Messagepar Aval-Douar » 08 septembre 2019 à 21:15
Alléché par les éloges lus ici et là, j’ai lu un gros quart de la VO. Et j’arrête, parce qu’il y a des limites.
Ada Palmer a certainement de grandes connaissances, et c’est très bien. Dans ce livre, elle semble partir du postulat que si elle les met toutes ensemble et qu’elle mélange, elle obtient une bonne histoire. C’est faux.
Rien ne marche, rien ne tient debout. Les personnages ne sont absolument pas crédibles. Franchement, vous voyez Bridger comme le (pré)ado de 13 ans plutôt dégourdi qu’il est censé être ? Je lui donnerais à peine huit ans, et il serait temps de lui expliquer deux ou trois choses sur la vie. Ce qui est d’ailleurs fait, mais vraiment, je ne crois pas une seconde que le traitement du sensayer puisse l’aider. Du reste, tout en disant bien fort que ce n’est pas son rôle, il le dirige bien plus qu’il ne le conduit à choisir.
Les autres ne sont pas mieux, il n’y a que des caricatures. Tous issus de mélanges d’un peu partout dans le monde, mais uniquement les grands pays très connus, pas les autres. Pareil pour les langues, d’ailleurs. Elle ne conserve que les éléments de culture les plus superficiels, ceux que tout le monde croit connaître, les références culturelles ne dépassent pas le niveau du name dropping. J’ai l’impression de voir un de ces films américains où on recrute des acteurs avec des types physiques d’un peu partout pour vendre des billets à tout le monde, et certainement pas pour étudier les différentes cultures.
L’Histoire est à l’avenant. Il y a une grande guerre, comment résoudre ce problème ? Facile : on prend quelques-uns des leaders mondiaux, et on leur fait déclarer qu’à partir d’aujourd’hui, on devient gentils. Et tout le monde applaudit à l’unisson, on se croirait dans Hunger Games. On construit des groupes en mariant la carpe au lapin (tous les Asiatiques ensemble sous domination japonaise de fait et avec une capitale en Indonésie, mais pitié quoi !). Et tout le monde obéit, et tout va bien. Ursula K. Le Guin est pourtant passée avant (les Dépossédés), avec un résultat autrement plus convaincant.
Quant à l’histoire, je dois dire l’idée de ne jamais savoir whodunnit m’indiffère totalement. Passé le quart du bouquin, c’est dommage.
Sur le style, il y a de la recherche, des essais, et pourquoi pas (la langue non genrée, par exemple). Mais que c’est lourd ! Et regardez comme ici je genre et là je ne genre pas, et comme j’appelle « il » une femme et « elle » un homme, et que j’en fais des tartines à n’en plus finir ! C’est beaucoup trop verbeux, beaucoup trop autocentré. Encore une fois, Ursula K. Le Guin est passée par là (la main gauche de la nuit, avec ses différentes versions qui n’utilisaient pas les mêmes pronoms et les mêmes mots genrés), avec un tout autre niveau.
L’aspect technologique ne rattrape rien. Entre des voitures volantes dirigées par des humains (tellement plus fiables que les ordinateurs qui gèrent de nos jours les couloirs aériens des avions et qui ne sont déjà pas loin de les piloter), les traceurs qui ont besoin d’un support physique porté à l’oreille (autant les appeler téléphones), une époque qui a inventé le voyage ultra-rapide mais pas la traduction automatique, de sorte qu’il suffit de parler une des langues les plus répandues au monde pour ne pas être compris des gens qui peuvent entendre… Bref.
Je regarderai à l’occasion ce que tel ou tel critique a pu lui trouver, mais pour moi, c’est non.