Maintenir la précarité des auteurs pour garantir la bonne santé de l'édition ?

Herbefol
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Re: Maintenir la précarité des auteurs pour garantir la bonne santé de l'édition ?

Messagepar Herbefol » 20 janvier 2020 à 17:25

Léo Henry a écrit :Et sur les modèles alternatifs, c'est évidemment toujours la même question qui se pose : est-ce qu'on a vraiment de l'énergie à perdre à aménager le capitalisme quand on peut lutter pour le détruire ?

Dans la mesure où l'auteur ne peut (difficilement) en vivre au contraire de tout le reste de la chaîne du livre, quoi qu'à en croire Gilles en fait ils survivent tous à peine, raser toute la chaîne pour reconstruire quelque chose de nouveau en partant de rien ne serait peut-être pas si mal. Et puis aussi en profiter pour arrêter cette aberration écologique qui consiste à envoyer au pilon 20% des bouquins produits. :-)
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Gilles Dumay - Albin Michel Imaginaire
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Re: Maintenir la précarité des auteurs pour garantir la bonne santé de l'édition ?

Messagepar Gilles Dumay - Albin Michel Imaginaire » 20 janvier 2020 à 17:35

Herbefol a écrit :Dans la mesure où l'auteur ne peut (difficilement) en vivre au contraire de tout le reste de la chaîne du livre, quoi qu'à en croire Gilles en fait ils survivent tous à peine, raser toute la chaîne pour reconstruire quelque chose de nouveau en partant de rien ne serait peut-être pas si mal. Et puis aussi en profiter pour arrêter cette aberration écologique qui consiste à envoyer au pilon 20% des bouquins produits. :-)


1/ Il y a des auteurs qui vivent très bien, j'en connais quelques uns... Bon aucun ne publie en imaginaire.

2/ 20% ? Je crains que ça soit davantage.

Il m'a semblé voir passer un chiffre nettement supérieur lors d'une récente réunion générale.

GD
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Aldaran
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Re: Maintenir la précarité des auteurs pour garantir la bonne santé de l'édition ?

Messagepar Aldaran » 20 janvier 2020 à 17:46

Gilles Dumay - Albin Michel Imaginaire a écrit :Il y a des auteurs qui vivent très bien, j'en connais quelques uns... Bon aucun ne publie en imaginaire.

Ce dernier va donc disparaître. (À moins de parvenir à faire croire que ce n'en est pas, ce qui se pratique déjà.)
Sayé, chuis vraiment déprimé.
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Gilles Dumay - Albin Michel Imaginaire
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Re: Maintenir la précarité des auteurs pour garantir la bonne santé de l'édition ?

Messagepar Gilles Dumay - Albin Michel Imaginaire » 20 janvier 2020 à 17:55

Aldaran a écrit :Ce dernier va donc disparaître. (À moins de parvenir à faire croire que ce n'en est pas, ce qui se pratique déjà.)
Sayé, chuis vraiment déprimé.


Tu sous-estimes l'attraction formidable que représente le fait d'être publié, de partager le monde qu'on a créé, les idées philosophiques qu'on a envie de réifier, etc.
Et puis il y a de formidables succès comme celui d'Alain Damasio.
Il ne faut pas regarder que les trucs qui ne marchent pas.

Là où je partage le constat d'Herbefol, c'est que pour tout un tas d'auteurs, les années qui viennent avec les changements qui interviennent au niveau des "charges", des retraites, de la fiscalité, ça va être très dur. Et pour certains "impossible".

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Re: Maintenir la précarité des auteurs pour garantir la bonne santé de l'édition ?

Messagepar Laurent Queyssi » 20 janvier 2020 à 18:05

Gilles Dumay - Albin Michel Imaginaire a écrit :
La diffusion/distribution, on est déjà très bas (peu ou pas de marge), ou alors les prestations baissent et donc la visibilité des auteurs...


Y'a quand même des choses à revoir dans ce domaine, parce que le système des offices, c'est quand même faire rouler des camions et transporter du papier pour se faire de la tréso. Surtout dans un système où les gros éditeurs ont presque tous leurs systèmes de diff/distrib.

Je comprends ton point de vue, Gilles. Tu ne parles que de ton travail et de ta collection. C'est compréhensible.

Cela dit, les revendications actuelles des auteurs s'envisagent de façon plus globale. Notamment dans le domaine de la bd où historiquement les succès permettaient de payer le laboratoire des premiers albums. Ce qui n'est plus le cas et où l'effort est demandé aux auteurs, alors que la situation n'a pas beaucoup changé (les gros éditeurs de bd font toujours autant de bénéf, cf Panana Papers).
Si l'on prend l'exemple d'Albin Michel, c'est l'idée que la maison redistribue un peu mieux la thune engrangée par Michel Onfray, Stephen King, Mary Higgins Clark ou Eric Zemmour, peut-être.

La colère actuelle des auteurs, notamment en bd (je n'ai pas vu beaucoup de gens râler dans nos domaines où seuls les traducteurs sont pro), provient de la dichotomie entre les bénéfices des gros conglomérats et les avances proposées. La surproduction a parfois bon dos.
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Re: Maintenir la précarité des auteurs pour garantir la bonne santé de l'édition ?

Messagepar Gilles Dumay - Albin Michel Imaginaire » 20 janvier 2020 à 18:47

Laurent Queyssi a écrit :Si l'on prend l'exemple d'Albin Michel, c'est l'idée que la maison redistribue un peu mieux la thune engrangée par Michel Onfray, Stephen King, Mary Higgins Clark ou Eric Zemmour, peut-être.


La redistribue à qui ?
L'économie du livre c'est grosso modo 2/8.
2 livres payent les 8 autres. Quand tu as deux livres qui marchent bien ça équilibre normalement tes comptes, et d'ailleurs l'accent est mis sur ces 2 livres, en termes de promo, mises en place, budget, marketing.
Donc les succès des best permet de lancer Victoria Mas, de faire Albin Michel Imaginaire, de faire des recueils de nouvelles en Terres d'Amérique, de publier des livres très pointus en spiritualité, etc. Si tu regardes le catalogue Albin Michel de très près, tu vas être surpris par les projets fous que cette maison peut porter.

Un exemple

S'il y a des valeurs sûres, il y a aussi sans cesse des paris qu'on rate ou qu'on réussit ; c'est l'édition. Et ces paris ratés sont épongés par les valeurs sûres. Morgan Audic (auteur inconnu ou presque) a eu un succès considérable l'an dernier avec son polar sur Tchernobyl, c'est un pari. Il a été réussi. On en a raté d'autres. C'est pas une science exacte.

Dans une entreprise (ou un groupe) comme Albin Michel il est là le mécanisme de redistribution.

Ce qui se passe en BD, dans le livre, etc, c'est un mécanisme de concentration. Concentration des intervenants (les groupes n'ont de cesse d'acheter des boîtes indépendantes) et probable concentration des auteurs par voie de conséquence. D'ailleurs, tu es très bien placé pour le savoir, ce qui disparaît en BD c'est la middle list, il y a toujours de grands succès, mais de plus en plus de fours.

Je me félicite pas du tout de la situation, bien au contraire, mais comme c'est un marché, j'ai dû mal à voir les mécanismes qui pourraient faire vivre plus d'auteurs, sauf à tout changer comme disait Herbefol. En fait tout change, mais dans l'autre sens, l'auteur devient un membre d'une profession libérale.

GD
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Re: Maintenir la précarité des auteurs pour garantir la bonne santé de l'édition ?

Messagepar Jeffx » 20 janvier 2020 à 20:05

Si on regarde les chiffres de ventes que vous annoncez, je vois pas comment l'auteur peut s'en sortir...
De ce que je comprends, pour en vivre, il faut soit faire de très bons romans (dans un genre qui se vend) qui se vendent à plusieurs dizaines de milliers d'exemplaires, soit il faut multiplier le nombre de romans publiés, quitte à faire dans ce cas là de l'auto-édition.
Modifié en dernier par Jeffx le 17 février 2020 à 01:12, modifié 1 fois.
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Re: Maintenir la précarité des auteurs pour garantir la bonne santé de l'édition ?

Messagepar Aldaran » 20 janvier 2020 à 20:13

Gilles Dumay - Albin Michel Imaginaire a écrit :
Aldaran a écrit :Ce dernier va donc disparaître. (À moins de parvenir à faire croire que ce n'en est pas, ce qui se pratique déjà.)
Sayé, chuis vraiment déprimé.

Tu sous-estimes l'attraction formidable que représente le fait d'être publié, de partager le monde qu'on a créé, les idées philosophiques qu'on a envie de réifier, etc.

D'accord avec toi, c'est un fait. Et je suis bien conscient de cette attraction, de ce partage des idées et des mondes inventés. Notre Club est d'ailleurs, à mon sens, la meilleur niche pour jouer avec tout cela (d'où ma remarque au sujet du laboratoire d'idées un peu plus haut).
Je pensais davantage à ces auteurs qui écrivent de la SF en clamant haut et fort que ça n'en est pas et à ces éditeurs qui suent à grosse gouttes pour tenter de dissimuler que c'en est. Les rayons SF ont fondu depuis bien longtemps et si les brouzoufs « deviennent » (hum) le seul but, ça disparaîtra. Les auteurs qui auront choisi d'être auto-entrepreneurs iront aux brouzoufs. (Je peux bien entendu me tromper...)

Sans perdre de vue qu'une écrasante majorité d'auteurs ne fait pas qu'écrire mais exerce déjà un second travail. Faut se sentir d'attaque pour en endosser d'autres, ne serait-ce que la com'. Bon, si succès il y a, ils pourront lâcher l'alimentaire, c'est vrai. Hum.
À mon sens, le battage médiatique ne doit pas être pris en charge par les auteurs, ça n'est pas crédible. Je pense qu'il doit s'agir d'un travail d'équipe entre eux et des éditeurs eux-mêmes crédibles dans leur métier. Jusqu'ici, ça ne l'est pas, c'est du poker (les éditeurs « misent » ou « parient » sur des auteurs) et de l'exploitation. (Je ne perds pas de vue que certains - les petites maisons, principalement - tiennent à rester honnêtes mais qu'ils doivent bien manipuler le même système que les autres s'ils veulent bouffer à leur faim.)
Mais je ne suis que lecteur, je ne maîtrise pas grand-chose des autres rôles.

Pour ce qui est du succès, même si je m'en réjouis pour l'auteur (et l'éditeur qui pourra tenter des coups plus risqués), je n'y attache pas plus d'importance que ça d'un point de vue personnel. Tant de bouquins incontournables à mes yeux (c'est valable pour les autres domaines de création) passent inaperçus et tant de merdes sont au sommet des ventes que le critère m’apparaît sans valeur.
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Re: Maintenir la précarité des auteurs pour garantir la bonne santé de l'édition ?

Messagepar Herbefol » 20 janvier 2020 à 22:11

Tiens, en passant, le résumé des bilans 2017 et 2016 d'Albin Michel. Je ne sais pas comment ça a évolué depuis, mais cette maison semble loin (et même très loin) d'être malheureuse. Ça fait du bénéf, dans des proportions pas misérable et c'est ça semble avoir une bonne dose de trésorerie pour voir venir les moment chaotique. Notons en bas de la page que la maison semble avoir dans les deux cents salariés (ou équivalent temps-plein). :-)

Gilles Dumay - Albin Michel Imaginaire a écrit :2/ 20% ? Je crains que ça soit davantage.
Il m'a semblé voir passer un chiffre nettement supérieur lors d'une récente réunion générale.

J'avais trouvé des chiffres variables en fonction des sources, j'ai pris le plus petit, histoire de ne pas trop noircir le tableau. :-)
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Re: Maintenir la précarité des auteurs pour garantir la bonne santé de l'édition ?

Messagepar Gilles Dumay - Albin Michel Imaginaire » 20 janvier 2020 à 23:45

Laurent Queyssi a écrit :La diffusion/distribution, on est déjà très bas (peu ou pas de marge), ou alors les prestations baissent et donc la visibilité des auteurs...
Y'a quand même des choses à revoir dans ce domaine, parce que le système des offices, c'est quand même faire rouler des camions et transporter du papier pour se faire de la tréso. Surtout dans un système où les gros éditeurs ont presque tous leurs systèmes de diff/distrib.


Excuse-moi, mais c'est vraiment un cliché, là, pour le compte.
Un office c'est un run de livraison (pas des exemplaires qu'on envoie d'office aux libraires). Les quantités sont notées, donc commandées par les libraires et les "acheteurs" pour les réseaux (ou les titres pilotés). C'est pas l'éditeur qui impose des quantités (et s'il le faisait, les libraires pourraient retourner illico presto). Il est vrai que sur certains document d'actualité, les éditeurs envoient des exemplaires d'office, mais en prenant en charge d'éventuels frais de retour. Et ça ne "nous" concerne pas.
De ce que je peux voir, ce qui est mis en place très largement, donc en hypermarché et en grandes surfaces, se vend beaucoup et s'il y a du retour c'est globalement en dessous du taux de retours moyen. Quand on met en place à 100 000 un Amélie Nothomb, au final on en vend 200 000 ou 300 000.

Les retours, on les voit surtout sur les titres middle list ou les petits tirages. C'est toujours le même problème de la concentration.
Peu d'auteurs trustent l'ensemble des ventes.
Les retours coûtent très cher à l'éditeur (qu'il ait ou non sa propre diffusion), donc il a intérêt que la mise en place soit la plus adaptée possible, sinon sa marge diminue, voire disparait. Un livre mis en place à 4000 qui vend 3000 perd de l'argent, le même mis en place à 2000 (qui vend 3000) a des chances d'en gagner.
Les auteurs veulent être mis en place le plus possible (j'attends de voir un auteur qui me dit que 600 ex de mise en place ça lui va), donc on ne peut pas hurler sur la diffusion, les retours, les pilons et regretter que les livres ne soient pas assez visibles (surtout dans nos domaines).
Le livre fait sa propre publicité, plus il est visible (donc mis en place), plus le lecteur a de chances de le prendre en compte.

Quant à cette histoire de tréso, c'est un raccourcis, les libraires peuvent renvoyer avant de payer leur facture. Chez Albin les livres facturés le mois M sont livrés dernière semaine du M-1.

GD

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