Lutin a écrit :Et si les éditeurs SF essayaient également d'élargir leur cible ? et aussi quelques perspectives ( c'est lassant de ne trouver des éloges et des nouveautés que pour des titres sur les méchants humains et leur "traitement" de la Terre ( ou autre), sur les méfaits et les dérives de la technologie, ect...)
Pour moi, cette remarque se heurte à un mur. Je ne peux publier en nouveautés que ce qui m'est proposé. On ne me propose que de la fantasy (facilement plus de la moitié de ce qu'on me soumet), de l'horreur (pas mal de titres, l'air de rien) et donc dans les 30% de SF restant, il y a très peu de choses qui ne soient pas anxiogènes, c'est une litanie de post-cataclysmique et de dystopies.
J'aimerais publier plus d'auteurs comme Ian McDonald qui refuse par principe le jeu du catastrophisme, qui aime le progrès et la science ou Robert Charles Wilson qui invente des futurs (celui des
Affinités par exemple) tout à fait viables/vivables ; on ne m'en propose pas et quand je vais les chercher... Exemple : Vandana Singh, j'entre dans des problématiques décalées voire complètement étrangères aux groupes. Vandana Singh n'a pas d'agent ; a priori aucun lecteur ne verra la difficulté du truc, sauf que dans le cas d'une traduction c'est rarement l'éditeur-cible qui rédige le contrat d'édition en anglais. J'ai acheté son premier recueil à un éditeur féministe indien Zubaan (donc à New Dehli) et pour le second que j'aimerais faire (Vandana et moi bossons sur un sommaire possible), ben il va sans doute falloir que je "ponde" un contrat en anglais (et quand je dis "je" c'est évidemment un abus de langage ; ils vont m'adorer pour ça, chez Denoël, je le sens bien).
La SF a quitté le champ de l'Âge d'or, si ce n'est de façon complète, au moins par tranche majoritaire. Littérature reflet de notre présent, c'est une littérature inquiète, anxiogène, qui me semble un peu à court de solution confrontée à la bêtise crasse de l'Humanité. Alors inlassablement je cherche autre chose que du post-cataclysmique (qu'en plus, j'aime bien) et pour tout dire je cherche du
space opera pour garder cette esthétique SF avec des couvertures de Manchu, des ETs, etc qui me renvoie à mes douze ans... Mais un bon space op' (quand il y en a) on est minimum trois sur le coup. Et je ne veux pas publier de SF militariste, ce qui réduit le champ de façon drastique.
C'est la faute aux auteurs (je me mets dans le lot, bien évidemment), la plupart ont perdu l'enchantement de leurs lectures adolescentes (Vance, Asimov, Clarke), on manque de ce goût pour des futurs bariolés / chatoyants. La génération d'auteurs qui arrive aujourd'hui n'est pas née avec les premier Star Wars, mais avec la tyrannie des effets spéciaux qui ont balayé la poésie et l'émotion. 99% de la SF cinématographique actuelle est antipoétique, creuse et tape-à-l'oeil. Je montre des trucs comme
Planète interdite à mes gamins, je les oblige à voir de vieux films en N&B comme
King Kong ou
Le Jour ou la terre s'arrêta.
En littérature, il faudrait imposer une fenêtre de SF (via une anthologie peut-être, je l'ignore) de l'anti-catastrophe, du Deus ex machina dont le meilleur exemple français me semble être le concept genefortien des portes des Vangk/
Omale. Littéralement des machines "divines".
Toute science suffisamment avancée est indiscernable de la magie. Je trouve que cette "magie" clarkienne nous manque. Et d'un autre côté, je reconnais sans mal que j'adore l'esthétique ballardienne de la catastrophe.
TD