scifictif a écrit :Qu'un texte puisse tour à tour intriguer (le titre), faire éprouver le frisson du vertige métaphysique (la Lisière, l'Orée, l'infinie succession), faire rire (la rouspétance, le réal et le morne), inquiéter (tout bon anxieux ne peut se faire qu'un sang d'encre pour l'horripifilleule) ou égarer (la fin ouverte), c'est quand même pas banal.
Pour moi, le dosage est bon. Le cocktail me sied.
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Merci, ça me fait plaisir. Entre anxieux, etc...
Je parle le moins possible de mon travail, sauf sous la contrainte. Mais un ami m'ayant demandé ce soir des éclaircissements sur ce texte (ça ne doit pas vraiment être un ami), j'en profite pour répéter ici ce que je lui ai bredouillé
Cette nouvelle, écrite spécialement pour ce numéro de Bifrost, précisé-je, m'est chère dans le sens où elle constitue pour moi une espèce de note d'intention et qu'elle me porte (me déporte même) vers une direction que je n'avais absolument pas augurée.
Après qu'Olivier Girard m'a informé de la sortie d'un numéro de Bifrost avec mon nom en gros sur la couverture puis qu'il m'a refusé poliment un texte que j'avais sous le coude et que je souhaitais lui fourguer pour ne pas aggraver mon retard sur d'autres travaux urgents, je me suis demandé ce que je pourrais écrire de plus déplaisant possible et/ou dénué d'intérêt pour un lecteur "doctrinaire" de sf (tel que je me l'imagine, donc tel qu'il n'est sans doute pas). Ce n'était pas motivé par un esprit revanchard ou une quelconque aigreur à l'encontre de qui ou de quoi que ce soit, c'est juste que ça m'apparaissait plus amusant de procéder ainsi (je suis un punk subliminal).
J'ai donc choisi comme matériau l'intime, l'anecdotique et le littéraire (c'est la première fois que je parle de littérature dans un récit — sur le mode comique, faut pas déconner non plus — la première fois aussi que j'use d'un "je" miroir),supposant que ce serait assez irritant pour ce lecteur potentiel. J'ai par ailleurs souhaité que ces trois gales soient constitutives de la dimension vaguement sf du truc, ce qui revenait à procéder par amenuisement plutôt que par élargissement (il faudrait que je développe, mais j'ai mal à la gorge).
Je voulais aussi préparer le terrain (pour moi surtout, pas vraiment pour les lecteurs, j'ai confiance, il n'y en aura pas) à 120 Journées (titre de travail, il se pourrait qu'il change), roman le plus fictionnel que j'ai jamais écrit, mais qui paraîtra en lit gen, parce qu'il y a une densité critique du fictionnel au-delà de laquelle ce dernier s'effondre sur lui-même et n'est plus reconnu comme tel (Cosmos de Gombrowitz, encore et toujours).
Cette nouvelle (qui effectivement n'a pas de fin — mais qui fonctionne comme un film super 8 de vacances et les films de vacances n'ont que rarement une chute clairement définie) m'a donné en tout cas une vilaine et bizarre envie. J'ai commencé à songer : et si j'appliquais de tels éléments à tout un roman, et que ce roman soit presque indiscutablement un roman de science-fiction, et même, allons-y, un roman de hard-science. Ça fait plusieurs mois que cette idée me gratte. Me voilà donc avec en tête la trame d'un roman que j'oserais qualifier de hard-science.
Bifrost m'a tuer.
Après lui avoir lu quelques menus passages de cette nouvelle, l'horripifille m'a dit : "J'ai rien compris… On fait une pizza, ce soir ? " Je jalouse son sens de la conclusion.