Messagepar FranB » 06 mai 2021 à 13:22
Je sors encore de mon silence parce que je ressens le besoin d'exprimer quelque chose qui me pèse et que, grâce aux précédents messages, j'ai pu réussir à articuler.
En effet, les femmes n'ont pas pu occuper le terrain convenablement, ce qui a continué de créer un terrain difficilement praticable, à moins de frôler l'excellence.
Là où se situe mon souci, c'est que les femmes publiées et citées précédemment sont excellentes, oui, et sortent du lot, oui, mais là où il y a une différence c'est que : on autorise les auteurs moyens à exister, mais pas les autrices moyennes (un roman peut être bon sans être brillant / excellent, et on peut quand même l'apprécier, en gros.)
La moyenne pour les hommes se situe à, disons pour l'image, 9-10/20. Pour les femmes, on doit viser le 15 ou le 16 pour ne serait-ce qu'imaginer être visibles.
Au-delà du fait que pointer l'excellence de certaines accentue une forme de compétition dont nous n'avons pas besoin, ça participe aussi à nous cantonner à la médiocrité du "sous le 15/20 c'est pas valide". Est-ce qu'on doit rappeler pourquoi Catherine Dufour a écrit le Goût de l'immortalité ? Parce qu'un homme s'est permis de lui demander quand est-ce qu'elle écrirait de "vrais" romans...
Je ne pense pas que ça soit un processus conscient de la part des gens qui expriment ces faits. Tout le monde (hommes et femmes) a du mal à réfléchir sur ses propre biais, car il est toujours plus évident de réfléchir sur ce qui nous dérange (parce que ça provoque une réaction), que sur ce qui est/semble déjà acquis (parce que c'est évident et confortable).
Je ne pense pas non plus que ça soit une histoire de l'œuf ou la poule, mais plutôt de "qui gère le poulailler" ou plutôt "comment est géré le poulailler".
En tant que primo autrice (et là je me jette sous le bus aux yeux de tous), mais aussi en tant que personne neurodivergente, je me retrouve donc à lutter sur deux fronts : la normalité et la norme. Je ne suis jamais "assez cela" ou alors je suis "trop ceci".
Permettre aux œuvres non fondatrices ou excellentes d'exister, c'est aussi permettre aux œuvres mémorables de naître - parce qu'on va réfléchir sur pourquoi ça ne fonctionne pas, pourquoi ça aurait pu être mieux - et cela dépasse, à mon sens, le sexe ou le genre de la main qui écrit ces récits.
J'aimerais qu'on nous autorise à être moyennes et oubliables, tout comme les centaines d'hommes dont on ne parle plus mais qui ont pourtant écrit des romans. J'aimerais qu'on nous autorise à échouer. J'aimerais avoir simplement les mêmes critères d'évaluation...
Je suis une femme et j'écris de la SF, j'aimerais participer au patrimoine SF français - et je fais tout pour.
N.B.: je sais que l'écrit ne permet pas toujours de ressentir l'animosité ou autre, surtout lorsqu'il est dénué d'emoji, mais mes mots et mon ton ne sont pas véhéments ou quoi que ce soit de cette nature, j'aimerai juste discuter et poser les choses auxquelles on a pas forcément accès en temps normal.
(Le temps que j'écrive tout ça d'autres personnes ont posté, mais je poste ce message tel quel quand même ^^)
...σαρκοφάγο φυτό...