Nymphomaniac, Lars Von Trier (2013)

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Re: Nymphomaniac, Lars Von Trier (2013)

Messagepar Cachou » 30 janvier 2014 à 17:15

pascal a écrit :Pour ma part, je n'ai jamais dit cela. J'ai juste répondu à ton affirmation : "son père, avec lequel elle a eu une relation certes proche mais absolument pas incestueuse ".

Ouaip, j'ai mélangé les interventions (j'ai répondu du boulot)(pas bien). Mais je maintiens ma phrase: elle a une relation proche avec son père et si l'on veut faire intervenir Oedipe dedans, ça ne change rien à partir du moment où l'on considère que c'est une étape normale. Dans le sens que ça ne sert à rien de le souligner si ce n'est d'insister sur la normalité de ce qui se passe entre eux (ou plutôt: elle a eu de la chance d'avoir un parent aimant dans son enfance et son amour en retour pour lui n'a rien d'aberrant ou de différent de l'amour de n'importe quel enfant pour un de ses parents). C'est ça que je voulais dire par le fait qu'on n'est pas en présence ici d'une relation père-fille relevant du cliché ou de l'explication du pourquoi de la vie sexuelle qu'elle a vécue, ni du fait, pour revenir à la remarque de base qui m'avait fait réagir, que cette femme est "amoureuse" de son père.

Pascal a écrit :Ce sont les propres mots de Joe, avant le coup du solitaire, justement. "Garce" (dans les sous-titres) et "bitch" (en VO). Il doit même y avoir un adjectif qui précède, mais il m'échappe.

Complètement occulté ce détail, c'est amusant...
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Re: Nymphomaniac, Lars Von Trier (2013)

Messagepar Julien Wacquez » 30 janvier 2014 à 22:11

Je vois un lien évident entre la relation de Joe avec son père et son rapport aux hommes. Pour la simple et bonne raison que les deux choses sont montrées, juxtaposées dans le film. Pourquoi une nana qui raconte ses histoires de cul passent autant de temps à parler de son père ? Pourquoi le réalisateur met ses deux choses dans le film ? S'il voulait critiquer les explications psychologisantes de la "nymphomanie", comme tu dis Cachou, il suffisait tout simplement de ne pas évoquer le père. Non ?

Lars Von Trier joue avec les clichés pour "clasher" les féministes. C'est son côté provoc' dirons-nous. Parce qu'à mon avis (je n'ai pas vérifié), mais les féministes n'ont pas bien pris ce film.

Mais face à ton enthousiasme, Cachou, j'irai voir le second volet.
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Re: Nymphomaniac, Lars Von Trier (2013)

Messagepar Cachou » 31 janvier 2014 à 10:17

Jensen a écrit :Je vois un lien évident entre la relation de Joe avec son père et son rapport aux hommes. Pour la simple et bonne raison que les deux choses sont montrées, juxtaposées dans le film. Pourquoi une nana qui raconte ses histoires de cul passent autant de temps à parler de son père ? Pourquoi le réalisateur met ses deux choses dans le film ? S'il voulait critiquer les explications psychologisantes de la "nymphomanie", comme tu dis Cachou, il suffisait tout simplement de ne pas évoquer le père. Non ?

Selon moi, il parle du père pour tuer l'explication "abus dans la jeunesse". On aime à à tout pris expliquer la nymphomanie (l'hypersexualité comme on l'appelle maintenant) par une enfance comportant un traumatisme sexuel, il nous montre que ce n'était pas le cas de Joe (et montrera même plus tard que ce n'est pas le cas d'autres accros du sexe...) et que l'explication est à chercher ailleurs (qu'il n'y a pas d'explication en fait, ou que tout peut devenir une explication). De plus, l'arbre-âme aura aussi un rôle plus tard, petit mais très significatif. Et il fallait également voir la relation de Joe avec ses parents pour comprendre la relation qu'elle-même pourra avoir avec des enfants ou autres (parce qu'elle reproduira plus tard et le schéma de sa mère, et celui de son père). D'où la présence du père donc (et là non-présence de la mère)(mais là j'en dis trop).

Jensen a écrit :Lars Von Trier joue avec les clichés pour "clasher" les féministes. C'est son côté provoc' dirons-nous. Parce qu'à mon avis (je n'ai pas vérifié), mais les féministes n'ont pas bien pris ce film.

Je ne vois pas du tout ce qui t'amène à penser ça, sincèrement. Je suis moi-même féministe (j'en vois plusieurs sourire en coin, je suis notoirement connue pour ça)(et j'en suis fière), j'ai vu ce film avec trois autres filles tout autant féministes que moi et je peux te dire qu'on a toutes adoré. Comme je le disais plus haut, rares sont les exemples de films (voire d'histoires tout court) mettant en scène une femme vivant déjà une sexualité hors normes, mais en plus une sexualité qu'elle maîtrise, qu'elle vit amplement et pour laquelle on ne la "punira" à aucune moment car elle ne sera jamais violée ou dominée contre sa volonté. Peut-on me citer un film dans lequel une femme à la sexualité active et revendiquée ne se retrouve pas à être violée ou autre (il y en a très très peu). De plus, tu le verras dans la seconde partie (contente que tu ailles la voir, je pense que ça pourra peut-être permettre d'étendre la discussion à plein d'autres choses) que Lars Von Trier y fait un beau pied-de-nez à ceux qui le prétendent misogyne. Je connais sa réputation. Je suppose qu'elle doit avoir une raison. Mais les trois films que j'ai vus de lui ("Antéchrist", "Mélancholia" et "Nymphomaniac") ne sont absolument pas misogynes, au contraire, ils mettent tous en scène des personnages féminins forts qui finissent par prendre le devant de la scène quand les personnages masculins sont mis à l'arrière-plan voire, pour certains, tournés au ridicule (bon, ce n'est pas forcément une bonne chose non plus, à la limite ces films seraient presque misandres en fait, le réalisateur étant peut-être allé dans l'excès inverse).
Mais pense à moi par exemple quand tu verras la scène avec les noirs. Tout autre aurait fait finir celle-ci autrement. Là, la fin de cette scène-là est juste absolument parfaite. Et résume bien ce que je voulais dire sur la sexualité de Joe.


Jensen a écrit :Mais face à ton enthousiasme, Cachou, j'irai voir le second volet.

Contente de t'avoir convaincu (et de ne pas t'avoir dégoûté de la chose)^_^.
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Re: Nymphomaniac, Lars Von Trier (2013)

Messagepar Cachou » 06 février 2014 à 20:35

Deux vidéos très intéressantes sur le deuxième "Nymphomaniac". A ne voir QUE si vous avez vu les deux, on y fait énormément de spoilers (tout y est quasiment dit):
- Le Fossoyeur de films
- Durendal
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Re: Nymphomaniac, Lars Von Trier (2013)

Messagepar Julien Wacquez » 10 février 2014 à 11:26

Bon j'ai vu le volume 2. Très honnêtement, c'est la catastrophe. Le premier je n'arrivais pas à dire que c'était vraiment nul, ni que c'était génial, mais le second, c'est n'importe quoi du début à la fin ! Énorme déception. Si c'était le premier film de Lars Von Trier que je voyais, je n'aurais pas envie de voir tous les autres.

(spoiler)

ça commence par une scène où Joe, enfant, lévite, et a une vision : des images antiques représentants des femme nymphos...(je ne me rappelle plus leurs noms). Ok. Merci.

Ensuite, on va de cliché en cliché :
Joe rencontre des noirs dans la rue et fait appelle à un interprète pour leur parler en africain et leur proposer de coucher avec. euh...pardon...qu'est-ce qui se passe là ?
Donc 1. dans ce pays, quand tu vois des noirs dans la rue, ils ne parlent pas ta langue, mais un truc africain.
Et 2. pour faire comprendre à quelqu'un qui ne parle pas la même langue que tu veux coucher avec, tu utilises un interprète, genre il n'y a pas des moyens plus simples ?
La scène où les deux noirs s'engueulent au lieu de coucher avec la nana est juste surréaliste. Incompréhensible. Idiote.

Tout ça pour que charlotte gainsbourg nous explique qu'elle revendique de dire "negro" pour dire "noir" ; qu'elle appelle un chat un chat et que c'est pas les usages historiques ou la signification sociale du mot qui devrait l'en empêcher. Ok. Merci.

Le film parle en théorie d'une nympho. Mais dans ce volume 2, elle ne couche avec personne. Par contre elle devient sado puis lesbienne. Et autour de ça elle entame une carrière dans l'extorsion et vit dans l'illégalité. Donc en gros le discours est le suivant : une nymphomane est une femme qui connait absolument tous les travers. Le pire c'est qu'il y a une scène où elle compare sa "nymphomanie" à la pédophilie d'un homme qu'elle rencontre. Comme si c'était des choses comparables : une femme qui couche avec des hommes et un homme qui couche avec des enfants. Oui, bien sûr.

Autre scène choquante : Joe doit trouver une fille pour succéder à son activité d'extorsion. Elle choisit une ado de 15 ans dont les parents sont des camés qui l'ont abandonnés et la pauvre fille, du coup, échoue dans tout ce qu'elle fait, elle n'a pas d'ami(e)s, pas de famille, elle est nulle dans les activités qu'elle pratique (le basket), par contre elle possède un flingue et raquette les gens, bref "une cible idéale". Et tout ça est mis sur l'autel du "poids de l'héritage social".
Il n'y a pas besoin d'être sociologue pour comprendre que ce discours est scandaleux et psychologisant. Ok, un film peut montrer des personnages plein de préjugés, mais là, c'est présenté comme si les personnages disaient la vérité. D'ailleurs, pendant tout le film, ils portent un discours de vérité générale sur absolument tout les sujets et c'est assez lourdingue parce que TOUJOURS faux et remplis de préjugés.

Enfin, la scène référence à antichrist, avec le gamin qui manque de passer par la fenêtre, c'est bon. Déjà que c'était la scène la plus nulle d'antichrist...(alors que c'est quand même un bon film...)...Lars Von Trier fait dans l'autocitation. Bravo.

Je ne vois pas du tout où se situe l'émancipation féminine, ni la dénonciation du poids des contraintes sociales sur la sexualité des femmes. Je ne vois que des idioties, des bêtises, des préjugés pendant toute la durée du film. Je déconseille vivement.
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Re: Nymphomaniac, Lars Von Trier (2013)

Messagepar Cachou » 10 février 2014 à 12:54

Sincèrement, je ne sais que dire. Quand je lis ton résumé, Jensen, j'ai l'impression de revoir le film tordu dans un sens dans lequel il ne va pas pour lui faire dire des choses qu'il ne dit pas. C'est bien la preuve que l'interprétation se fait quand même en grande partie dans l’œil de celui qui regarde je suppose...

Mais juste deux remarques quand même:
- ce film n'a pas pour but de définir ce qu'est une nymphomane mais de parler d'une femme qui assume sa sexualité et qui est prête à aller au bout de ses "perversions", nympho étant l'étiquette qu'on lui a collée et qu'elle s'est collée elle-même parce que dans notre monde, quand une femme n'a pas une sexualité basée sur "j'attends 16-17 ans pour perdre ma virginité, je couche après le troisième rendez-vous puis trois-quatre allers-retours par semaine avec mon mec, nombre diminuant au fil des années de relation et se rapprochant de zéro après la naissance du premier enfant", elle est qualifiée de nymphomane (ou de salope, au choix).
- La scène des noirs donc (spoiler léger): cette scène est là pour démolir justement les attentes du spectateur (comme celle reprise d'Antechrist d'ailleurs): n'importe qui (et je dis bien n'importe qui) qui aurait mis en scène cette anecdote-là l'aurait fait terminer par un viol. Une femme qui va trop loin dans sa sexualité pour la société, deux hommes musclés se disputant pour la domination = "t'avais qu'à faire attention ma belle, tu l'as bien cherché". Là, non. Joe prend la situation en main et elle se barre sans avoir été forcée à quoi que ce soit par qui que ce soit (d'ailleurs, dans ce film, elle ne sera jamais forcée à quoi que ce soit sexuellement parlant, elle prendra toujours les choses en main)(est-ce que vous avez idée de la rareté de la chose???). De plus, le côté "traducteur" était juste là pour l'humour de la scène (et, oui, l'absurdité de la situation m'a fait rire) mais bon...
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Re: Nymphomaniac, Lars Von Trier (2013)

Messagepar Julien Wacquez » 10 février 2014 à 13:27

ce film n'a pas pour but de définir ce qu'est une nymphomane mais de parler d'une femme qui assume sa sexualité


Mais où tu vois qu'elle assume sa sexualité ? Elle la refuse. Tout est un échec dans sa vie. Le film montre que sa sexualité est impossible. Ok, elle ne se fait pas violée. Chouette. Mais c'est une mauvaise mère qui abandonne son enfant parce qu'elle aime se faire taper. Comme si les sado étaient forcément des gens mal. Et t'as pas trouvée scandaleuse la scène où elle se compare à un PEDOPHILE ???????????

Je crois que nous ne sommes décidément pas d'accord sur ce film. ahah.
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Messagepar Cachou » 10 février 2014 à 13:34

Tu as quand même vu le passage du groupe des accros au sexe et tout ce qu'y dit Joe, non?

Et pourquoi parler d'elle comme mauvaise mère? Oui, elle abandonne son fils, rester avec lui aurait été être une mauvaise mère, elle a choisi sa vie et non celle de son enfant (sincèrement, ce choix ne me choque pas), tout comme son mari a choisi exactement la même chose, mais lui n'a même pas l'"excuse" de l'addiction, il a juste décidé qu'il ne voulait pas élever son gosse.

Et non, je n'ai pas trouvé ça scandaleux qu'elle se compare à une personne qui a des fantasmes sexuels qui ne sont pas acceptés par la société parce que c'est son cas à elle aussi, si ce n'est que ses pulsions sexuelles n'impliquent pas des personnes non consentantes.
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Re: Nymphomaniac, Lars Von Trier (2013)

Messagepar Julien Wacquez » 10 février 2014 à 20:51

Et non, je n'ai pas trouvé ça scandaleux qu'elle se compare à une personne qui a des fantasmes sexuels qui ne sont pas acceptés par la société parce que c'est son cas à elle aussi, si ce n'est que ses pulsions sexuelles n'impliquent pas des personnes non consentantes.


le problème du film c'est que son objet n'existe pas. La nymphomanie. Ça n'a rien d'une tare ou d'une déviance, nous sommes tous d'accord. D'ailleurs, Joe n'est pas nympho en fait. Et cependant, Joe a tout d'une déviante, d'une raciste (elle parle de "négro" et le revendique), d'une criminelle même (puisqu'elle extorque et elle tue). Et un lien évident est montré entre sa (ou ses) "déviance(s)" sexuelle(s) et son comportement criminel.

Maintenant, dire qu'il y a un lien entre le fait d'être "sex addict" et "pédophile", je suis désolé, mais là, je ne peux pas te suivre. On ne peut pas mettre sur le même plan une personne qui a de nombreux partenaires sexuels en dépit des "bonnes moeurs" et une personne qui viole des enfants. Ce n'est pas la même chose. Ce type de rapprochement hâtifs et très dangereux m'évoque ces manifestants contre le mariage homosexuel qui prétendaient que : "autoriser le mariage aux homosexuels et après ce sera quoi ? le mariage pour les pédophiles ?"

D'autant plus que dans le film, Joe porte un discours essentialiste et naturalisant proprement inadmissible : "cet homme est né en ayant des désirs envers les enfants, tout comme je suis né avec un énorme appétit sexuel".

Là, Cachou, toi qui te dit féministe, je t'invite à relire (ou à lire?) les gender studies : non, nous ne naissons pas avec des désirs pervers ou non pervers. Non, nous ne naissons pas hétéro ou homo. Non, nous ne naissons pas femme ou homme. Mais nous le devenons. Ce qui implique que les choses ne sont pas stables ; il est possible de passer d'un "genre" à un autre, d'une sexualité à une autre, au cours de la vie ou d'une même situation.
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Re: Nymphomaniac, Lars Von Trier (2013)

Messagepar Cachou » 10 février 2014 à 21:45

Jensen a écrit :Maintenant, dire qu'il y a un lien entre le fait d'être "sex addict" et "pédophile", je suis désolé, mais là je ne peux pas te suivre. D'autant plus que dans le film, Joe porte un discours essentialiste "cet homme est né en ayant des désirs envers les enfants, tout comme je suis né avec un énorme appétit sexuel". Là, Cachou, toi qui te dit féministe, je t'invite à relire (ou à lire?) les gender studies : non, nous ne naissons pas avec des désirs pervers ou non pervers. Non, nous ne naissons pas hétéro ou homo. Non, nous ne naissons pas femme, mais on le devient.


La thèse du film est que certains naissent avec ce que nous considérons comme étant des perversités et que, justement, celles-ci ne sont pas d'office "acquises" par une histoire, un contexte culturel, etc. Joe est telle qu'elle est dès sa jeunesse, elle ne fait qu'explorer une sexualité qui était déjà la sienne avant. Il en va autrement du comportement criminel, qui n'a rien à voir avec son comportement sexuel, il s'avère juste qu'une femme avide sexuellement parlant est aussi devenue un membre d'un genre de mafia.

Je ne dis pas que la vision de ce film est la mienne (même si je partage de nombreuses observations). Par contre, que je sache, sur la question de l'hétérosexualité ou de l'homosexualité, la thèse qui est la plus reconnue pour l'instant est celle disant que l'homosexualité n'est pas un choix ni une construction culturelle mais bien une sorte de "nature intrinsèque" qui n'est pas pour autant inscrite dans les gênes mais qui est là, en nous. On ne devient pas hétéro ou homo (ou bi, ne pas oublier qu'un petit 80% de la population est censé être bi selon le rapport de Kinsey), on l'est. De même, il ne faut pas faire dire à Simone de Beauvoir ce qu'elle n'a pas dit. "On ne naît pas femme, on le devient", ça ne veut pas dire qu'on naît totalement assexué et sans personnalité comme un tableau vierge, ça veut dire qu'on ne naît pas forcément avec les goûts et les spécificités que la société s'amuse à accoler à notre sexe. Une femme peut "naître" (être naturellement) exubérante, violente, "rôteuse" et maternelle (par exemple), son éducation, de par sa nature de fille, l'intimera à faire disparaître les trois premières caractéristiques en exacerbant la dernière. On lui apprendra à devenir ce qu'on estime qu'une femme doit être en lui intimant d'oublier sa véritable nature (il en va de même pour les hommes, je tiens à le préciser). Or, ce qui est mis en avant de nos jours, c'est le fait que ces caractéristiques qui apparaissent tôt chez les enfants non pas parce qu'on les a éduqués ainsi mais parce qu'ils sont ainsi sont étouffées au nom d'une image à laquelle il faudrait correspondre. Et ce qui est réclamé, c'est la possibilité de pouvoir vivre comme on est sans qu'on nous impose notre manière d'être de par notre sexe (et je parle là de caractéristiques qui ne sont nuisibles à personne, je ne dis pas qu'il faut laisser un enfant violent être comme il est, parce que je sens venir l'objection). Si je veux me couper les cheveux court et jurer à tout bout de champ, la société n'a pas à me dire que, quand même, les cheveux courts, ce n'est pas flatteur sur une femme (si si, c'est une problématique réelle avec tout un développement sur internet qui a sacrément fait parler d'elle, surtout sur Tumblr) et que de dire des gros mots, ce n'est quand même pas joli dans la bouche d'une gentille fille. C'est cela que le féminisme (aka l'égalitarisme) met en avant, c'est cela que les études de genre étudient: la manière dont on peut réduire une personne aux caractéristiques accolées à son sexe, ce qui vient de la culture et ce qui vient de la nature et comment certains (beaucoup) ce sentent à l'étroit dans ces cases dans lesquels on les enferme.

De plus, je ne comprends pas la remarque me demandant de relire les "gender studies". Si tu m'avais dit d'aller relire mon Freud, là, j'aurais compris vu que le réalisateur ne va pas dans le sens des théories de celui-ci. Les études de genre, par contre, sont la dénomination d'une discipline, d'un vaste champ de recherches dans lequel il n'existe pas une seule théorie prédominante. Tout comme il n'y a pas une seule philosophie, une seule sociologie ou une seule psychologie. Lars von Trier nous explique ici sa théorie (ou une théorie, rien ne dit que c'est sa vision des choses, c'est juste celle que son film propose) sur la sexualité. On peut ne pas être d'accord avec. Mais le film ne fait pas que dire cela, il est beaucoup plus riche que son propos sur le sexe, c'est avant tout de la vie d'une femme dont il est question ici, dont la sexualité est une grande partie mais est loin d'être la seule.

Pour finir, ce que dit le film, ce n'est pas qu'il y a un lien entre "nymphomanie" et pédophilie, c'est qu'il y a une compréhension de la part d'une personne à la sexualité différente envers ce que doivent vivre les pédophiles. Joe, qui vit avec une sexualité différente donc, sait l'emprise que cette sexualité peut avoir sur une personne et la manière dont elle peut être vécue. Là, elle nous parle d'un pédophile qui, lui, n'a pas eu la "chance" d'être attiré par des sujets d'amour admissibles et a dû lutter toute sa vie pour refouler ses pulsions. Le film nous explique bien que les personnes ne se réveillent pas un jour en se disant "tiens, il fait beau aujourd'hui, je deviendrais bien pédophile". Non, Joe nous explique que tout comme elle n'a pas choisi la sexualité qu'elle a par contre décidé de cultiver et pour finir d'assumer (ce n'est pas la même chose), un pédophile est une personne qui doit vivre tous les jours avec un désir qu'il doit combattre. Certains choisissent d'y succomber et là, c'est hautement condamnable et répréhensible (contrairement à la "nymphomanie"). Mais beaucoup apprennent à vivre avec des pulsions qui ne sont pas forcément explicables par la théorie du "on a abusé de lui quand il était enfant" (tout comme la nymphomanie de Joe ne s'explique pas de cette manière non plus, alors qu'on aime à donner cette même explication à ces deux choses si différentes). Le rapprochement qui est donc fait n'est pas celui de dire "une nymphomane, c'est comme un pédophile". C'est de dire "une pulsion sexuelle est quelque chose de difficile à contrôler et moi, Joe, qui donne cette explication, je sais de quoi je parle parce que j'ai accepté de céder à ces pulsions pendant la majorité de ma vie, j'admire donc ceux qui arrivent à les faire taire parce qu'ils savent qu'y céder serait commettre un horrible et impardonnable crime".

Bref, tout ça pour dire que le féminisme de ce film ne réside pas dans sa lecture des pulsions sexuelles mais dans la liberté de vivre comme elle l'entend offerte à une femme qui a ces pulsions.



PS: Comme vous l'aurez compris, on touche ici à un sujet qui me passionne. Ce n'est pas pour rien que j'ai consacré mon travail de fin d'études à la chose ^_^.

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