Lorhkan a écrit :Aldaran a écrit :Lorkhan a écrit :Ça ne fait pas baisser le racisme pour autant ? Alors on laisse tomber et on ne fait rien ?
Changer le nom du Prix n'a pas pour but de renverser la société, c'est juste un petit pas vers un peu plus d'égalité. Rien de plus. Et surtout rien de moins. ;)
C'est ça que je ne pige pas. Le combat me semble juste.
Mais, soit il sert à quelque chose, soit il ne le fait pas réellement, non ?
Avoir moins mal, aussi légitime que cela soit, ne fait pas disparaître le cancer. Que veut-on ? Avoir moins mal ? C'est suffisant et satisfaisant ?
Bon écoute, je commence à avoir l'impression de me répéter.
Faisons un jeu de rôle. Tu es un auteur américain noir, tes ancêtres sont d'anciens esclaves, tes parents ont connu la ségrégation raciale. Toi-même encore, tu es régulièrement confronté au racisme dans la société. Mais tu luttes, tous les jours, tu es auteur et tu arrives tout de même à te faire publier avec un certain succès. Et tu finis même par gagner un Prix important, récompensant ton travail d'auteur pour lequel tu te bas tous les jours. Ce Prix, c'est le Prix Campbell, qui porte donc le nom d'un homme raciste qui estimait que l'esclavage, contre lequel des générations ont lutté, tes ancêtres ont lutté, causant de nombreux morts dans leurs rangs, avait de bons côtés. Tu dois le prendre comment ? Faire comme si de rien n'était, comme si on ne savait rien sur Campbell ? Ou alors tu l'ouvres une bonne fois pour remettre en cause certains traits pour le moins contestable de Campbell ? Et en profiter pour lancer le débat pour que ce Prix ne soit plus insultant pour les auteurs et autrices racisé(e)s ? Bien sûr tu ne prétends pas éradiquer le racisme avec une telle réaction, mais au moins faire en sorte que notre monde soit un peu plus juste, un peu plus sain. Juste un peu plus. Et c'est toujours ça de pris.
C'est plus clair comme ça ? ;)
Arf... J'avais joué au jeu de rôle mais le travail m'a happé et j'ai dû oublier de cliquer sur « envoyer ».
(Ou bien je n'ai pas eu le temps de bien me relire et on l'a supprimé mais je ne reconnaîtrais alors pas le genre de la maison.)
Je joue donc avec tes règles :
Je suis un auteur noir, mes ancêtres sont d'anciens esclaves, mes parents ont connu la ségrégation raciale, je suis moi-même confronté en permanence au racisme dans la société et je lutte contre lui. J'obtiens le prix Campbell et recevoir un prix portant ce nom me heurte terriblement, me fait souffrir... Comment dois-je le prendre ?
Je ne le prends pas. Mais je suis néanmoins enchanté que mon travail ait atteint un tel niveau que d'autres humains (qui ne sont pas Campbell) estiment qu'il mérite une distinction. Et je profite autant que je peux de cette aura pour pousser ma beuglante et dire ce que je pense de toute personne (dont Campbell) dont les actes et les pensées portent atteinte à d'autres humains.
Mais je pense que le jeu de rôle a ses limites dans ce genre d'exercice. Pour preuve : mes idées sont identiques avant et après.
Si je peux comprendre qu'autrui souffre, je ne pourrai jamais éprouver sa souffrance. Quelle que soit ma couleur. À moins de penser qu'une couleur de peau indique forcément ce qu'un individu pense.
Ken Liu exprime très clairement cela dans l'avant propos de son premier recueil de nouvelles. Penser que des millions d'individus pensent forcément la même chose parce qu'ils ont telle ou telle couleur, selon moi, ça n'est pas les respecter, bien au contraire.
Je pense la même chose au sujet de cette personne handicapée que le nom de James Tiptree attribué à un prix faisait souffrir. Quid des autres personnes handicapées que le sujet intéresse ? Pensent-elles que cette personne handicapée pense comme elles parce qu'elle est handicapée comme elles ?
Tout comme je ne réagis pas face à la mort (la mienne ou celle des autres) comme chacun des individus présents sur cette planète. Certes, on peut trouver quelques échos qui réchauffent chez certains individus, rares, qui nous font penser que, peut-être, nos idées sont proches des leurs, quelles que soient ces idées. Mais ça ne va pas beaucoup plus loin. Cette discussion en est un bel exemple...
C'est ce que j'essayais d'exprimer en parlant de grands ensembles. Fourrer les humains par paquets dans de grands sacs n'est, à mon avis, pas la bonne méthode pour tenter de les rapprocher. Quelle que soit l'étiquette que l'on mettra sur les sacs.
Mais j'ai, moi aussi, l'impression de tourner en boucle à ce stade de la conversation et l'essoufflement ne va pas tarder à se produire.
Le départ de Lutin me révulse, tout de même. J'espère qu'on la verra néanmoins s'exprimer encore sur les sujets qu'elle souhaite aborder, ici ou ailleurs (mais ici serait mieux à mon sens).
Cédric, une question qui est pile-poil dans le sujet : qu'est-ce qui te fait croire que le Service Militaire ne fait pas souffrir des personnes dans leur chair, qu'il n'est que, pour toutes les personnes n'étant pas toi, « au pire, pénible ». Mène ton enquête, pose des questions aux jeunes et moins jeunes que tu croises, tente d'obtenir des réponses dans le plus de sacs possible, ça te fera peut-être changer d'avis. Ou peut-être pas. Mais tu en sortiras plus riche.
Et c'est toujours plus sympas de causer avec des gens que de leur parler sur le ton que tu as employé avec Lutin.