ouvrages que nous publions.
Rendez-vous libraires ne veut pas dire non plus se concentrer exclusivement sur des réseaux généralistes, bien au contraire. Les libraires indépendants, spécialisés, sont aussi des gens à qui nous souhaitons parler, que nous souhaitons rencontrer.

En tout cas, OutreFleuve a vocation à rester un acteur dans l’imaginaire.

Florian

[Gilles Dumay - Albin Michel Imaginaire]

Un autre point : ce n’est pas parce qu’il n’y a pas de directeur de collection qu’on peut en déduire une absence totale d’incarnation, sauf à considérer qu’un éditeur ou directeur éditorial ne puisse pas prendre la parole.

Cher Florian,

Je suis sincèrement désolé si mon intervention vous a blessé mais (et je parle pour là uniquement pour moi) je suis tellement peu habitué à voir les directeurs éditoriaux (des maisons dites généralistes) défendre les genres de l'imaginaire que j'ai imbécilement considéré cette habitude comme acquise.
Il en est donc tout autrement et je vous souhaite la bienvenue parmi "nous", "notre club", appelez ça comme vous voulez.
(On mord un peu, mais rassurez-vous : on s'habitue très vite).

A très bientôt pour des échanges passionnants,

Gilles Dumay, directeur d'Albin Michel Imaginaire

[Bruno78]

Merci en effet à Florian pour ces précisions, qui répondront je pense aux interrogations des uns et des autres (aux miennes en tout cas).