Messagepar Isa » 06 janvier 2010 à 17:49
Bon, ça m'a pris un peu de temps de lire tout ce qui avait été posté ici (désolée, je n'ai suivi qu'une partie des liens par contre) et du coup, il y a quelques points qui m'ont interpelée.
D'abord, au sujet de nos chers politiques. Je ne suis pas sûre du tout qu'ils se désintéressent de la question. Les liens entre le monde littéraire et politique sont quand même assez étroits. La moitié des politiciens écrivent des bouquins pour améliorer leur chétive retraite (une larme pour eux, s'il vous plaît), plusieurs ministres ont été écrivains (comme Mitterrand, mais pas que) et les littéraires sont souvent des soutiens politiques de tel ou tel (comme BHL et Ségo). Je pense donc qu'ils essaieront de protéger les droits des auteurs comme ils ont essayé de le faire pour les Majors du disque et du DVD, ni plus ni moins.
Pour ce que cela engendrera comme efficacité, c'est autre chose :/
Pour ce qui est du calcul des droits, je ne m'empresserais pas de tomber à bras raccourcis sur les éditeurs, peut-être parce que je suis toujours partie du principe qu'écrire avait fort peu de chance de me faire vivre un jour. Et ça, ce n'est pas la faute des éditeurs, des distributeurs ou des intermédiaires. C'est à la rigueur la faute au consommateur qui préfère se payer un écran plat qu'un bouquin. Il y a moins de gens qui lisent que de gens qui écoutent de la musique ou regardent la télé donc moins d'argent à faire. De plus, le boulot d'éditeur est très chronophage. Auditionner un groupe me paraît plus vite fait que lire un manu. Et surtout écrire ne coûte pas un gros investissement personnel et il y a bien plus de gens qui pondent un manu que de gens qui mixent une chanson. Dans notre monde où tout le monde croit qu'on n'existe uniquement si on est célèbre, les pauvres pommes qui ne savent ni chanter, ni jouer d'un instrument et n'ont pas le physique de Brad Pitt s'essaient à l'écriture et ça fait des piles monstrueuses de manu sur les bureaux des éditeurs. Editeur est donc aussi un boulot à temps plein (certains auteurs ont tendance à l'oublier) et on doit pouvoir en vivre. Peut-être que c'est un peu utopique de penser qu'avec un public de plus en plus restreint, on pourra avoir de quoi payer grassement tout le monde.
Et en tant qu'auteur, j'assume de dire que je préfère que les éditeurs survivent à cette "possible" crise, quitte à ne jamais vivre de mon travail. J'ai vu peu d'auteurs abandonner parce qu'ils ne gagnaient pas assez. Mais j'en ai vu beaucoup abandonner parce qu'ils ne trouvaient pas d'éditeur. Et je ne parle pas de daubes infâmes écrites par les recalés de la Star Ac. Je parle de romans que j'ai pris plaisir à lire et qui n'ont pas été sélectionnés parce que pas assez "banquables". Pour moi, demander des droits trop importants à des éditeurs qui peinent déjà à surnager, c'est juste les couler et réduire le marché à quelques gros qui ne sélectionnent que du très commercial.
Je préfère toucher peu, laisser un peu plus de champ à un éditeur pour surmonter cette révolution du numérique et trouver d'autres talents.
Maintenant, si je parle de "possible" crise c'est parce que le numérique n'est pas forcément une malédiction pour le livre. Les gens n'ont jamais autant lu qu'aujourd'hui. Des billets plus ou moins intéressants sur la toile, des sms, des blogs, des forums, facebook, etc... Que des trucs super intellos, j'en conviens. Mais si c'était une chance de ramener ces gens vers la vraie lecture. La diffusion (parfois pirate) d'oeuvres plus intéressantes pourrait amener les gens à retrouver le goût de lire. Pour ça, la priorité, c'est de faire des coûts peu élevés pour les e-book (sinon, ce sera le piratage) et surtout de faire de la promo. C'est moche à dire mais de nos jours il faut du marketing pour vendre (ou se mettre tout nu, ça marche pas mal aussi).
Je vais peut-être heurter les tenants d'une littérature hautement intellectuelle qu'on ne met pas à la portée de n'importe qui, mais personnellement, je pense qu'on peut amener les gens à la culture. On peut leur donner le plaisir de lire par des histoires "simples" sans phrases trop complexes et grande portée philosopique (je ne citerai aucune maison d'édition, à vous de voir là le clan qu'il vous sierra) et les faire progresser vers des choses plus subtiles.
Pour ce qui est du problème précis des droits, est-ce qu'il ne serait pas envisageable de faire des droits progressifs ?
Si le livre se vend mal parce qu'il est piraté, parce que les gens restent attachés au papier, etc... l'éditeur aura du mal à rentabiliser sa campagne marketing, son temps de sélection de correction, ses déplacements d'auteur, etc... Avec un truc comme 5% il ne perdra pas grand-chose. Tant pis pour l'auteur, mais il aura eu sa chance.
Si le livre se vend quand même très bien (le public s'est élargi grâce au piratage qui a fait connaître le livre, les jeunes se sont remis à lire, etc...), l'éditeur aura largement rentabilisé ses frais et pourra se fendre d'un gracieux 30 ou 40% d'un auteur qui, à ce moment-là, aura passé le cap et pourra vivre de sa plume.
Est-ce ce que c'est totalement inenvisageable comme système ?
Merci à ceux qui auront pris la peine de me lire jusqu'au bout :)