Weirdaholic a écrit :Bon, la lecture du deuxième volet a été l'occasion pour moi de
chroniquer la saga...
(Sauf erreur de ma part, je suis le premier à expliciter l'origine mythologique du prénom de l'héroïne, même si Apophis avait déjà indiqué dans quelle direction chercher... ^_^)
Bon, en principe, je m'abstiens de réagir aux critiques de détail sur mes traductions--ou du moins je patiente quelques heures, voire me paie une nuit de sommeil, pour que ça ne fasse pas trop de taches.
Mais là, une remarque m'interpelle:
Tout de même, une phrase comme "I'm bleeding from both palms because of my escape through a broken window", ça reste un poil plus sonore (donc plus rugueux) que "je saigne des deux mains parce que je me suis échappée en brisant une vitre" (page 13 de La Survie) : cette omniprésence des consonnes labio-dentales (P, B, M) souligne d'autant la description faite par Tade Thompson, qui manifeste peu ou prou la même ambition que Chuck Palahniuk, celle de créer une "littérature physicaliste", pour reprendre l'expression de Pierre-Louis Patoine (voir la chronique de Feyd Rautha, qui parle très bien de cet aspect).
Elle m'interpelle parce que--de mémoire: j'ai traduit
La Survie fin 2019, quand même--, cette phrase ne m'a jamais entièrement satisfait.
Il faut se souvenir qu'elle figure au tout début du texte, qui est censé rafraîchir la mémoire du lecteur à propos des événements rapportés dans les
Meurtres. Donc, un certain nombre d'informations à faire passer, avec le minimum de mots possible pour respecter le style de l'auteur, mais sans omettre rien d'important.
C'est l'essentiel du travail du traducteur. On fait des compromis.
Tu m'as l'air bien armé pour étudier ça de près.
Comment le traducteur peut-il concilier l'accessibilité du texte pour le lecteur qui n'a pas nécessairement la culture permettant de l'appréhender, le respect du texte original et des intentions--parfois supposées--de l'auteur (dans certains cas, on ne peut pas lui demander des détails, parce qu'il est mort, cf. ma postface au
Livre écorné de ma vie de Lucius Shepard), la musique que le traducteur perçoit (à tort ou à raison--si c'est à tort, eh bien, il se trouvera toujours quelqu'un pour retraduire).
Je te propose de réfléchir--et de critiquer, au sens noble du terme, c'est-à-dire pas démolir mais réfléchir à--ce qui fut un des défis les plus intimidants de toute ma carrière: la traduction d'un pastiche de François Villon par Poul Anderson--écrit en anglais, donc--, que j'ai dû traduire en m'efforçant de respecter avant tout le sens et les images, et en second lieu (là, c'était ma décision), les règles poétiques de Villon, que Poul Anderson a suivies--avec brio--, mais que la prééminence que j'ai accordée au sens (tout en faisant de mon mieux pour respecter la musique) m'interdisait de suivre.
Le poème en question se trouve dans la nouvelle "La Ballade des perdants", recueillie dans
Trois cœurs, trois lions.
Nous faisons de notre mieux, camarade.
JDB
"Passablement rincé", qu'il dit.