ubikD a écrit :Pour résumer, dans un cas on se focalise sur le narrateur et dans l'autre sur l'univers qu'on nous donne à lire/percevoir ?
Oui, c'est une des façons de voir les choses (à la
Jakobson), peut-être plus précise que d'opposer le commentaire de l'action à l'action elle-même ; ça permet au moins de ne pas discréditer un procédé (le telling) au profit de l'autre (le showing), et de se rendre compte que les deux sont également utiles...
Soleilvert a écrit :Le changement de temps, observé par exemple dans l'éducation sentimentale, l'alternance de phrases longues et abruptes (Il voyagea. Il connut la mélancolie des paquebots, les froids réveils sous la tente, l’étourdissement des paysages et des ruines, l’amertume des sympathies interrompues. Il revint.), l'influence de Flaubert sur la littérature anglo-saxonne dont Pierre Assouline situe le pic à la jointure des deux précédents siècles.
La phrase que tu cites est aussi intéressante pour le showing / telling : elle ne "montre" pas forcément grand-chose, beaucoup de conseillers littéraires la retoqueraient (enfin, "mélancolie", "froids", "étourdissement", "amertume", c'est juste du telling !)... mais elle marche, outre sa musicalité, en raison même de la façon dont, grâce au telling, elle synthétise tout un pan de la vie de Frédéric Moreau, pour en dire la vacuité (c'est tellement vide qu'il n'y a rien à montrer !)
Sinon, il y a tout un bouquin de
Gilles Philippe sur le
French Style - L'accent français de la prose anglaise, voir par exemple ce
compte-rendu. Après,
Flaubert a servi (non sans raison) d'étendard, mais certains de ses procédés stylistiques étaient déjà chez les
Goncourt (voir
La Langue littéraire, excellent ouvrage collectif dirigé par le même
Gilles Philippe). (Détail amusant, les trois écrivains sont présents dans une de mes récentes lectures, le
Cent vingt de
Léo Henry, que je chroniquerai pour sa sortie.)
Bon, on s'éloigne un peu d'
Audrey Pleynet - ou pas, parce que, dans
Rossignol, c'est une grande styliste, qui mixe showing et telling avec une virtuosité flaubertienne.