Messagepar JDB » 19 mai 2022 à 01:37
De toute façon, si j'en crois Mike Ashley--cf. Bifrost n° 106, p. 189; c'est moi qui ai rédigé ces quelques lignes après avoir dévoré son bouquin--, les "définitions" de la SF et de la fantasy auxquelles vous vous référez implicitement--par "vous", j'entends tous ceux qui sont intervenus sur ce fil--ne tiennent plus la route.
En effet (toujours selon Ashley, et si je l'ai bien lu), depuis grosso modo une vingtaine d'années, le développement de la publication numérique (sites web, blogs, ebooks, que sais-je encore) a donné à des auteurs négligés par l'édition mainstream de langue anglaise (LGBTQ, POC, etc) une visibilité dont ils n'avaient jamais bénéficié jusque-là et, mieux encore, un public dont personne ne se doutait de l'existence. Conséquence (pour citer Gilles Dumay dans son interview de Bifrost n° 100): la diversité a pris le pouvoir.
Mais, pour en revenir à l'argument de Mike Ashley, la "SF" que pratiquent ces auteurs n'a guère de rapport avec celle que pratiquaient... disons, pour simplifier: les auteurs publiant dans les revues comme Asimov's et Interzone lors des années 1990. Si bien qu'Ashley ressuscite l'étiquette bien oubliée de "speculative fiction".
Personnellement, je parlerais plutôt de "fabulation", terme avancé par Ursula K. Le Guin et ses épigones pour qualifier--grosso modo--la SF non-machiste, voire anti-machiste.
Peut-être vous demandez-vous de quoi je parle, voire si je ne suis pas en train de délirer.
Mais quand je dis que la publication numérique a facilité ce changement, je me dois d'être plus précis: les auteurs qui ont bénéficié de ce changement (ou plutôt qui ont bossé pour l'imposer) sont tout sauf anglo-saxons, mais ils se sont démouniqués (pardon, c'est du bordeluche) pour traduire ou faire traduire leurs textes en anglais et les mettre à la disposition des lecteurs (et des jurys de prix) anglophones.
Le résultat est patent, il suffit de lire les sélections des prix Hugo, Nebula, etc, de ces dernières années. Les Sad Puppies se retournent dans leurs abris antiatomiques.
Mais le visage de la "SF" a changé.
JDB
PS: Pour ne pas être désagréable, je me garderai de souligner que rares ont été les auteurs français à se démouniquer de la sorte (ou peut-être l'ont-ils fait trop tôt). Au débotté, je n'en vois que trois: Jean-Claude Dunyach, Mélanie Fazi et Michael Roch, ce dernier ayant peut-être trouvé la fenêtre de tir idéale--je lui souhaite bonne chance.
"Passablement rincé", qu'il dit.