Philippe Squarzoni s'affranchit du récit à la première personne pour s'emparer du livre monumental de David Simon sur le quotidien de la brigade criminelle de Baltimore, un reportage très éloigné de la représentation hollywoodienne. Dans une ville qui compte 240 meurtres par an, Homicide dresse un tableau minutieux de la violence urbaine américaine dans les quartiers en détresse.
La théorie de l’iceberg ou « écrire comme Cézanne peint ».
... La grande force de cet album tient selon moi au style choisi par Philippe Squarzoni, qui n’est pas sans rappeler celui qu’utilisait Ernest Hemingway, et connu sous le nom de « théorie de l’iceberg ».
Cette théorie stipule qu’une histoire se construit avec le non-dit, le sous-entendu et l’allusion : une sorte d’économie de l’implicite.
1% de l’histoire doit dit-on, affleurer à la surface du texte, tandis que l’essentiel doit rester invisible au lecteur. Il s’agit d’économiser le langage, de compresser les détails, de suggérer, et de privilégier le dépouillement à toute autre prérogative stylistique.
Cependant, si l’essentiel doit demeurer invisible le lecteur doit impérativement le ressentir avec autant de force que si l’auteur l’avait effectivement décrit.
Philippe Squarzoni arrive à ce résultat en utilisant une écriture béhavioriste c’est-à-dire que la priorité est accordée à l’enregistrement extérieur des actions et des paroles ; a contrario disons d’une approche introspective.
L’approche béhavioriste ou comportementale passe par l’utilisation presque exclusive de récitatifs qui nous disent : « quoi », « comment » « où » et « quand » mais jamais « pourquoi ».
Cette effet « objectif » disons, est encore accentué par des dessins très photo-réalistes et un découpage sobre presque clinique, une colorisation qui privilégie une unité de ton presque monochrome : le sépia ou le dégradé de gris, et des grands aplats noirs.
Même si parfois un rouge vif tranche (sic) cette «routine» narrative.
Cette synergie entre écriture béhavioriste et dessin photo-réaliste provoque un effet hypnagogique dont la tranquillité excessive (le découpage n’est dans ce cas pas fortuit) finit par créer un effet presque hallucinatoire.
Mais pourquoi évoquer la théorie de l’iceberg ?
Eh bien parce que je suis sorti la lecture de cet album qui semble ne s’occuper que de la surface des choses en éprouvant bien plus que ce qu’il montre ; et c'est une impression assez saisissante.
Une belle réussite (qui doit aussi être portée au crédit de David Simon).