Je réponds à Térard sur ses questions et remarques concernant le Bélial'...
Le véritable problème du Bélial', très franchement, c'est le temps (qui nous ramène à une question d'argent, on est d'accord, mais pas que). Pour dire les choses autrement, il ne se passe pas une journée (ou presque), sans qu'on me suggère de publier tel truc, de rééditer tel autre truc. Et quand je dis, ouais, super : tu prends le projet en charge ? Généralement, il n'y a plus personne, ou alors ça prend littéralement des années (étant entendu qu'à titre perso, le Bélial' se développant, et Bifrost étant un véritable aspirateur à temps et à énergie, j'ai de moins en moins de disponibilité pour prendre en charge directement tel ou tel projet). Ceci étant posé, et étant entendu que le Bélial' se trouve face à une micro crise de croissance qu'il va nous falloir régler, chaque projet à ses contraintes propres. Concernant C.A. Smith, le truc, c'est qu'à mon sens, il faut retraduire. Et je ne trouve personne pour faire ça. Quand je dis personne, c'est évidemment personne de qualité à nos tarifs (10 € le feuillet). Bref, je cherche l'oiseau rare, mais je ne le trouve pas. Pour la suite de La Paille, c'est un peu le même problème (on a peut-être un traducteur, mais j'ai des doutes et les choses n'avancent pas). Bref, si on pouvait payer 20 € le feuillet, il est évident que ça serait plus simple et que certains projets aboutiraient plus rapidement.
Donc, pour en revenir à la question de Tétard, tout est lié. Je manque de temps pour véritablement chercher la perle rare côté traduction et boulonner juridiquement certains projets. Au Bélial', chaque projet a de plus en plus besoin d'un "champion" (comme Jean-Daniel est le champion de Poul Anderson ou Lucius Shepard, si vous voulez). On manque de temps, et on a pas (encore ?) assez de liberté financière pour se payer le temps en question.
Toujours sur les questions de Tétard, tout est lié. On ne manque pas de traducteur compétent mais on manque d'argent pour les attirer (en gros), ce qui nous renvoie donc à la crainte de manque de rentabilité des projets en question, mais aussi à des problèmes de calendriers éditoriaux puisque, faute de temps, il nous est difficile de rajouter des titres (même si on le fait quand même avec, par exemple, la création de la collection "Une heure-lumière). Enfin, il peut aussi y avoir, au cas par cas, des problèmes d'obtention de droits (d'ailleurs à ce titre, les choses ne s'arrangent pas... comme le souligne Gilles en évoquant les "enchères" auprès des agents).
Tétard a écrit :Et plus généralement, en ce qui concerne les petits et moyens éditeurs de l'imaginaire (et non seulement le Bélial) :
1) Les publications sont-elles toujours effectuées sur fonds propres, ou bien les éditeurs peuvent-ils, pour tel ou tel ouvrage, faire un emprunt bancaire afin de financer la publication, en espérant que les recettes couvrent l'emprunt initial ?
2) Et, quel que soit le mode de financement, les éditeurs ont-ils la possibilité de souscrire des polices d'assurance sur tel ou tel ouvrage (ou bien sur l'ensemble des publications d'une année) afin de couvrir les pertes éventuelles (retours et pilon) ? Je suppose que non, vu l'état de l'édition en France : alors, est-ce parce que les assureurs sont trop frileux vis-à-vis de tels risques difficiles à évaluer, ou bien parce que les primes demandées par les assureurs sont exorbitantes et ne valent la peine d'être payées que pour des publications massivement diffusées et relayées (Houellebecq, Harry Potter, Da Vinci Code, 50 nuances, etc.) ?
1 : pour le Bélial', la répons est oui : les publications sont toujours effectuées sur fonds propres (le Bélial' ne finance que les livres qu'ils peut financer en direct, sauf rares exceptions très spécifiques qui pourraient donner lieu à un financement participatif).
2 : non, à ma connaissance (mais je maîtrise mal le sujet).
Tétard a écrit :Nombre de projets de traductions (en particulier, mais pas seulement) échouent, sont repoussés sine die (entre autres exemples, recueils de nouvelles de Zelazny, Bester en Lunes d'encre) ou ne sont mêmes jamais envisagés (89 ans pour traduire Lud-en-Brum !).
Je comprends ta frustration, Tétard, j'éprouve la même bien souvent (ma liste de titres "à publier" est longue comme un jour sans pain). Mais la situation en France, en terme de disponibilité du fond, n'est pas si catastrophique à mon sens (on peut voir le verre à moitié vide, évidemment, mais je le considère plutôt à moitié plein par nature, sans même regarder la situation chez nos voisins...).
Tétard a écrit :pour répondre plus précisément à mon questionnement, existe-t-il ou a-t-il existé des assurances pour aider les éditeurs à compenser les pertes des publications ne trouvant pas leur public ? Ou bien les éditeurs sont-il systématiquement leur propre assureur (les gains de certains ouvrages devant compenser les pertes des autres, même si j'ai bien compris que chaque livre, avant diffusion, est censé être bénéficiaire) ?
Chaque livre est censé au moins s'équilibrer. A nos tarifs, et avec nos frais fixes (bien moindres que ceux d'une structure comme Denoël, par exemple), on doit viser des ventes minimums autour de 2000 exemplaires (500 de moins environ pour un auteur français). Atteindre ces chiffres signifie qu'on ne perd pas d'argent. On y arrive assez souvent. Les dépasser (gagner de l'argent, donc), est en revanche beaucoup plus rare. Ce qui nous renvoie aux problèmes structurels évoqués plus haut.
J'espère avoir répondu à quelques-unes de tes interrogations, Tétard...