Eclipse dépose son bilan

[Patrice2]

Salut,

J'avais justement un peu l'impression que cette disparition de l'inédit poche, à quelques exceptions près, venait justement du fait que la baisse des ventes poche ne permettait plus ce genre de pratique.

Ca, sur l'oeuf ou la poule, je ne saurais me prononcer. Mais j'ai du mal à croire qu'un modèle qui a tenu 50 ans soit devenu en quelques petites années obsolète et non-rentable.

A+

Patrice

[O_o]

Malheureusement, la science-fiction ce n'est pas qu'une littérature populaire, elle peut être drôlement élitiste.
J'ai l'impression qu'en France c'est toujours suspect d'aimer les deux faces de la pièce...

TD

Je ne crois pas (enfin, plus) que ce soit suspect.
Toute la difficulté de l'exercice est de réussir à maintenir la pièce sur la tranche.
Et je sais combien c'est difficile pour les éditeurs (sans doute un problème de moment cinétique alacon).

[christian]

J'avais justement un peu l'impression que cette disparition de l'inédit poche, à quelques exceptions près, venait justement du fait que la baisse des ventes poche ne permettait plus ce genre de pratique.

Ca, sur l'oeuf ou la poule, je ne saurais me prononcer. Mais j'ai du mal à croire qu'un modèle qui a tenu 50 ans soit devenu en quelques petites années obsolète et non-rentable.

G.K. ou G.D. t'expliqueront qu'il est plus rentable de vendre 10 grands formats à 20 Euros plutôt que 40 poches à 5 Euros.

Plus rentable s'entend pour les éditeurs et (paraît-il) pour les auteurs, car l'opinion des lecteurs, on s'en fiche encore plus que celle des libraires, c'est pour dire...

Après on en pense ce qu'on veut.

[Olivier Girard]

G.K. ou G.D. t'expliqueront qu'il est plus rentable de vendre 10 grands formats à 20 Euros plutôt que 40 poches à 5 Euros.
Plus rentable s'entend pour les éditeurs et (paraît-il) pour les auteurs, car l'opinion des lecteurs, on s'en fiche encore plus que celle des libraires, c'est pour dire...
Après on en pense ce qu'on veut.

En 1983, Joëlle Wintrebert vend 40 000 exemplaires de Chromoville, chez J'ai Lu. 30 ans plus tard, le lectorat s'est à ce point réduit qu'il s'en vendrait sans doute pas plus de 4000 ou 5000 en poche inédit (et encore... on peut rêver). Aussi vaut-il mieux sortir le livre en grand format et en vendre 2000, avec l'espoir d'une double exploitation avec le poche ultérieur (quitte à n'en vendre que 2000 ou 3000 en poche derrière). La quasi disparition des inédits en poche est imputable à une réalité toute simple : le lectorat n'est juste plus suffisant pour ça (je me souviens des chiffres de Diamond Dogs, Turquoise Days d'Alstair Reynolds chez Pocket en 2003 : rien d'étonnant à ce qu'il n'y ait plus d'inédit chez Pocket "SF").
Quant à l'opinion des lecteurs et des libraires, au Bélial', on ne fiche ni de l'une, ni de l'autre.
On a en effet le droit de penser ce qu'on veut, y compris n'importe quoi.

[christian]

G.K. ou G.D. t'expliqueront qu'il est plus rentable de vendre 10 grands formats à 20 Euros plutôt que 40 poches à 5 Euros.

(...)
On a en effet le droit de penser ce qu'on veut, y compris n'importe quoi.

Oups ! J'avais oublié O.G....

Ce que tu dis c'est vrai aujourd'hui, mais l'était-ce il y a quinze ans, quand la décision a été prise d'arrêter les inédits en poche ?

Les lecteurs de SF ne trouvant plus de poches inédits ne se sont-il pas alors tournés vers d'autres genres, toujours présents et inédits en poche (fantasy, polar, etc), plutôt que de suivre la mode et de multiplier leur budget lecture par 4 ?

En créant la pénurie il y a 15 ans, les Gros Editeurs n'ont-ils pas un tout petit peu scié la branche ?

Ceci dit, puisqu'au départ on parlait d'Eclipse, cette collection n'était pas la plus chère.

[John Shooter]

En 1983, Joëlle Wintrebert vend 40 000 exemplaires de Chromoville, chez J'ai Lu. 30 ans plus tard, le lectorat s'est à ce point réduit qu'il s'en vendrait sans doute pas plus de 4000 ou 5000 en poche inédit (et encore... on peut rêver).

Mais tu sais que ces chiffres sont de la SF (justement) pour de nombreux lecteurs qui n'ont aucun lien avec la profession (éditeurs, auteurs, libraires...) et qui sont persuadés que la SF se vend bien (parce que c'est une littérature de genre et à ce titre considérée comme populaire*)..?


* Je prend le mot dans toutes ses acceptions.

[Thomas Day]

G.K. ou G.D. t'expliqueront qu'il est plus rentable de vendre 10 grands formats à 20 Euros plutôt que 40 poches à 5 Euros.

Cet exemple ne veut rien dire, même si je comprends ce que tu as voulu dire.
Il faut regarder les comptes d'exploitation des deux cas de figure pour comparer.
Si l'éditeur grand format fait un effort sur le prix, il peut avoir une marge très faible et un point mort très haut. Si l'éditeur poche maintient son tirage et gonfle le prix d'une catégorie, car il refuse de prendre un gros risque, il peut avoir un point mort bas et une marge haute. Il n'y a pas deux cas de figure qui se ressemblent.

Illustration du désastre actuel :
Soldat des brumes de Gene Wolfe (qui aurait dû sortir début février) a été bloqué par les éditions Denoël car l'ordinateur a craché que pour commencer à gagner 1 euro il fallait le vendre 44 euros pour le tome 1 et 30 sur le tome 2, sans rabats (la faute à un tirage de 3000 ex seulement, dû lui à une mise en place très faible et des perspectives de ventes équivalentes voire encore plus faibles. Sur mes précédents Gene Wolfe j'ai fait 3700 et 2700 après retours). C'est évidemment impossible de mettre ces ouvrages à un tel prix. Hier, on m'a proposé 35 et 25, sans rabats, j'ai alors milité (pour ne pas dire fighté) pour 29 et 23. Ma direction a tranché à 30 et 25, en espérant limiter les pertes. Personne n'est content dans l'histoire : ni l'agent de l'auteur, ni l'éditeur qui va perdre de l'argent, ni le lecteur qui va trouver les livres trop chers. Et en même temps, il n'y a qu'un seul coupable, un marché qui est devenu si dur qu'on ne voit plus de solutions raisonnables. La gymnastique Soldat des brumes n'a pas pour but de gagner de l'argent, mais de limiter des pertes (de faire des calculs d'"atterrissage défavorable"). On le fait sur ce titre-là, parce que c'était trop tard pour tout arrêter (trop d'investissement en cours). Sinon, il aurait été supprimé purement et simplement. Mais tous mes titres à venir sont sous la guillotine, vont être disséqués de la même manière ; j'essayerai de sauver ce qui peut l'être, mais je me fais guère d'illusion. La seule chose qui compte désormais, c'est survivre (ou ne pas finir comme Eclipse, si vous préférez), le reste, on verra plus tard... ou jamais.

J'en suis là, et après treize années de boulot, c'est dur à avaler. Après, si on est optimiste, une qualité qui me manque, on peut se dire que c'est juste une mauvaise passe.

GD

[O_o]

Et en même temps, il n'y a qu'un seul coupable, un marché qui est devenu si dur qu'on ne voit plus de solutions raisonnables.

Sérieux, la main invisible, j'y crois moyen.
J'imagine qu'il y a eu à un temps T une décision d'investissement (acquisition des droits) basée sur des hypothèses économiques.
Ne me laisse pas croire que l'ordinateur a craché (crashé ?) les prix planchers après la négociation des-dits droits.
Si c'est le cas, il est effectivement temps de revoir les modèles.

La seule chose qui compte désormais, c'est survivre (ou ne pas finir comme Eclipse, si vous préférez), le reste, on verra plus tard... ou jamais.

J'en suis là, et après treize années de boulot, c'est dur à avaler. Après, si on est optimiste, une qualité qui me manque, on peut se dire que c'est juste une mauvaise passe.

Je suis optimiste, mais je ne pense pas que ce soit une simple passe. C'est bien un courant de fond, accompagné de puissants rouleaux.
Et à te lire, je suis de plus en plus inquiet sur la capacité des éditeurs franco (je ne parle pas des dir'col') à les surfer.

[Thomas Day]

J'imagine qu'il y a eu à un temps T une décision d'investissement (acquisition des droits) basée sur des hypothèses économiques.
Ne me laisse pas croire que l'ordinateur a craché (crashé ?) les prix planchers après la négociation des-dits droits.
Si c'est le cas, il est effectivement temps de revoir les modèles.

Il s'est passé quatre ans entre le moment où les droits ont été acquis (perspectives de ventes 2500) et aujourd'hui (perspectives de ventes 1300).
Rien de plus simple, en quatre ans le marché s'est dégradé dramatiquement.

GD

[O_o]

Il s'est passé quatre ans entre le moment où les droits ont été acquis (perspectives de ventes 2500) et aujourd'hui (perspectives de ventes 1300).
Rien de plus simple, en quatre ans le marché s'est dégradé dramatiquement.

Ah, ouais, quand même !

Je me doutais que les grands groupes éditoriaux étaient devenus schizophrènes, tendant à promouvoir un modèle de production en flux tendu (salon, rentrée -voire saisons- littéraire..) tout en continuant à raisonner avec un modèle économique basé sur la valorisation patrimoniale.

Mais là : 4 ans ?

Tu vas finir par balayer mon optimisme forcené.