Messagepar Jean-Claude Dunyach » 12 mai 2009 à 17:04
Quelques points sur lesquels j'aimerais m'attarder, si vous le permettez :
- les artistes gagnent de l'argent avec leurs concerts, l'exploitation de leurs chansons via les radios, les boîtes de nuit, les sonneries téléphoniques et les exploitations diverses (bals, juke-box, pubs, etc...), et bien sûr les ventes de disques. Mais...
Une grosse partie de cette exploitation ne concerne que les "singles", pas les chansons d'album qui, elles, ne passent pas en radio/télé, ne sont pas utilisées dans les pubs ou comme sonneries de téléphone, etc. Ces chansons-là ne rapportent des sous que via la vente des disques, en gros (plus d'éventuelles interprétations en concert). Les auteurs/compositeurs de chansons de ce genre sont ceux qui perdent le plus d'argent à cause du piratage (qui a quand même fait chuter la vente de disques et de DVDs, soyons honnêtes). C'est une catégorie dont on parle peu, mais elle existe et représente beaucoup de gens inscrits à la SACEM. Beaucoup ont signé des pétitions en faveur de HADOPI, et on peut les comprendre.
- HADOPI est une réponse conne, dangereuse et inapplicable, à une vraie question : à l'heure du numérique, de la démultiplication des réseaux et de l'apparition de nouvelles façons de "consommer de la culture" (lecteurs portables de musique ou film, accès via internet à des bibliothèques immenses, ce qui fait qu'on consomme beaucoup plus de biens culturels qu'avant dans nos sociétés technologiques), quel est le modèle économique qui permettra à la Culture et à ses créateurs de vivre et de se développer ?
Ca, pour l'instant, on n'en sait rien. La seule chose que je me hasarderai à dire, c'est que ça ne ressemblera pas au modèle actuel et que les fonctions de "distribution" et de "promotion", en particulier (qui ont constitué des domaines jalousement gardé des Majors) seront entièrement repensées.
Mais il ne faut pas se voiler la face, la question du prochain modèle économique de la Culture avec un grand C est au coeur des débats. Et tout le monde crève de trouille.
- Il existe de plus en plus de choses gratuites sur le net, mises volontairement par les créateurs à disposition de l'humanité (avec des licences de type Créative Common ou assimilées), en particulier en musique (réaliser en studio une chanson de bonne qualité technique est à la portée de beaucoup de groupes et ne coûte pas très cher, alors que le moindre film demande quand même un investissement sérieux). On trouve des chansons, des programmes informatiques, des images, des livres entiers, etc., etc. Et je ne parle même pas des initiatives de type "ingénieurs sans frontières" où on partage de la connaissance. Il est essentiel que cela puisse continuer (et se développer) sans se trouver freiné par des décisions économiques à courte vue ou des approches mortifères à la HADOPI. En tant que créateur (de programmes, de chansons, de livres) je veux pouvoir donner une partie de mes créations comme je le veux, à qui je veux, sans qu'on vienne me bloquer d'une quelconque façon. Le droit au partage devrait être absolu.
Or, il n'est pas possible pour l'instant de savoir que le MP3 téléchargeable gratuitement sur mon site perso est légal, à la différence de celui balancé par un pirate sur la mule (et la situation se complique si quelqu'un met un morceau "libre" sur la mule). Les mouchards des opérateurs internet ne feront pas la différence. Or, elle existe et elle est fondamentale. C'est carrément un choix de vie.
Pour moi, le combat se situe sur deux fronts: créer, tester et faire accepter un ou plusieurs nouveau(x) modèle(s) économique(s) respectueux des droits fondamentaux des créateurs mais aussi des utilisateurs, et réfléchir à ce qui relève de la gratuité, de l'échange, du partage, du don. Car il est peut-être utile de se rappeler qu'un quart du monde consomme 90% de la culture numérique et que le reste pourrait/devrait en bénéficier aussi. Personnellement, si un artiste Malien télécharge gratuitement des milliers de MP3, dont mes propres chansons, et nous gratifie en retour d'une poignée de morceaux en provenance de son coin de terre, je m'estimerai bien payé. Mais je suis bien conscient que c'est une réaction de "riche", sans doute inapplicable à grande échelle.
Mais on peut rêver... On est aussi là pour ça, non ?