L'article sur le Nouvel Obs, qui en remet une couche.
Et l'article (plus ancien) sur ActuLitté, à propos du même sujet, et auquel il est fait référence via le Nouvel Obs et une merveilleuse citation de Laurent Whale.
La SF, un truc de mecs ?
- Olivier Girard
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Re: La SF, un truc de mecs ?
Olivier Girard a écrit :L'article sur le Nouvel Obs, qui en remet une couche.
C'est l'argument final que je trouve gratiné. A tort ou à raison (on ne saura pas, l'article ne dit rien du contexte), un auteur suppose que son éditeur ne "connaît rien aux combats". C'est en effet un problème classique, qu'un Robert Heinlein, ancien officier et champion d'escrime, ne se privait pas de signifier aux éditeurs qui reprochaient à ses propres scènes de combat d'être trop concentrées à leur goût littéraire.
Mais l'éditeur est ici une éditrice. Ce n'est donc pas une critique de sa compétence, forcément incontestable, mais une preuve du « sexisme ordinaire » de la SF. Ben tiens.
- Thomas Day
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Re: La SF, un truc de mecs ?
Je ne peux pas dire que la lecture de ces deux articles me démoralisent, mais je trouve le sujet survolé, souvent on part d'anecdotes pour en tirer des conclusions à l'emporte-pièce.
Je remarque deux choses (à ma petite échelle).
1/ c'est qu'en tant qu'éditeur je ne reçois pas de manuscrits de SF écrits par des femmes, ou très très peu. Que les manuscrits féminins que je reçois relèvent plutôt de la fantasy.
J'ai reçu 7 manuscrits cette semaine, aucun écrit par une femme.
10 la semaine dernière, 1 écrit par une femme (une fantasy young adult).
2/ Qu'en tant qu'auteur, je signe beaucoup de livres à des femmes. Et c'est peut-être une illusion, mais aux Utopiales je crois avoir davantage dédicacé à des lectrices qu'à des lecteurs. Tient, je compterai la prochaine fois. En tout cas mon lectorat est assez féminin pour ce que je peux en juger.
Mon sentiment, c'est que ça se féminise au niveau du lectorat (moins au niveau des auteurs, mais en France, pas dans le monde anglo-saxon), mais comme le genre recule ça se voit moins. En SF en France, il y a beaucoup d'éditrices, de ce côté-là l'époque Klein/Sadoul/Dorémieux/Chambon/Demuth c'est bel et bien fini.
GD/TD
Je remarque deux choses (à ma petite échelle).
1/ c'est qu'en tant qu'éditeur je ne reçois pas de manuscrits de SF écrits par des femmes, ou très très peu. Que les manuscrits féminins que je reçois relèvent plutôt de la fantasy.
J'ai reçu 7 manuscrits cette semaine, aucun écrit par une femme.
10 la semaine dernière, 1 écrit par une femme (une fantasy young adult).
2/ Qu'en tant qu'auteur, je signe beaucoup de livres à des femmes. Et c'est peut-être une illusion, mais aux Utopiales je crois avoir davantage dédicacé à des lectrices qu'à des lecteurs. Tient, je compterai la prochaine fois. En tout cas mon lectorat est assez féminin pour ce que je peux en juger.
Mon sentiment, c'est que ça se féminise au niveau du lectorat (moins au niveau des auteurs, mais en France, pas dans le monde anglo-saxon), mais comme le genre recule ça se voit moins. En SF en France, il y a beaucoup d'éditrices, de ce côté-là l'époque Klein/Sadoul/Dorémieux/Chambon/Demuth c'est bel et bien fini.
GD/TD
- Olivier Girard
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Re: La SF, un truc de mecs ?
Je peux te dire en tout cas que Marie Pavlenko rapporte un événement qui traduit une réelle prise de position sexiste (ici, il n'en est évoqué qu'un petit morceau), l'histoire d'un auteur qui était gêné par le fait d'avoir une femme comme éditeur et qui, effectivement, lui a entre autre sorti cette énormité (l'éditeur étant Bénédicte Lombardo, mon épouse, qui, en effet, ne s'y connait pas des masses en "combat", mais pas moins que moi, ça c'est sûr, et sans doute pas moins que l'auteur en question...).Caliban a écrit :C'est l'argument final que je trouve gratiné. A tort ou à raison (on ne saura pas, l'article ne dit rien du contexte), un auteur suppose que son éditeur ne "connaît rien aux combats".
Après, effectivement, tout cela relève de l'anecdote, et ça ne fait en rien un argument, c'est sûr. Je rejoins d'ailleurs la remarque de Gilles en qualité d'éditeur. On reçoit très peu de manuscrits de SF (et je parle bien de SF) écrits par des femmes. Après, je crois que le milieu en général s'est malgré tout féminisé, notamment grâce à l'explosion de la fantasy (je me souviens de mes premières conventions dans le milieu, dans les années 96/97, ça faisait un peu peur côté parité, du genre 90/10 pour les mecs), mais pas que. A ce sujet, et je pense l'avoir déjà dit par ici, le lectorat de Bifrost s'est lui aussi considérablement féminisé ces dernières années (au niveau des abonnés, en tout cas, c'est flagrant). C'est pas 50/50, c'est l'évidence, mais on s'en rapproche. Et on ne peut pas dire que Bifrost publie énormément de fantasy. L'explication est donc ailleurs (au-delà du fait que nous sommes beaux, bien sûr).
Re: La SF, un truc de mecs ?
Ces deux articles ne sont pas vraiment convaincants, se contentant de citer quelques exemples qui étayent leur thèse. Ils ont sans doute raison de constater qu'il y a du sexisme dans la SF, comme dans le reste des activités créatrices (voir par exemple pour le cinéma http://jezebel.com/women-are-more-likel ... 1472083619 qui donne des résultats un peu plus statistiques, à partir de 500 films récents). Maintenant, est-ce que la SF est davantage sexiste que le reste de la société, ou bien est-ce un biais dû aux préjugés des auteurs de ces articles (qui pensent par exemple que la hard-science est "technologique" et que la fantasy s'intéresse davantage à la sociologie...) ?
Jean-François.
Re: La SF, un truc de mecs ?
Salut,
Une citation tronquée, et donc malhonnête. Laurent disait:
« Je suis un homme et je n'arrive pas à me mettre dans la peau d'une femme ». « Je n'ai pas de femme héros dans mes livres. En majorité, le héros est, dans l'imaginaire de tout le monde, un homme. Ma manière d'écrire naturelle est celle d'un personnage masculin, je suis mal à l'aise dans l'écriture d'héroïne. Et pourtant j'ai voulu tenter et j'ai essayé. Évidemment, ça ne veut pas dire que je n'aime pas les femmes en dehors de la littérature… ».
Sympa, la journaliste de l'Obs...
A+
Patrice
et une merveilleuse citation de Laurent Whale.
Une citation tronquée, et donc malhonnête. Laurent disait:
« Je suis un homme et je n'arrive pas à me mettre dans la peau d'une femme ». « Je n'ai pas de femme héros dans mes livres. En majorité, le héros est, dans l'imaginaire de tout le monde, un homme. Ma manière d'écrire naturelle est celle d'un personnage masculin, je suis mal à l'aise dans l'écriture d'héroïne. Et pourtant j'ai voulu tenter et j'ai essayé. Évidemment, ça ne veut pas dire que je n'aime pas les femmes en dehors de la littérature… ».
Sympa, la journaliste de l'Obs...
A+
Patrice
Re: La SF, un truc de mecs ?
Olivier Girard a écrit :Je peux te dire en tout cas que Marie Pavlenko rapporte un événement qui traduit
une réelle prise de position sexiste
Ca arrive, malheureusement. Mais je reste sous l'impression que le milieu SF l'est
moins que beaucoup d'autres.
cette énormité (l'éditeur (...) qui, en effet, ne s'y connait pas des masses en "combat",
mais pas moins que moi, ça c'est sûr, et sans doute pas moins que l'auteur en question...)
Uh... Où est l'énormité, en ce cas, selon toi ? Dans le fait qu'un homme reproche
à une femme de ne rien connaître aux combats ? Dans celui qu'un auteur qui n'y
connait rien lui-même le reproche à son éditeur ? Ou dans le fait qu'un auteur
et un éditeur qui n'y connaissent rien ni l'un, ni l'autre envisagent de publier des
scènes de combat sans se poser plus de questions ?
JFS a écrit :Ces deux articles ne sont pas vraiment convaincants, se contentant de citer
quelques exemples qui étayent leur thèse
.. ou pas, d'ailleurs. L'exemple du Starship Troopers de Verhooven est assez édifiant.
L'article ne retient que le fait que le film montre quelques jeunes femmes fantassins
au combat avec les hommes, pour en déduire son aspect égalitariste. Sauf que, au contraire,
les femmes sont explicitement majoritaires dans les postes plus prestigieux d'officiers
de la flotte, voire de haut commandement. Ce sexisme inversé était évidemment très
délibéré dans le roman de Heinlein — mais je trouve assez fascinant qu'il ne soit
même plus envisagé comme tel aujourd'hui, par les féministes du moins...
- Olivier Girard
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Re: La SF, un truc de mecs ?
L'énormité, pour moi, c'est qu'un auteur refuse la remarque de son éditeur sur un passage de son texte, quel qu'il soit, sous le prétexte que l'éditeur en question est une femme (qu'il s'agisse d'une scène de combat est secondaire).Caliban a écrit :cette énormité (l'éditeur (...) qui, en effet, ne s'y connait pas des masses en "combat",
mais pas moins que moi, ça c'est sûr, et sans doute pas moins que l'auteur en question...)
Uh... Où est l'énormité, en ce cas, selon toi ? Dans le fait qu'un homme reproche
à une femme de ne rien connaître aux combats ? Dans celui qu'un auteur qui n'y
connait rien lui-même le reproche à son éditeur ? Ou dans le fait qu'un auteur
et un éditeur qui n'y connaissent rien ni l'un, ni l'autre envisagent de publier des
scènes de combat sans se poser plus de questions ?
Re: La SF, un truc de mecs ?
Olivier Girard a écrit :Je rejoins d'ailleurs la remarque de Gilles en qualité d'éditeur. On reçoit très peu de manuscrits de SF (et je parle bien de SF) écrits par des femmes.
Je peux me tromper, je ne suis pas une professionnelle du milieu, mais j'ai l'impression que les femmes écrivant de la SF se tourneront peut-être plus facilement vers des collections blanches. J'ai réfléchi aux écrivains françaises ayant publié de la SF que j'ai pu lire ces dernières années et les noms qui me sont venus en tête ont été publiés hors collections SF. Il y a "Monde sans oiseau" de Karine Serres chez Stock ou encore "Le rire du grand blessé" de Cécile Coulon chez Viviane Hamy pour la dernière rentrée littéraire, "Ce fanal obscur" de Françoise Baqué chez Jacqueline Chambon ou encore "La ballade de Lila K" de Blandine Le Callet chez Stock il y a quelques mois ou quelques ans.
D'ailleurs, maintenant que j'y pense, il en va de même pour les auteurs de SF "étrangères", comme pour "Neige" d'Anna Kavan publié par Cambourakis ou encore "Complications" de Nina Allan publié par Tristram, "Des larmes sous la pluie" de Rosa Montero chez Métailié, "L'âge des miracles" de Karen Thompson Walker aux Presses de la Cité dans les livres que j'ai lus récemment. Si l'on remonte dans le temps, il y a aussi "L'ultime question" (qui vient d'ailleurs de paraître en poche chez Babel) ainsi que "Corpus Delicti" (pas encore lu) de Julie Zeh chez Actes Sud (ou encore "Cristallisation secrète" de Yoko Ogawa aussi chez Actes Sud). Et je suis sûre que j'en oublie dans le tas, sans compter tous les livres que je n'ai simplement pas lus.
Ce sont peut-être des exceptions mais ça fait beaucoup d'exceptions, non? Reste à savoir pourquoi les femmes auteurs de SF sont publiées ou demandent à être publiés dans ces collections blanches...
Re: La SF, un truc de mecs ?
Caliban a écrit :.. ou pas, d'ailleurs. L'exemple du Starship Troopers de Verhooven est assez édifiant.
L'article ne retient que le fait que le film montre quelques jeunes femmes fantassins
au combat avec les hommes, pour en déduire son aspect égalitariste. Sauf que, au contraire,
les femmes sont explicitement majoritaires dans les postes plus prestigieux d'officiers
de la flotte, voire de haut commandement. Ce sexisme inversé était évidemment très
délibéré dans le roman de Heinlein — mais je trouve assez fascinant qu'il ne soit
même plus envisagé comme tel aujourd'hui, par les féministes du moins...
Si l'on parle uniquement du film, je ne suis pas d'accord. On ne voit que quelques femmes dans les fantassins, les hommes sont plus présents à l'écran. Et le fait de voir deux pilotes femmes contre un seul homme ne laisse pas deviner que celles-ci sont majoritaires, il faut avoir lu le livre d'Heinlein pour le savoir.
Et si tu incluais le livre d'Heinlein, pour preuve que ce que tu dis sur les propos des féministes est faux, voici une remarque que j'ai publiée en parlant du livre il y a maintenant trois ans:
Cachou a écrit :Un dernier point avant de conclure. Ce livre m’avait été présenté aussi comme plutôt féministe. Je me permets d’émettre quelques doutes là-dessus. Le film de Verhoeven l’est, certainement. Mais si on reprend les mots d’Heinlein, on se rend compte que derrière la belle idée d’inclure les femmes dans l’armée (mais à un nombre de rôles restreints, elles ne semblent devenir que pilotes, pas une femme dans la « chair à canon » par exemple) ne se cache pas une préoccupation d’égalité entre les sexes :
« Les meilleurs pilotes de la Marine sont les femmes. Elles sont indispensables pour chaque opération de saut et de récupération. Mais je soupçonne que leur affectation plus fréquente aux transports de troupes se justifie par des impératifs psychologiques. Leur seule présence à bord est bénéfique au moral des troupes. » (p. 246)(c’est moi qui souligne)
Alors oui, les femmes semblent être plus douées pour être des pilotes. Mais cela n’est pas dû à une vision égalitaire, disant que les femmes, pour finir, sont aussi compétentes que les hommes. Non, c’est expliqué par une sorte de prétexte psychologique qui rendrait les femmes meilleures pilotes. Alors, oui, certes, c’est déjà ça. Mais ça n’est pas vraiment une prise de position que j’appellerai féministe, dans le sens officiel du mot, qui veut que le féminisme recherche une égalité entre l’homme et la femme (et non l’expression d’une différence amenant une supériorité de l’un sur l’autre de par la nature de son sexe)… Mais bon, c’est un détail comparé aux autres points abordés ici.
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