Rossignol, Audrey Pleynet (mai 2023)

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Aldaran
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Re: Rossignol, Audrey Pleynet (mai 2023)

Messagepar Aldaran » 29 août 2023 à 00:58

Kaliayev a écrit :Ah ben tiens Aldaran, j'avais eu le même écho que toi par une connaissance, alors que de mon côté ça m'avait moins dérangé.
Le côté universalisme m'avait beaucoup et j'avais passé outre les défauts que tu pointes.

Ces défauts que je pointe sont peut-être (voire très probablement) les miens.
C'est le problème chez les autrices et auteurs, elles et ils ont trop d'estime pour leurs lectrices et lecteurs... :p
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Re: Rossignol, Audrey Pleynet (mai 2023)

Messagepar Weirdaholic » 29 août 2023 à 09:05

Aldaran a écrit :
Kaliayev a écrit :Le côté universalisme m'avait beaucoup et j'avais passé outre les défauts que tu pointes.

Ces défauts que je pointe sont peut-être (voire très probablement) les miens.


De mon point de vue, ce ne sont pas des défauts, c'est ce qui fait tenir le texte ! Je veux dire qu'une bonne partie de son charme tient justement à cette immersion rapide à la fois dans un univers et une conscience ; et sans cette immersion, l'émotion que tu décris n'arriverais pas non plus pour moi. C'est typiquement le genre de textes où il faut se laisser porter par le flux de la prose en sachant qu'on va finir par aborder quelque part... Tout prépare la fin, quoi.

(Oui, je suis ce genre de lecteur qui pense qu'un texte, comme un être humain, a les défauts de ses qualités et les qualités de ses défauts. ^_^)
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Re: Rossignol, Audrey Pleynet (mai 2023)

Messagepar JDB » 30 août 2023 à 02:39

Weirdaholic a écrit :De mon point de vue, ce ne sont pas des défauts, c'est ce qui fait tenir le texte ! Je veux dire qu'une bonne partie de son charme tient justement à cette immersion rapide à la fois dans un univers et une conscience ; et sans cette immersion, l'émotion que tu décris n'arriverais pas non plus pour moi. C'est typiquement le genre de textes où il faut se laisser porter par le flux de la prose en sachant qu'on va finir par aborder quelque part... Tout prépare la fin, quoi.

D'accord à 110%.
Je précise que, comme Aldaran, j'ai eu du mal à entrer dans le texte et, dans un premier temps, je l'ai mis de côté pour souffler un peu. Puis je l'ai repris depuis le début en prenant des notes (après tout, j'étais censé le critiquer pour Bifrost) et en le traitant, si je puis dire, comme un texte en anglais que je devais traduire et que je relisais une dernière fois pour trouver le ton et le fond.
Bingo.
Comme disait le regretté Harlan Ellison: "Pay attention!"
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Re: Rossignol, Audrey Pleynet (mai 2023)

Messagepar Erwann » 06 septembre 2023 à 10:50

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Re: Rossignol, Audrey Pleynet (mai 2023)

Messagepar JDB » 15 septembre 2023 à 20:05

Laurent Genefort sur facebook:
Côté lectures, plein de bonnes choses... et une en particulier. Je ne vais pas être très original; n'empêche, ce texte a été une claque, dévoré - ou plutôt, bu comme du petit-lait. Il s'agit de Rossignol d'Audrey Pleynet, novella parue dans la collection "Une heure-lumière". Pourquoi ce livre en particulier ? Parce qu'il m'a procuré un authentique plaisir d'esthète, grâce à ce sense of wonder qui fait défaut à nombre d'œuvres que j'ai lues récemment. L'histoire d'une hybride humano-alien, dans une station spatiale façon Point Central située au milieu d'un futur lointain. On y expérimente l'hybridation via les "paramètres". C'est riche, générateur de sensations - et aucun sens ne semble avoir été oublié. Mention spéciale pour les boîtiers de paramétrage d'urgence : c'est un peu compliqué à résumer, je vous renvoie donc au texte ; mais cette super idée secondaire dénote bien la parfaite maîtrise de l'autrice du processus SF en tant que développement raisonné et cohérent de l'hypothèse. Et l'utilisation de la télépathie à l'intérieur d'un cadre hard science, dans une démarche qui m'a un peu rappelé Star Trek, a été une expérience salvatrice pour moi, un rappel du fait qu'un récit hard SF peut s'affranchir du pur réalisme pour s'aventurer sur des terres imaginaires un peu plus sci-fi, sans pour autant sacrifier à la rigueur. Ainsi, le thème traité s'en retrouve à nouveau fécond. Bref - oubliez cette critique foutraque et lisez ce texte formidable. Pour ma part, j'attends avec impatience ce qu'Audrey Pleynet nous réserve pour la suite.

(La mise en forme-italiques, etc-est de moi.)
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Messagepar JDB » 18 septembre 2023 à 20:40

Critique intelligente, fouillée, perceptive... la classe, quoi, de Yossarian--bien connu en Bifrosty.
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"Passablement rincé", qu'il dit.
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Messagepar Weirdaholic » 19 septembre 2023 à 11:07

JDB a écrit :Critique intelligente, fouillée, perceptive... la classe, quoi, de Yossarian--bien connu en Bifrosty.
JDB


Effectivement :

Yossarian a écrit :Audrey Pleynet s’adresse ainsi à notre intellect d’une manière n’étant sans doute pas aimable, mais avec une bienveillance tout en nuance et en amertume.


{mode HS on}

Par contre, j'avoue avoir été interpellé par la mention finale de l'adage bien connu (et largement sur-évalué selon moi), "show don't tell", qui est basiquement une surinterprétation des thèses de Lubbock (au passage, je vous conseille cet article du LHN pour creuser le sujet de façon historique et critique).

Il me semble que justement la force du texte d'Audrey Pleynet tient ce qu'il est porté par une voix (une narration à la première personne digne de Mélanie Fazi), donc que l'héroïne dit des choses autant qu'elle en montre.

C'était d'ailleurs la remarque que faisait Francine Prose (dans Reading like a writer, ouvrage inexplicablement non-traduit, alors que tant de manuels d'écriture beaucoup moins bon l'ont été) : la majorité des grands auteurs et autrices mixent showing et telling - Fazi, Pleynet, mais aussi Flaubert avant elles, j'en avais d'ailleurs parlé dans une chronique.

(Notez aussi que le Consider this deChuck Palahniuk, lui aussi non traduit, recommande de mêler ce qu'il appelle la "big voice", qui est plus ou moins le telling, avec la "little voice", qui est plus ou moins le showing - je dis "plus ou moins" car théoriquement parlant il est plutôt du côté de Spielhagen que de Lubbock, mais c'est une autre histoire, que vous pouvez explorer avec l'article du LHN susmentionné.)

{mode HS off}
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Re: Rossignol, Audrey Pleynet (mai 2023)

Messagepar ubikD » 19 septembre 2023 à 21:12

Mmm ! Intéressant article. Pour résumer, dans un cas on se focalise sur le narrateur et dans l'autre sur l'univers qu'on nous donne à lire/percevoir ?
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Re: Rossignol, Audrey Pleynet (mai 2023)

Messagepar Soleilvert » 20 septembre 2023 à 10:18

-> Je plussoie pour Ubik (la remarque de JDB)
-> Weirdhaolic : qu'ajouter à ton feu d'artifice sur Flaubert ? Le changement de temps, observé par exemple dans l'éducation sentimentale, l'alternance de phrases longues et abruptes (Il voyagea. Il connut la mélancolie des paquebots, les froids réveils sous la tente, l’étourdissement des paysages et des ruines, l’amertume des sympathies interrompues. Il revint.), l'influence de Flaubert sur la littérature anglo-saxonne dont Pierre Assouline situe le pic à la jointure des deux précédents siècles.
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Re: Rossignol, Audrey Pleynet (mai 2023)

Messagepar Weirdaholic » 22 septembre 2023 à 14:20

ubikD a écrit :Pour résumer, dans un cas on se focalise sur le narrateur et dans l'autre sur l'univers qu'on nous donne à lire/percevoir ?


Oui, c'est une des façons de voir les choses (à la Jakobson), peut-être plus précise que d'opposer le commentaire de l'action à l'action elle-même ; ça permet au moins de ne pas discréditer un procédé (le telling) au profit de l'autre (le showing), et de se rendre compte que les deux sont également utiles...

Soleilvert a écrit :Le changement de temps, observé par exemple dans l'éducation sentimentale, l'alternance de phrases longues et abruptes (Il voyagea. Il connut la mélancolie des paquebots, les froids réveils sous la tente, l’étourdissement des paysages et des ruines, l’amertume des sympathies interrompues. Il revint.), l'influence de Flaubert sur la littérature anglo-saxonne dont Pierre Assouline situe le pic à la jointure des deux précédents siècles.


La phrase que tu cites est aussi intéressante pour le showing / telling : elle ne "montre" pas forcément grand-chose, beaucoup de conseillers littéraires la retoqueraient (enfin, "mélancolie", "froids", "étourdissement", "amertume", c'est juste du telling !)... mais elle marche, outre sa musicalité, en raison même de la façon dont, grâce au telling, elle synthétise tout un pan de la vie de Frédéric Moreau, pour en dire la vacuité (c'est tellement vide qu'il n'y a rien à montrer !)

Sinon, il y a tout un bouquin de Gilles Philippe sur le French Style - L'accent français de la prose anglaise, voir par exemple ce compte-rendu. Après, Flaubert a servi (non sans raison) d'étendard, mais certains de ses procédés stylistiques étaient déjà chez les Goncourt (voir La Langue littéraire, excellent ouvrage collectif dirigé par le même Gilles Philippe). (Détail amusant, les trois écrivains sont présents dans une de mes récentes lectures, le Cent vingt de Léo Henry, que je chroniquerai pour sa sortie.)

Bon, on s'éloigne un peu d'Audrey Pleynet - ou pas, parce que, dans Rossignol, c'est une grande styliste, qui mixe showing et telling avec une virtuosité flaubertienne.

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