Le Passager clandestin est dans la mouise

[Cachou]

Petite précision sur le marché italien: le format poche tel qu'on le connaît ici n'existe pas vraiment. Il existe des livres "taille" poche mais sortent souvent des inédits ou des rééditions de classiques. Par exemple, Adelphi dont je parlais a une collection GF et une collection poche, si ce n'est qu'elle ne republie pas ses GF en poche comme le ferait Actes Sud avec Babel, elle publie des inédits en GF et d'autres en poche. Ainsi, on pourra avoir une nouveauté à 10€ et une autre à 20€ du même auteur.
Mais par contre, ces éditeurs ont des collections moins chères, comme la Newton Compton qui propose des classiques (parfois plus récents) à 99 centimes ou d'autres à 3€90, ou encore celle I Mammut qui propose des trucs à la Bouquins et Omnibus comme cette intégrale des nouvelles et des essais de Lovecraft (à 14€90...- avec près de 2000 pages, je suppose que c'est plutôt complet). Donc ils ne revendent pas leurs livres à des éditeurs poches, sauf quelques cas (je dis ça pour me couvrir, je n'en connais pas).

Par contre, il y a des éditeurs qui republient les livres, souvent sous des couvertures criardes, qu'on trouve principalement dans les super-marchés et qui sont moins chers. Un peu comme du France Loisir mais sans la carte (quoique, je ne sais pas si ça existe encore, les livres - horribles - que j'ai de ce type datent d'il y a 15-20 ans...).

[John Shooter]

(elle accuse beaucoup le piratage qu'elle définit comme le sport national espagnol avant le football, j'ai dû mal à la rejoindre sur cette analyse).

Si, si! C'est même le motif invoqué par plusieurs groupes de metal pour ne pas créer de T-shirts spécifiques aux tournées espagnoles..!
En tout cas, en ce qui concerne les DVD et les disques (CD ou même vinyles) c'est une réalité! Cela dit, on peut ainsi acheter sur Ibaie de magnifiques copies exotiques (Japonaises ou Taïwanaises, avec leur obi!!) de CDs auprès de vendeurs espagnols!

[Thomas Day]

Pour le reste, j'y reviendrais un peu plus tard (pas le temps à l'instant), mais y a des trucs faux, comme l'inflation.

En relisant ma phrase, je vois que je ne suis pas assez précis. Je pensais à l'inflation depuis l'instauration du prix unique du livre, et pas depuis le passage à l'euro. J'avais vu un graphique il y a quelques années ; il ne portait que sur la production du groupe Gallimard, mais il était éloquent.
En ce qui concerne Lunes d'encre, les livres (à pagination équivalente) n'ont presque pas augmenté depuis 99.

La magnificences des oiseaux, 352 pages, 21,65 (mars 2000)
Morwenna, 352 pages, 21,50 (avril 2014)

(J'ai sciemment choisi un truc comparable, avec tirages équivalents).

Tu trouveras sans doute des contre-exemples, je suis sûr qu'il y en a, mais pareil j'ai des stats sur les prix moyens pratiqués dans ma collection, et depuis l'arrivée de Béatrice Duval fin 2011, ils ont baissé (ce qui n'a en rien freiné l'érosion des ventes).

Et si t'as des données précises sur l'évolution du prix des livres et l'inflation, je prends (ça me permettra d'être plus précis la prochaine fois).

GD

[Herbefol]

Alors pour l'inflation, voila ce que j'ai trouvé (principalement sur le site de l'Insee).
Inflation de 1990 à 2014 : 49,5 %
Secteur du livre (hors presse et papeterie) sur la même période : 51 %
Premier constat : sur les 25 dernières années, le livre a augmenté d'à peu près autant que l'inflation dans son ensemble.

J'ai ensuite faite une petite décomposition en trois période :
Inflation :
1990 à 2000 : 18,5 %
2000 à 2010 : 18,5 %
2010 à 2014 : 6,4 %
Livre :
1990 à 2000 : 27 %
2000 à 2010 : 11,4 %
2010 à 2014 : 6,7%
Là, on peut voir que pendant la décennie 2000-2010, le livre avait réussit à freiner un peu ses tarifs, mais que depuis 2010 c'est reparti comme le reste de l'inflation.

Je pensais être bloqué à ce stade, sans possibilité de distinguer les différents types de livres. Et puis finalement, avec un peu de chance, j'ai trouvé quelques trucs supplémentaires sur le site de l'insee, qui proposent trois sous-catégories :
- Livres scolaires et parascolaires, dictionnaires, encyclopédies
- Ouvrages de littérature générale
- Livres pour la jeunesse, livres pratiques et autres

Là, les chiffres s'arrêtent à 2013. Cela donne ceci.
Inflation de 1990 à 2013 (1990-2000/2000-2010/2013):
- Livres scolaires et parascolaires, dictionnaires, encyclopédies
22,3% (14,2% / 3,2% / 3,8 %)
- Ouvrages de littérature générale
56,4 % (27,5% / 16% / 5,7%)
- Livres pour la jeunesse, livres pratiques et autres
73,6 % (36,6% / 18,6% / 7,1 %)

Malgré quelques recherches, je ne sais pas dans laquelle des deux dernières catégories est rangée la BD, dont tout amateur pourra dire avec certitude que les prix ont fortement augmenté ces quinze dernières années.

De tout ça il ressort donc que les livres, et en particulier la littérature "générale", voient leurs prix monter aussi rapidement que l'inflation, voire légèrement plus. On peut trouver des exemples particuliers qui vont à contrecourant, mais la tendance générale est là. :-)

[Thomas Day]

Je ne mets pas en doute tes chiffres, mais je suis pour le moins surpris.
Donc, j'avais tort en général et raison dans le cas de Lunes d'encre, ce qui n'a pas grande importance en l’occurrence.

(Puisque ça ne change pas le constat "d'impasse".)

GD

[PhilB]

Il y a une distinction qui n'apparait pas dans les chiffres de Herbefol, c'est celle entre poche et grand format. Or il me semble que le prix du poche a proportionnellement beaucoup plus augmenté que celui du GF. Non ?

[John Shooter]

Ce n'est pas très scientifique, mais pendant très longtemps, l'accroche de J'ai Lu (je crois) était: "un livre au prix d'un magazine".
Ça m'a l'air de toujours coller.

[Pierre-Paul Durastanti]

De tout ça il ressort donc que les livres, et en particulier la littérature "générale", voient leurs prix monter aussi rapidement que l'inflation, voire légèrement plus. On peut trouver des exemples particuliers qui vont à contrecourant, mais la tendance générale est là. :-)

Merci, très intéressant. Par contre, je suis peut-être idiot, mais je ne vois pas vraiment le problème, du coup...

(D'autant que dans le même temps, et toujours selon le site de l'INSEE, le SMIC horaire est passé de 31,94 FF/4,87 € à 9,53 €, soit une augmentation de 95% et des poussières. Ce qui voudrait dire qu'il faut moins d'heures de travail, et nettement, pour acheter un même livre au même prix.)

(Après, je suis bien d'accord que la situation économique générale est bien plus cafouilleuse, avec beaucoup plus de temps partiel, d'emplois précaires et de chômage pur et simple aujourd'hui qu'en 1990, hein.)

[Herbefol]

Faire la comparaison avec le smic est intéressant, mais il ne faut pas oublier quelques trucs :
1) Tout le monde n'est pas payé au smic, le salaire médian progresse lui de 53,8 % de 1990 à 2010 (et le revenu disponible médian des ménages de seulement 11,4%). Il faut donc moins d'heure pour un smicard, mais le reste de la population (du moins le reste de la moitié la plus pauvre) a vu ses revenus progresser moins rapidement.
2) Le reste des dépenses des ménages a évolué de façon très variée (logement, transport, communications...) ce qui fait qu'il n'est pas évident de quantifier la part de revenu que les gens peuvent consacrer aux loisirs.

Le problème du livre est aussi d'être en concurrence avec d'autres offres, comme les jeux vidéos, dont le prix n'a d'ailleurs pas tellement changé (il y a près de vingt ans je déboursais quasiment 350 F pour acheter un jeu récent sur PC, aujourd'hui on reste assez facilement sur le même ordre de grandeur).

La remarque de PhilB est intéressante, et j'avoue que moi aussi j'aurais aimé trouver des chiffres sur les différences entre grand format et poche.

[PascalG]

La remarque de PhilB est intéressante, et j'avoue que moi aussi j'aurais aimé trouver des chiffres sur les différences entre grand format et poche.

D'autant plus que, pour les genres qui nous intéressent, en 1990, les inédits se trouvent encore beaucoup en poche. L'arrivée de l'Atalante, Mnémos (qui a commencé en publiant du poche) puis Bragelonne, l'arrêt du Fleuve Noir anticipation pour faire aussi du grand format, etc. a considérablement changé la donne (et fait augmenter les prix de vente).

Sur les autres genres, en 1990, il n'était pas rare qu'un poche multiplie les ventes d'un grand format par 4 ou 5. Aujourd'hui... en moyenne, je dirais que le coefficient multiplicateur est de... 2 ? Donc, là aussi, facteur d'augmentation du prix de vente moyen.

Bon, c'est un peu rapide, comme analyse, mais ça joue, je pense.