Eclipse dépose son bilan

[Thomas Day]

Je me doutais que les grands groupes éditoriaux étaient devenus schizophrènes, tendant à promouvoir un modèle de production en flux tendu (salon, rentrée -voire saisons- littéraire..) tout en continuant à raisonner avec un modèle économique basé sur la valorisation patrimoniale.

Je ne ressens pas du tout ça.
Lunes d'encre est une collection 50% fonds, 50% nouveautés. C'est un modèle difficile à défendre. Après Gallimard est un groupe qui a l'habitude du fonds.
Soldat des brumes a été retiré deux fois des programmes que j'avais soumis, en 2010 et 2011. D'où les deux ans de retard.

GD

[Herbefol]

Ceci dit, puisqu'au départ on parlait d'Eclipse, cette collection n'était pas la plus chère.

Cela dépend des collections. Leur bitlit était trop cher par rapport à une partie de leurs concurrents, notamment Milady qui fait direct en poche pour ce genre. Pour le reste, je n'ai pas vraiment acheté des pavés chez eux donc je n'ai pas l'impression qu'ils soient peu couteux. Disons vaguement moyen. En tout cas, toujours moins chez que la collection Nouveaux millénaires chez J'ai Lu. ;-)

[M]

Illustration du désastre actuel :
Soldat des brumes de Gene Wolfe (qui aurait dû sortir début février) a été bloqué par les éditions Denoël car l'ordinateur a craché que pour commencer à gagner 1 euro il fallait le vendre 44 euros pour le tome 1 et 30 sur le tome 2, sans rabats (la faute à un tirage de 3000 ex seulement, dû lui à une mise en place très faible et des perspectives de ventes équivalentes voire encore plus faibles. Sur mes précédents Gene Wolfe j'ai fait 3700 et 2700 après retours). C'est évidemment impossible de mettre ces ouvrages à un tel prix. Hier, on m'a proposé 35 et 25, sans rabats, j'ai alors milité (pour ne pas dire fighté) pour 29 et 23. Ma direction a tranché à 30 et 25, en espérant limiter les pertes. Personne n'est content dans l'histoire : ni l'agent de l'auteur, ni l'éditeur qui va perdre de l'argent, ni le lecteur qui va trouver les livres trop chers. Et en même temps, il n'y a qu'un seul coupable, un marché qui est devenu si dur qu'on ne voit plus de solutions raisonnables.

Je comprends le raisonnement et la logique. Cependant en ce moment c'est raide.
Pour ma part, il faudra être super convaincant pour que je lâche 55€ pour les deux bouquins. Et pourtant, j'ai aimé la plupart des livres que tu édites en Lunes d'Encre.
Mais du coup c'est un cercle vicieux. Si j'achète pas, je participe à l'appauvrissement du marché et donc je m'expose à ce que la prochaine fois ça soit 35€ et 30€ le prix des livres.

Le hic c'est qu'il y a plusieurs livres qui me font envie et que mon porte monnaie n'est pas extensible. Et avec une PAL bien remplie, en ce moment je suis moins dans l'achat compulsif.

[Thomas Day]

C'est gentil, Farfadet, mais je crois qu'on ne peut pas (plus ?) raisonner comme ça.
Il y a les livres qui nous font envie et parmi eux ceux qu'on peut s'offrir. Si on a envie de soutenir un travail éditorial particulier, c'est une démarche remarquable, mais soutenir un travail éditorial en achetant des livres qui ne font pas envie, c'est quand même pousser très loin le militantisme.
Je ne cesse de le dire à mes collègues, dans le futur les lecteurs payeront uniquement parce qu'ils auront envie de payer plus qu'un simple texte (d'une certaine façon, l'offre gratuite illégale et légale sera telle que...). Notre métier revient à susciter cette envie par les textes choisis, la façon dont on les traduit (si c'est des textes étrangers) et les objets qui les habillent.
Appauvrir l'objet c'est appauvrir la collection, créer des objets ça coûte cher.
Comment réduire les coups, ne pas laisser les prix s'envoler et rester séduisant ?
C'est un casse-tête, et les grands groupes me semblent de moins en moins souples pour ce type de gymnastique.
Ils ont laissé s'installer Bragelonne, alors qu'ils pouvaient investir et davantage occuper le terrain.
Ils ont fait ce qu'ils ont fait sur le numérique (on n'y revient pas ici).

GD

[christian]

Ceci dit, puisqu'au départ on parlait d'Eclipse, cette collection n'était pas la plus chère.

Cela dépend des collections. Leur bitlit était trop cher par rapport à une partie de leurs concurrents, notamment Milady qui fait direct en poche pour ce genre. Pour le reste, je n'ai pas vraiment acheté des pavés chez eux donc je n'ai pas l'impression qu'ils soient peu couteux. Disons vaguement moyen. En tout cas, toujours moins chez que la collection Nouveaux millénaires chez J'ai Lu. ;-)

Globalement moins chers que leurs homologues (Brag ou Orbit) et, me semble-t-il, d'une meilleure qualité technique (avec rabats assez systématiquement et quelques hard cover, sauf erreur).

Sinon, si quelqu'un peut nous expliquer (en toute objectivité et sans polémique ou vomissement) comment fait Bragelonne pour non seulement s'en sortir mais aussi élargir chaque année son offre, j'avoue que ça m'intéresse.

[Erwann]

Un petit rectificatif d'Elbakin au sujet d'Eclipse :

Pour ce qui est de la question des locaux, nous pouvons en tout cas vous signifier que l’information est erronée. Nous avons même été invités à passer sur place récupérer des Service Presse des dernières sorties en date qui remontent donc à la fin de l’année 2011.
Quant à l’avenir des éditions Eclipse, l’éditeur devrait communiquer prochainement via une nouvelle annonce.

Source : Elbakin.

[Travis]

Pour revenir sur le poche et les inédits, Folio SF sort du poche inédit, TD en est d’ailleurs un des acteurs si je ne me trompe pas.

[Thomas Day]

Pour revenir sur le poche et les inédits, Folio SF sort du poche inédit, TD en est d’ailleurs un des acteurs si je ne me trompe pas.

Je continue à proposer des inédits à Pascal Godbillon, car en tant qu'auteur j'aime beaucoup l'idée de livres disponibles directement à bas prix.
Après, j'avoue ignorer totalement ce qu'il y a comme inédits prévus en Folio-SF dans les mois qui viennent en dehors de mon roman Du Sel sous les paupières.

TD

[drimchal]

Il y a les livres qui nous font envie et parmi eux ceux qu'on peut s'offrir. Si on a envie de soutenir un travail éditorial particulier, c'est une démarche remarquable, mais soutenir un travail éditorial en achetant des livres qui ne font pas envie, c'est quand même pousser très loin le militantisme.

Pour ma part, on peut apporter une nuance dans ce raisonnement.

Typiquement, il y a 15-20 ans de cela, quand j'étais au lycée puis étudiante (ayant la chance d'être restée chez mes parents pendant ce temps), je n'avais pas de loyer, pas de bouffe à payer, juste de l'essence les deux dernières années. Pas de shopping non plus (je hais les magasins) ni d'addiction onéreuse. Du coup, c'était une époque bénie où je claquais un fort pourcentage de mon argent de poche à la Fnac (j'en ressortais toujours les bras chargés d'une dizaine de bouquins).
Maintenant, j'ai un loyer, un salaire correct sans être mirobolant, un gamin, un prêt... Bref, mon budget lecture a dramatiquement été restreint, et je trie sur le volet ce que j'achète, en ne prenant que les livres que je pense à 80% aimer, et après avoir lu des critiques ici et là favorables.
Sauf que quand je tombe sur un "petit éditeur", je suis beaucoup plus "souple". Par exemple, suite à vos critiques de 2 bouquins d'Ad Astra dans Bifrost, je suis allée acheter les 2 livres critiqués sur leur site, et j'en ai acheté 2 "potentiellement intéressants", ce que je n'aurais pas forcément fait pour un "gros" éditeur. Sans pour autant acheter des livres qui ne m'intéressent clairement pas, je céderais plus facilement devant des livres qui peuvent m'intéresser.
Pareil pour des éditeurs que j'aime bien (parce que leurs livres précédents m'ont intéressé, parce qu'ils font de beaux livres)... Non seulement je surveille plus attentivement leurs nouveautés, mais je suis plus susceptible de les acheter, quitte à rogner un peu sur mes autres budgets.

Maintenant, je ne suis pas forcément représentative de la grande majorité...

[Herbefol]

Globalement moins chers que leurs homologues (Brag ou Orbit) et, me semble-t-il, d'une meilleure qualité techniques (avec rabats assez systématiquement et quelques hard cover, sauf erreur).

Sauf que l'on ne peut pas se contenter de regarder le nombre de pages d'un livre pour voir s'il est plus ou moins cher qu'un autre. Le format et la mise en page peuvent faire varier considérablement le nombre de caractères par page, et donc la longueur réelle du texte. Et il peut y avoir pas mal de différences entre les collections dite "grand format" à ce niveau.