Houellebecq

[Ceir]

J'essaie de convertir mon collègue à la SF récente, et on discute pas mal des sujets qu'aborde la SF ou le fantastique.

De son côté, lui me suggère d'essayer de lire (en plus de mes lectures SF, évidemment) du Houellebecq, genre La Possibilité d'une île ou Les Particules élémentaires. Il m'explique que les thèmes de Houellebecq sur ce qu'est l'Homme, le devenir de l'humanité, la fin du monde, la mort, pourraient m'intéresser.

Du coup, je me penche vers vous qui êtes mes références en matière de lecture. Avez-vous lu du Houellebecq et qu'en pensez-vous ?

[Caliban]

Avez-vous lu du Houellebecq et qu'en pensez-vous ?

Peu : je le trouve non seulement malsain, mais complaisant. Pas ma tasse de thé.

Pour autant, c'est un vrai écrivain, et il n'y en a pas tant en français en ce moment.
Et il n'y aurait pas besoin d'élargir beaucoup le champ de la SF pour l'y intégrer.

[M]

Peu : je le trouve non seulement malsain (...)

Ce n'est pas la première fois que j'entends ça à propos de Houellebecq.

Tu pourrais développer un peu ?

[Jean-Claude Dunyach]

Pour moi, Houellebecq est un vrai écrivain et les Particules élémentaires sont un roman de SF, à cause du projet littéraire et des dernières pages.
C'est, par contre, un écrivain misanthrope, qui vomit l'espèce humaine et qui se complaît dans la dénonciation des souffrances du monde avec un art certain. Est-ce malsain ? Peut-être, à cause de l'outrance - qu'on peut aussi assimiler à de la complaisance. Question de sensibilité personnelle.
Le cas des "particules élémentaires" est assez caractéristique : Houellebecq essaie de démontrer que l'espèce humaine dans son ensemble ne vaut rien et que sa survie, voire son simple maintien, passe par une transcendance totale, une modification qui la rendrait totalement autre, donc sauvable. Et pour montrer que l'espèce ne vaut rien, il empile des "fiches" (de courts chapitres traités non pas de façon romanesque mais comme des espèces de synopsis détaillés, très froids et cliniques) où il prend divers exemples d'humains pour en souligner la veulerie, les côtés déplaisants, la petitesse et la nullité, et ça finit très mal pour chacun d'eux, y compris ceux qui auraient pu être sympathiques a priori. C'est une entreprise de démolition spectaculaire, c'est un bouquin dérangeant mais ça vaut le détour.
Je vous poutoune,

[Caliban]

Ce n'est pas la première fois que j'entends ça à propos de Houellebecq.
Tu pourrais développer un peu ?

Pour moi, il y a deux sortes de nihilisme : celui, souvent sincère, qui résulte d'un vertige métaphysique,
ou d'un regret total de la société telle qu'elle est ; et celui qui tient plus d'une forme de dandysme,
du refus de se commettre avec aucune "valeur" qui pourrait être partagée par le commun des mortels.
Celui de Houellebecq (j'entends, celui manifesté dans certaines de ses œuvres ; je ne sais rien
du bonhomme) suinte de ce genre de supériorité intellectuelle, tout en étant porteur d'une forme
d'esthétisation des comportements vulgaires qui la fondent. Au final, mon impression est d'un
voyeurisme malsain, en ce sens qu'il encourage, l'air de ne pas y toucher, pour mieux mépriser...

Cela dit, je ne prétends ni être un bon connaisseur de Houellebecq, ni à une quelconque objectivité.
Au contraire : le probable excès de ma réaction tendrait à me persuader que c'est une plume
puissante qui a pu la susciter. Mais je ne l'en apprécie pas plus pour autant.

[Nébal]

[Mode pas du tout argumenté on :]Houellebecq, c'est notre Flaubert à nous. Na.[off]

Plus sérieusement, j'ai adoré chacun de ses romans (avec un léger bémol pour Plateforme). Il a un sens de la formule qui fait mouche assez remarquable, un humour qui n'appartient qu'à lui, et s'il est un "observateur-lucide-de-la-réalité-contemporaine", c'est bien lui. Personnellement, je tiens La Possibilité d'une île pour un chef-d'oeuvre. De litt' gén' et de SF, d'ailleurs. Mais je pense qu'il ne prend tout son sens que si l'on a lu les précédents romans du monsieur auparavant, dans la mesure où il en constitue une sorte d'apogée.

[Wicker_Man]

Pour moi, il y a deux sortes de nihilisme : celui, souvent sincère, qui résulte d'un vertige métaphysique, ou d'un regret total de la société telle qu'elle est ; et celui qui tient plus d'une forme de dandysme, du refus de se commettre avec aucune "valeur" qui pourrait être partagée par le commun des mortels.
Celui de Houellebecq (j'entends, celui manifesté dans certaines de ses œuvres ; je ne sais rien du bonhomme) suinte de ce genre de supériorité intellectuelle, tout en étant porteur d'une forme d'esthétisation des comportements vulgaires qui la fondent. Au final, mon impression est d'un voyeurisme malsain, en ce sens qu'il encourage, l'air de ne pas y toucher, pour mieux mépriser...

Bon, je pense que tu as bien interprété ma pensée, donc j'estime inutile d'en rajouter, mais je partage ton opinion.

Cela dit, j'ai perdu trop de temps à lire de la blanche durant les années 90 pour y consacrer autre chose qu'un regard dédaigneux et la lecture de Bifrost a rempli ma bibliothèque et mes listes de lecture pour les dix ans à venir - au moins!

Donc que ce soit Houellebecq, Nothomb ou autres, ce sont des corps planétaires qui évoluent désormais sur une orbite différente de la mienne...

[Ceir]

Ok, merci pour vos avis.

Je pense que je ferai une deuxième pause dans ma lecture du Trône de Fer (oui, je fais des pauses, sinon je passerai mon temps de lecture qu'à ça), après celle de Anno Dracula, pour lire un Houellebecq. Probablement les Particules élémentaires.

[M]

pour lire un Houellebecq. Probablement les Particules élémentaires.

Comme ça je te le piquerai pour me faire une idée.

@ Caliban : Merci pour le développement. C'est une idée assez proche de ce que j'avais déjà entendu.

[Ceir]

Pas sûr, je vais peut-être l'emprunter à la bibliothèque car ça ils doivent l'avoir (quelle idée de fréquenter un forum où quasiment aucun des ouvrages cités n'existent dans une petite bibliothèque de bourgade rurale).